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11/12/2018

Le mouvement génial des justes.

Philippe Guillemant a publié sur son site ce petit texte  symboliquement éclairant sur les gilets jaunes (dont le titre est une anagramme):

 

Le mouvement des gilets jaunes

est un mouvement génial des justes.

 

 

Le gilet jaune assure la sécurité dans une situation à risque où deux parties sont en présence, l’une disposant d’un véhicule ayant tendance à rouler trop vite par négligence de l’autre partie : le piéton. Il symbolise ainsi la protection rendue nécessaire par la confrontation entre deux mondes ou modes de vie, lent et rapide, influent et négligeable, riche et pauvre, ceci me paraissant important pour comprendre la portée du mouvement.

Sur les autoroutes, le gilet jaune assure la sécurité de l'ouvrier qui risque sa vie pour sécuriser celle d'autrui. Il assure également la sécurité des deux parties confrontées lorsqu’une panne pourrait être à l'origine d'un accident. Or la nécessité de se protéger tout en protégeant en même temps autrui relève d’une action responsable mais qui doit surtout être juste, car un équilibre bien dosé est nécessaire entre deux extrêmes: ne pas bien se faire voir met tout le monde en danger et inversement, trop se faire voir peut engendrer un blocage ou un ralentissement excessif qui cause un accident : la façon dont le gilet jaune se positionne sur la route en régulant éventuellement le trafic nécessite un réglage juste.

Le gilet jaune implique donc un sens de la bonne mesure pour sécuriser les deux parties en confrontation: le riche bolide et le pauvre piéton. La sécurité est encore augmentée lorsque le premier peut s’habituer à la présence du second : c’est le cas lorsqu’il y a tout le temps des travaux sur l’autoroute. J'en déduis que la portée symbolique de ce mouvement est conditionnée à une action à la fois mesurée et prolongée.

Passons donc maintenant du terrain restreint de l'autoroute à celui de tout notre système économique et social, que le mouvement des gilets jaunes menace à juste titre de bloquer. Le gilet jaune ne veut pas renverser le système, il veut seulement obliger le système à ralentir sa course à l'argent roi pour assurer la sécurité de tout le monde. Le système a besoin de fonctionner sans être bloqué ou ralenti par des travaux-manifestations, lesquels sont pourtant nécessaires pour contraindre le système à ralentir.

Cette exigence signifie que l'on ne peut pas laisser les pauvres, ouvriers ou personnes en panne, travailler pour les riches, ceux qui circulent plus et plus vite, sans contraindre ces derniers à ralentir c'est à dire gagner moins d'argent, pour que les pauvres puissent eux-mêmes vivre en sécurité c'est à dire remplir leur frigo.

Le mouvement des gilets jaunes est ainsi symboliquement un mouvement de décroissance et de redistribution des richesses, compatible avec la nécessité de dépolluer la planète mais incompatible avec l'ultralibéralisme fou (bolide ou titanic) qui nous a été imposé par les USA pour fonder l'Europe elle-même. Il fait ainsi renaître les espoirs de se libérer d'une Europe malade du fléau qui nous vient de l'ouest, pour retrouver une souveraineté seule capable de restaurer la liberté, l'égalité et la fraternité que la France est en train de perdre à vitesse grand V.

En pratique, ce mouvement est génial car dans son principe il donne la possibilité à chaque citoyen de bloquer le système en toute légalité toute proportion gardée, en se postant simplement avec un gilet sur un passage piéton. Il donne la possibilité à des groupes de quelques personnes de bloquer la circulation aux ronds-points, de façon dosée de manière à ne pas nuire et finir par trouver la bonne mesure. Cela est très puissant, d'autant plus que cela redonne un sens à la vie d'une multitude de plus ou moins pauvres de toutes origines qui participent à ce mouvement, lequel est par dessus le marché un mouvement de solidarité où l'on partage des biens et des informations.

La seule ombre que je vois au tableau du mouvement des gilets jaunes est qu'il pourrait être récupéré par les meneurs du système, c'est-à-dire par les pouvoirs qui influencent les pions qui nous gouvernent, pour provoquer l'effondrement financier catastrophique qu'ils savent devoir advenir dans les années qui viennent. Au niveau de ces pseudo-élites (bancaires en particulier) qui ont le pouvoir de manœuvrer la politique européenne, on sait qu'il y aura prochainement un effondrement systémique car notre système financier est complètement corrompu et à bout de souffle et son euthanasie s'impose à cause du cancer avancé provoqué par les planches à billets, les taux négatifs, etc..

Dans mon dernier livre Le pic de l’esprit, je parie sur l’année 2020 mais la grande crise est régulièrement annoncée comme imminente et certaines dates de déclenchement sont parfois données, qui se concentrent souvent entre 2019 et 2021 ou sont encore plus tardives.

Il est dit que cet effondrement devrait immédiatement créer un collapse économique avec tout ce qui s'ensuit: plus d'essence, plus rien dans les super marchés, paniques, pillages et risques de guerres civiles, etc. J'imagine d'ailleurs que son anticipation est la vraie raison pour laquelle la possibilité d'imposer un état d'urgence prolongé a déjà été préparée avec l'excuse du terrorisme depuis des années. L’Allemagne a d'ailleurs demandé à ses citoyens de faire des réserves d’eau et nourriture depuis fin 2016 et l’on parle aujourd'hui de plus en plus d'un effondrement possible même dans nos propres médias mainstream, permettant ainsi au peuple de s'y préparer.

J'en viens maintenant à l'ombre elle-même. Comment ne pas imaginer que sachant tout cela, le pouvoir financier puisse avoir l’idée de provoquer cet effondrement, peu avant qu’il ne devienne inévitable, en le laissant venir non pas d'une défaillance systémique comme en 2006 mais plutôt d'une insurrection des peuples contre la politique de leur pays ? Si l'effondrement était en apparence provoqué par une défaillance des peuples qui l'auraient engendré par ralentissement de l'économie à cause de blocages et violences exagérés, ces peuples seraient poussés à en endosser la responsabilité alors même qu’elle incomberait en réalité au système financier lui-même, même s'il n'instrumentalise pas le mouvement. Ce système pourrait alors beaucoup plus facilement se maintenir à l'issue de l'effondrement, après que tout soit plus ou moins rentré dans l'ordre né du chaos, et les meneurs lavés de toute responsabilité pourraient même resserrer leur emprise esclavagiste sur les peuples.

Personnellement, je ne pense pas que cela arrivera, d’une part parce que l’ordre né du chaos sera à mon avis beaucoup plus créatif que l’ordre mondial imaginé par les meneurs, d’autre part parce que ces derniers sont beaucoup moins intelligents qu’il est d’usage de le penser, étant eux-mêmes menés par des entités qui exploitent leur bêtise et leur enfermement dans le parc de la pensée (voir Le pic de l’esprit page 274 où je rappelle en particulier qu’il n’y a aucun complot dans cette affaire).

Par ailleurs, l’effondrement du système financier déboucherait forcément pour beaucoup d’entre nous sur une grande joie libératrice, susceptible de transformer le mouvement des gilets jaunes en un immense mouvement de solidarité qui saura gérer la redistribution des richesses aux moments les plus difficiles que nous aurons à vivre : le pouvoir de l’argent sera dépassé.

Je peux avoir tort par excès d’optimisme et s'il était instrumentalisé, ce serait une véritable ombre au tableau de ce mouvement pourtant génial des gilets jaunes. La seule sauvegarde pour éviter ce scénario négatif est que les gilets mettent de la mesure dans leurs actions justes de manifestation et de revendication. Les gilets jaunes en sont capables et c'est ce qu'il font, comme par exemple avec leur demande du Référendum d'Initiative Citoyenne (RIC). Ils pourraient alors devenir des justes qui par leur action héroïque parviendraient à imposer une lente transformation du système qui finisse par mettre au grand jour des médias mainstream les véritables fléaux qui font de nous des esclaves et qui sont occultés depuis trop longtemps. Alors je sais que je rêve mais je connais aussi l'impact de ce genre de rève. Tout serait alors gagné d'avance et plus jamais un système fondé sur l'encouragement à faire de l'argent avec de l'argent, à spéculer ou à toucher des intérêts indus ne saurait parvenir à s'imposer à nouveau par la suite.

Je me plais ainsi à penser que le mouvement des gilets jaunes nous vient d'un futur où la France a réussi à changer le système.

Mais ce n'était qu'un rêve du futur inspiré par la coïncidence suivante:

"Le mouvement des gilets jaunes" est l'anagramme exact de:

"Le mouvement génial des justes"

 

08/12/2018

Onfray suite: Le pouvoir aux abois

LE POUVOIR AUX ABOIS

    Le pouvoir a usé et abusé de plusieurs stratégies pour  disqualifier le mouvement des gilets-jaunes. Il y a d'abord eu le traitement par le mépris: "Ca leur passera, c'est un genre d’éruption cutanée, ils finiront par rejoindre le rang! Il suffit de laisser pourrir, d'attendre, de tabler sur la fatigue." Un genre de variations sur le thème du: "Salauds de pauvres!" Mais ça n'a pas suffi. Ce petit peuple qui dit n'en plus pouvoir d'être étranglé par le pouvoir de l'État maastrichtien n'a plus rien à perdre: strangulé depuis des années, fatigué, épuisé, exsangue, harassé, éreinté, qu'a-t-il désormais à perdre? Plus rien...

   Il y a eu ensuite le traitement par le mensonge. Le ministre de l'Intérieur, ancien joueur de poker naguère très au fait des habitudes du milieu marseillais, y est allé fort: il a livré à la presse, qui s'est empressée de les reprendre et de les diffuser largement, des chiffres fantaisistes concernant les participations aux manifestations à la décimale près en expliquant que ce n’était rien, peu de chose, pas grand-chose. Les images avaient beau montrer le contraire à jet continu, rien n'y faisait: le pouvoir disait que c'était quantité négligeable -donc gens négligeables.

  Dans la foulée, il y a eu le traitement par la criminalisation. On a ainsi vu ce fameux Castaner posant dans un PC sécurité, avec des fonctionnaires aux ordres, en leur demandant devant les caméras de confirmer qu’il y avait bien eu un mort. La conversation ressemblait à ça: "Un mort, oui, c'est ça, j'ai bien entendu, il y a eu un mort, vous pouvez me confirmer qu’il y a donc bien eu un mort à cause des gilets-jaunes? C'est bien ça?" Or, s'il y a bien eu des morts, ils ne l’ont pas été du fait des gilets-jaunes, mais du fait de ceux qui, comme Castaner, refusaient les gilets-jaunes, et fonçaient dans le tas...

   Puis il y a eu le traitement par la diabolisation: on a parlé de fascisme, de vichysme, de poujadisme, de lepenisme, de populisme, de peste brune, d'antisémitisme, d'homophobie, de racisme. Libération et Le Monde, France-Inter et le service public audiovisuel dans sa totalité, ainsi que les journaux subventionnés par l'argent du contribuable, y sont allés comme un seul BHL! Mais cette technique qui a fait mouche pendant quelques années ne marche plus. Le peuple a compris les ficelles. Depuis qu'il en fait lui-même les frais et qu’il sait qu'il n'est ni fasciste, ni antisémite, ni nazi, ni homophobe, il comprend que ces éléments de langage sont préparés et distillés par les médias du système afin de le maintenir en place, et de n'y rien changer. Mais il y a eu mithridatisation: ce poison inoculé depuis des années ne produit plus aucun effet. C'est tout juste devenu l'eau bénite des maastrichtiens avec laquelle ils essaient en vain de conjurer ce qu’ils prétendent être le diable...

  Ajoutons aux forfaits déjà listés le traitement par l'attaque ad hominem: les journaux du système sont allés chercher des poux dans la tête de tel ou tel dont on cherchait le spécimen le plus à même de servir de repoussoir. Il y eut cette femme qui avait fait un tabac avec sa vidéo, tout au départ du mouvement, et dont on a vidé les poubelles afin de savoir s'il n'y avait pas chez elle quelque chose qui réjouirait la basse police intellectuelle. On a trouvé de l'hypnose   (comme chez Freud...), de la croyance à des propos assez peu scientifiques (comme chez Freud...), du complotisme (comme chez Freud...), mais comme elle ne se réclamait pas du docteur viennois, les journalistes parisiens qui habituellement souscrivent aux fictions de la psychanalyse trouvaient que, chez elle qui vivait en province et n'était pas diplômée en pensée magique freudienne, il n'y avait aucun crédit et que, de ce fait, c'est tout le mouvement qui cessait d'être crédible -chez ceux-là même qui, soit dit en passant, n'avaient jamais estimé une seule seconde qu’il fut ou crédible ou défendable... 

   Il fallut également compter avec le traitement par l'essentialisation. De sorte qu'un propos raciste tenu ici par un gilet-jaune qui bloque une voiture conduite par un non-blanc (on ne sait plus comment dire sans risquer la prison...) bien décidé à forcer le barrage, et voilà que c'est tout le mouvement qui est raciste!  Et l'on fait de même avec un gilet-jaune qui a tenu un propos homophobe après avoir estimé que le conducteur énervé d'un autre véhicule ne lui semblait pas hétérosexuel (toujours la crainte de la prison...), et voilà que tout le mouvement devient homophobe! Il est bien évident qu'il n'y a aucune espèce de tolérance à avoir à l'endroit de qui est raciste ou homophobe, antisémite ou phallocrate, mais, sur les millions d'électeurs de Macron, on pourrait également trouver des racistes et des homophobes: personne n'en conclurait, surtout pas les journalistes du système, que Macron lui-même l'était ou bien, pire encore, la totalité du mouvement En Marche!

  Pour suivre, il y a eu aussi le traitement par la déconsidération: il fallait absolument assimiler le mouvement aux casseurs. Consignes furent donc données aux forces de l'ordre de laisser casser: sinon, pourquoi aurai-je vu pendant si longtemps sur BFM des manifestants desceller des pavés de l'avenue des Champs-Élysées? Ce que les journalistes pouvaient filmer sans problème, en prenant leur temps, ce que les téléspectateurs pouvaient voir, bien assis dans leur fauteuil, les services de police pouvaient eux-aussi le voir, ils pouvaient donc agir, donner des ordres et empêcher que les pavés soient descellés.  Auquel cas, sans pavés descellés, il n'y aurait pas eu de forces de police attaquées, pas de vitrines de magasins défoncées, et rien de ce qui a permis aux journalistes de s'apitoyer longuement sur le spectacle déplorable, sur la violence des gilets-jaunes, sur leur vandalisme, sur leur sauvagerie... Qui était sauvage. Qui était vandale? Le président de la République, le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur qui avaient les moyens d'empêcher la violence et qui s'y sont refusés afin de pouvoir ensuite l'instrumentaliser à des fins de déconsidération.

   De même a-t-on eu droit à un traitement par la dramatisation. Avec l’un d'entre les gilets-jaunes qui disait qu'il fallait marcher sur l'Élysée afin de pouvoir y être reçu pour présenter ses doléances, on fit une scène médiatique formidable: les gilets-jaunes voulaient faire un "putsch" fut-il dit. Un "coup d'État" ont ajouté d'autres! Il a suffi qu'on sorte le propos d'un autre qui voulait qu'on confie Matignon au général de Villiers pour que la presse effectue une nouvelle variation sur le thème du fascisme des gilest-jaunes.  Il n'est pas venu à l'esprit de ces journalistes qu’un réel putsch a vraiment eu lieu en France il y a quelques années: c'était le 29 mai 2005 et on le devait aux libéraux maastrichtiens, de droite et de gauche, quand ils ont jeté aux ordures le référendum par lequel 54,68 % des Français ont fait savoir qu'ils ne voulaient plus de cette Europe maastrichtienne libérale, qui a créé la paupérisation générant ce mouvement des gilets-jaunes. 

    Mépris, mensonge, criminalisation, diabolisation, attaque ad hominem, essentialisation, déconsidération, dramatisation: Emmanuel Macron ne recule devant rien quand il s'agit d'attaquer le peuple afin de défendre l'Europe maastrichtienne.

   L'image des blindés de la gendarmerie stationné en haut des Champs-Élysées renseigne bien sur ce qu’il en est désormais du pouvoir personnel d'Emmanuel Macron... Mais ce ne sont pas des véhicules militaires, a dit une crétine de BFM le samedi matin parce qu’ils n'étaient pas équipés de mitraillettes -des "sulfateuses" a même surenchéri un consultant expert de la chaîne! Il y avait presque un regret chez ces gens-là qu'on ne sulfate pas le peuple qui se contente de demander du pain.

Michel Onfray

 

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Michel Onfray : L'insurrection, et après?

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Sur son site

L'insurrection, et après?

   Pour l'heure, ce qui advient avec les gilets-jaunes ressemble à s'y méprendre aux prémices d'une révolution. L'histoire de la Révolution française, mais aussi celle des autres révolutions, intéresse le libertaire que je suis parce qu'on peut y pointer le moment où la générosité qui préside à un mouvement pour plus de dignité et d'humanité se trouve récupéré par quelques autoritaires qui détournent l’impulsion originelle afin d'assurer leur pouvoir personnel. Ils évincent alors les auteurs ayant initié la dynamique: les gens modestes, les pauvres, les petits, les sans-grade, les "sans-dents", comme il fut dit un temps par un qui se disait "socialiste" et -hélas!- suivant la jurisprudence 1983, l'était bel et bien! 

   Prenons 1789. La Révolution française ne s'effectue pas tout de suite, contrairement aux résumés distribués par le catéchisme laïc, avec une revendication républicaine d'abolition de la monarchie dans l'objectif avoué de réaliser la Liberté, l'Égalité et la Fraternité! Pour la vulgate, il y aurait eu un "avant 14 juillet", avec les ténèbres, un roi faible, une reine frivole et vendue à l'étranger, un régime esclavagiste, puis, après la Révolution, un moment de lumière avec des dirigeants républicains ayant offert la dignité à tous! Lors de la prise de la Bastille, rappelons-le, Robespierre, Marat et Danton sont monarchistes et ils vont le rester deux bonnes années! L'insurrection de 1789 ne s'effectue pas pour les idées de Liberté, d'Égalité et de Fraternité, mais pour des revendications concrètes portées par ceux qu’on appelle "les Enragés" -les gilets-jaunes de l'époque... Ils veulent du pain pour leur famille, du lait pour leurs enfants et du savon pour se laver. Les prix sont trop élevés, les accapareurs et les agioteurs profitent du désordre pour les augmenter, les Enragés veulent les plafonner. Ils n'ont aucun souci de faire chuter la monarchie ou d'en penser les modalités constitutionnelles, ni même de proposer un changement de régime! La démocratie directe avec le contrôle des représentants proposés par les Enragés ne datent pas de juillet 1789.

   A cette époque, les sans-culottes, une autre modalité de la revendication populaire, évoluent eux-aussi sur des terrains très concrets et nullement idéologiques. Ils n'ont que faire des débats intellectuels et de savoir s'il faut préférer le Contrat social de Rousseau à L'Esprit des lois de Montesquieu: ils veulent améliorer leur vie quotidienne qui est faite de misère et de pauvreté, de faim et de froid, de chômage et de précarité.

   Il n'est d'ailleurs pas sans raison que ce petit peuple révolté soit lui aussi qualifié avec un attribut vestimentaire: ils ne portent pas la culotte et les bas des bourgeois (ou de l'aristocrate Robespierre qui est le grand homme de la bourgeoisie et n'oublie jamais de porter la perruque poudrée de sa caste...), mais le pantalon à rayures bleues et blanches. Les gilets-jaunes eux-aussi arborent un attribut vestimentaire qui, certes, est celui des automobilistes en détresse, mais aussi, on a tendance à l'oublier, celui des travailleurs de l'extérieur qui ont besoin de signaler leur présence sur les chantiers ou dans les rues afin de ne pas se faire tuer par des engins de travail ou des automobilistes. Le gilet jaune, c'est le costume du travailleur qui ne porte pas de cravate: le maçon et le balayeur, le menuisier et l'employé de la voirie...

   Au commencement, toute révolution est insurrection. La prise de la Bastille est emblématique de cette vitalité révolutionnaire: on attaque le symbole du pouvoir. Qui niera que les Champs-Élysées, lieu de parades des puissants, soit un lieu éminemment symbolique pour ceux qui regardent à la télévision le pouvoir y passer, s'y montrer, s'y exhiber et qui le subissent sans jamais l'exercer? On y voit en effet, au choix, les défilés militaires lors de la parade anniversaire de ce fameux 14 juillet; la tribune des chefs d'État invités par la France -jadis Kadhafi ou Bachar el Assad, et récemment, pour le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale: Trump, Erdogan, Merkel ou Poutine et un paquet d'autres huiles; les bus de l'équipe de football quand elle décroche la coupe du Monde ; le convoi funéraire de Johnny Hallyday, fiscalement domicilié aux États-Unis ou en Suisse, mais néanmoins salué par les trois derniers présidents de la République, le quatrième n'étant plus en état de le faire mais qui, sinon, y serait également allé. C’est aussi l'artère qui conduit le chef d'État nouvellement élu de la place de la Concorde, où ont été décapités le roi et la reine, ce qui marque la fin de la monarchie, à l'Arc de triomphe, un bâtiment qui est d'abord là pour signifier les victoires de Napoléon, certes, mais aussi et surtout, la fin de la Révolution française sifflée par ce jacobin corse avec son coup d'État du 18 Brumaire. Avec ce putsch, Napoléon assure aux bourgeois que la Révolution est finie et qu'ils peuvent désormais jouir tranquillement des biens confisqués au clergé, devenus biens nationaux, et achetés par eux parce qu'ils avaient de quoi les acquérir -au contraire des pauvres... Les Champs-Élysées racontent en raccourci comment naît, vit et meurt une Révolution: de la guillotine robespierriste, en bas, où le sang a été versé par les jacobins de 1792 et 1793 pour abolir la royauté, à l'Arc de l'empereur, en haut, qui a mis fin à la Révolution et renvoyé les petites gens à leurs conditions de misérables (quand ils ne mourraient pas sur les champs de bataille de ses guerres de conquête par centaine de milliers...). C'est un résumé de ce qui ne doit pas arriver mais qui menace si d'aventure les gilets-jaunes ne se structurent pas.

   Car, s'ils ne s'organisent pas, d’autres organiseront pour eux et, c'est certain, les gilets-jaunes deviendront les Plaideurs de la fable de La Fontaine, ils n'auront plus que leurs yeux pour pleurer: l'insurrection aura fait le jeu de Mélenchon ou de Le Pen, autrement dit de ces gens du système, car, même s'ils font carrière dans la critique du système, ils en font partie -le très longtemps sénateur socialiste Mélenchon ayant voté "oui " à Maastricht, qui est le péché originel expié ces temps-ci dans les rues; et Marine Le Pen ayant hérité de la boutique paternelle qu'elle fait fructifier de façon familiale entre Montretout et bamboula. L'un et l'autre avec leurs troupes dirigeantes sont gens à cravate, même et surtout quand ils affectent de n'en pas porter! 

   Comment s'organiser? Il faut éviter la solution jacobine car, pour cette engeance centralisatrice et parisienne qu'est le jacobin, tout pouvoir procède d'une figure unique qui elle-même s'inspire du roi. Précisons que, lors des dernières présidentielles, tous les candidats étaient jacobins! Ceux qui parlaient de girondinisme le faisaient pour rire -Raffarin ou Juppé par exemple...- dans la perspective que, dans leurs régions gouvernées comme des fiefs féodaux, ils pourraient continuer à disposer d'un pouvoir semblable à celui des monarques. Or, la Gironde n'est pas multiplication des rois en région ou dans les départements, voire dans les communes, ce serait pure sottise, mais réellement pouvoir régional en région, départemental dans les départements, communal dans les communes. En revanche, c'est le pouvoir exercé par ceux sur lesquels il s'exerce avec révocabilité des élus. En effet, ces derniers ne devraient pas être des titulaires du pouvoir de droit divin mais des mandataires auxquels l'électeur peut reprendre sa délégation à tout moment dans le cas où la parole et peu, pas ou mal portée. Le pouvoir ne doit plus être une sinécure personnelle et doit redevenir une obligation contractuelle. L'élu est l'obligé de qui le mandate et non son parasite.

   Le marxisme-léninisme est la forme aboutie du jacobinisme. N'oublions pas que cette idéologie reste l'horizon intellectuel de Mélenchon et de sa garde rapprochée. La dictature du prolétariat, préconisée par Marx dans le texte, a été réalisée par Lénine, puis Trotski, puis Staline. Je ne fais pas de distinctions entre ces trois modalités d'une même dictature. Elle a été dictature sur le prolétariat plutôt que dictature du prolétariat. Le nier c'est prendre le parti du Goulag.

   Dans l'aventure des gilets-jaunes, les néo-marxistes-léninistes sont embusqués: ils sont passés à côté des débuts de l'insurrection qu'ils ont même, pour tel ou tel, je songe à Clémentine Autain, regardé avec un certain mépris. Depuis qu’ils sont arrivés quatrièmes aux présidentielles et très mauvais perdants, ils ont raté la convergence des luttes; ils n'ont pas réussi à fédérer lors de manifestations qu’ils voulaient grandioses; ils perdent des points dans les sondage ; ils accumulent les scandales d'argent et d'affaires, de népotisme et de passe-droits, qui touchent tel ou tel ou tel dans leur camp.

   Or, ce grand petit peuple a réalisé tout seul ce que ces politiciens professionnels ne sont pas parvenus à faire avec beaucoup d'argent, des communicants, des experts, des salariés, et même des autoentrepreneurs... Aujourd'hui, disons-le de façon métaphorique, les néo-robespierristes remontent la foule en direction des premières places du cortège...

  A droite, Marine Le Pen offre une version de ce même jacobinisme. Elle croit au chef charismatique, certes, elle sollicite le référendum sur les questions sociétales mais, sans la pédagogie qui le prépare, le référendum, auquel je tiens comme exercice de démocratie directe, est un plébiscite du chef plus qu'une expression démocratique. En nos temps d'inculture politique et civique généralisée, la démocratie plébiscitaire s'avère l'une des modalités de la tyrannie -celle de l'opinion que ne construit plus l'École qui fut jadis républicaine, mais que fabriquent aujourd'hui les médias dominants et les contre-médias tout aussi insoucieux de vérité, de réalité, de justice et de justesse les uns que les autres. Condorcet a déjà expliqué en son temps combien la démocratie sans éducation rendait toute élection problématique. 

   Ces deux modalités du jacobinisme que sont Mélenchon et Le Pen n'ont pas été plus clairs l’un que l’autre sur la question de la souveraineté nationale: on les comprend car ces professionnels de la politique sont obsédés par leur boutique et il s'agit toujours pour eux de ne pas effrayer les électeurs potentiels. Or, les choses sont simples: faut-il oui ou non rester dans la configuration de l'Europe libérale qui empêche les décisions nationales en faveur des citoyens les plus pauvres? Doit-on garder l'euro, monnaie unique, en sachant qu'il ne permet pas de mener une politique économique autonome, ce qu'en revanche permettrait une monnaie commune? En fait, si l'on y regarde de plus près, l'un et l'autre ont déjà tranché à leur manière: Mélenchon en évinçant il y a peu de son staff Djordje Kuzmanovic et François Coq qui défendaient une ligne clairement souverainiste; et Marine Le Pen en agissant de la même manière avec Florian Philippot qui campait sur des positions semblables.

   Dès lors, faute de recouvrer notre souveraineté politique, on ne peut pas dire qu'on soutient les revendications des gilets-jaunes puisque celles-ci ne pourraient être satisfaites tant que la France resterait dans la configuration de l'État maastrichtien.

  La souffrance de ce peuple en jaune explose après un quart de siècle de privations imposées à ces laborieux qui n'en peuvent plus de la misère et de la pauvreté qu'on leur inflige au nom des critères de l'Europe, qu’ils soient économiques, fiscaux, monétaires ou écologiques.

   Car, dans cette aventure, Macron mène la politique de l'Europe et non celle de la France, ce qui, de facto, lui interdit toute marche de manœuvre politique nationale. Il y a peu, dans Les Terriens du dimanche (2 decembre 2018), Aurélien Taché, député La République en Marche, a dit tout haut ce que Macron pense tout bas: "Le fait de transférer une grande partie de la souveraineté nationale au niveau européen, c'est le cœur de ce qu'on proposera aux élections européennes, ça c'est très clair" -c'est très clair en effet...

   Macron prend prétexte de sauver la planète pour serrer la ceinture des pauvres (tout en desserrant celle des riches dispensés d'impôts sur la fortune) afin de les soumettre à la règle maastrichtienne des 3%. Mais il s'agit moins pour lui de sauver la planète que de sauvegarder l'Europe libérale, une espèce en péril -sinon, pourquoi ne pas taxer les supertankers, les avions de ligne, les aéronefs commerciaux, les paquebots de croisière, les entreprises qui polluent, les constructeurs automobiles ayant fraudé sur leurs émissions de carbone, plutôt que l'infirmière qui effectue ses visites en campagne? 

   Dès lors, quiconque croit pouvoir répondre favorablement aux demandes des gilets-jaunes sans envisager une sortie de l'Europe maastrichtienne ment éhontément:  Les Républicains et le Parti Socialiste, La France insoumise et le Rassemblement national, le Modem et le Parti communiste français sont à mettre dans le même sac. Il n'y a donc aucune raison de faire confiance à cette classe politique jacobine, parisienne, mondaine, partidaire qui se trouve à l'origine du malaise qu'elle prétend désormais vouloir combattre... si on l'installe à nouveau au pouvoir!  On ne peut créer les conditions du chaos depuis des décennies puis vouloir y mettre fin avec la politique qui a causé ces dégâts!

   Par ailleurs, je comprends que les gilets-jaunes aient des réactions épidermiques avec les porte-paroles autoproclamés, qu'ils évincent tel ou tel parce qu'il est journaliste ou bien parce qu’il est encarté dans un parti ou un syndicat, qu’ils réprimandent celui ou celle qui ne s'autorise que de lui-même pour parler au nom des autres: ceux qui ont fait profession de justifier le système depuis un quart de siècle ne sont pas crédibles pour guérir la maladie qu’ils ont consciencieusement inoculée. Qu'ils laissent la place! Qu'un authentique dégagisme voie le jour qui renvoie à la retraite les professionnels de l'État maastrichtien -partis politiques et syndicats, journalistes et intellectuels du système, ainsi que tous les voyageurs de commerce de cet idéal populicide qui a mis tous ces gens dans la rue quand l'épuisement s'est pour eux trouvé maximal.

   Que faire? S'il faut éviter la solution jacobine il faut également éviter la solution spontanéiste: du chaos il ne sort que plus de chaos encore, mais jamais un ordre nouveau. Ceux que l'on nomme les "casseurs" et qui signent leurs forfaits avec des slogans sans ambiguïtés, notamment avec des sigles comme celui du "A" dans un cercle qui est clairement la signature anarchiste, ne partagent pas les intérêts de ce petit peuple malheureux. Leur sociologie est celle des urbains cultivés et sur-diplômés, politisés et organisés. La source de leur révolte est bien plutôt dans le gauchisme culturel de Giorgio Agamben ou de Toni Negri (un fervent partisan du "oui" au Traité constitutionnel européen d'ailleurs...), que dans l'impossibilité d'acheter des jouets à leurs enfants ou à leurs petits-enfants au prochain Noël...

    J'ouvre une parenthèse pour signaler que j'ai entendu une journaliste commenter le "A dans son cercle" de l'anarchie, tagué sur l'Arc de Triomphe, en disait qu’il était la signature des "antifas". Parfait! Tout va bien, car ce sont donc des amis politiques des médias du système, puisqu'ils sont censés lutter contre le fascisme casqué, armé, botté, militarisé -celui de Marine Le Pen bien sûr! Or, pour l'heure, s'il est bien des gens armés, casqués, bottés, militarisés, ils semblent bien plutôt se trouver chez ces prétendus antifascistes que du côté des gilets-jaunes dont il est facile de revêtir le vêtement pour commettre des forfaits, d’autant plus que le pouvoir et les médias de l'État maastrichtien n'attendent que cela pour stigmatiser le mouvement. 

   Cette "anarchie" là n'est pas la mienne. C'est celle de l'idéaliste hégélien Bakounine qui croyait (comme un libéral dans sa candeur...) que la liberté de la révolte accoucherait naturellement de la révolution comme en sortant de la cuisse de Jupiter! Laissez faire les repris de justice et les artistes, les poètes et les fous, les chômeurs et les clochards écrit-il dans L'Empire knouto-germanique, et de leur colère naîtra comme par enchantement un nouvel ordre révolutionnaire! Il faut sacrément ignorer la nature humaine pour penser l'anarchie d'une façon aussi simple, sinon simpliste, pour tout dire infantile ou adolescente... La violence n'est pas accoucheuse de l'Histoire: elle l'est surtout de la violence! L'Histoire est ensuite construction, et l'on peut construire ailleurs sans avoir besoin de détruire ici.

   Comment faut-il s'y prendre pour construire ailleurs sans avoir besoin de détruire? En tournant le dos à l'idéalisme allemand du russe Bakounine et de ses émules qui croient aujourd’hui que le pavé lancé sur les forces de l'ordre et l’incendie des voitures, le cocktail Molotov balancé sur les CRS et la fronde pour leur envoyer des boulons, le taguage des bâtiments historiques et le pillage des boutiques de souvenirs, la destruction des vitrines des magasins de luxe ou le ravage des terrasses de café, la barre de fer et la batte de base-ball, tout cela sert à accélérer l'instauration de la justice sociale! C'est une pensée courte, simpliste et simplette, car cette violence ne contribue pas à l'avènement du Grand Soir, mais juste à la riposte violente du pouvoir qui s'en trouve d'autant légitimé qu’il invoque la protection des citoyens, sans parler de ses grandes invocations médiatiques de la République, de la démocratie et de la liberté en danger...

   Pour trouver une issue politique à cette insurrection inédite, il faut réactiver quelques propositions du socialisme libertaire de Proudhon: il estimait que la Révolution française avait accouché de beaux principes, certes, bien sûr, évidemment, mais de rien qui soit utile à ceux qui voulaient du pain pour leur famille; il détestait le sang et la Terreur, le Tribunal révolutionnaire et Robespierre, la guillotine et le gouvernement révolutionnaire; il n'aimait pas Marx et avait prévu que son système déboucherait sur un régime autoritaire -ce qui fut le cas quelques décennies plus tard; il n'était pas communiste et refusait d'ailleurs cette idée avec vigueur, car il souhaitait étendre la petite propriété privée au plus grand nombre; il ne se gargarisait pas de grands mots et de belles idées, car ce fils de tonnelier qui fut bouvier savait ce qu'était le peuple, il en venait, au contraire de Marx dont le père était avocat; il a construit son socialisme libertaire de façon pratique et concrète, antiautoritaire et non-violente.

   Nulle cité radieuse ou nul lendemain paradisiaque chez lui: il souhaite réaliser un ordre libertaire et, pour ce faire, il invite à une organisation rigoureuse: son anarchie est le contraire du désordre! C'est un autre ordre: celui de la justice. Dans Théorie de la propriété, un ouvrage de sa fin de vie qui fut courte, il théorise cette organisation libertaire et pense la nécessité d'un État libertaire. Pour éviter le double écueil du capitalisme sauvage qui crée les inégalités et l'exploitation, et du socialisme autoritaire qui produit l'oppression et la misère (n'est-ce pas notre actualité?), il propose l'autogestion, le mutualisme, la fédération, la coopération le tout dans l'organisation et sans violence.  

   L'organisation non-violente : voilà c'est ce que les gilets-jaunes devraient faire pour éviter les écueils qui se profilent: à savoir la récupération par les jacobins et les professionnels de la politique, ou bien le basculement dans le chaos spontanéiste, le tout signifiant à coup sûr la mort de cette énergie insurrectionnelle.  

   Proudhon ne donne pas les clés du pouvoir aux intellectuels -il ne le faut jamais! Robespierre en était un, Lénine, Staline et Trotski aussi, Mao et Pol-Pot également -il avait étudié à la Sorbonne, aimait Rousseau et Sartre... Il les donne à ceux sur lesquels il doit s'exercer: la démocratie représentative française, chacun l'a constaté depuis des années, ne représente plus que les intérêts d'une bourgeoisie qui a détourné la lettre de la Cinquième République au profit de l'esprit maastrichtien -quinquennat, cohabitation, usage du 49.3, refus de la proportionnelle... Le verrouillage idéologique et politique fait désormais de l'Assemblée nationale et du Sénat deux chambres d'enregistrement de la volonté du chef de l’État. Si ce dernier est au service du peuple, c'est la meilleure des choses; s'il veut le peuple à son service, c'est la pire! Ces deux instances extrêmement coûteuses en impôts perdent leur temps dans d’infinis amendements qui dénaturent les projets afin de parvenir à un statu quo: droite ou gauche, peu importe, il faut que les libéraux de droite et de gauche gouvernent chacun leur tour -Mitterrand & Chirac, Sarkozy & Hollande, puis Macron, qui, peu ou prou, question de style, ont mené la même politique... Pendant ce temps, la droite et la gauche non libérales font de la figuration, ils protestent, ils se font voir et entendre, ils existent médiatiquement, ils tombent la cravate et la veste en estimant qu'ils ont ainsi tout dit, puis roulent carrosse et mènent la belle vie aux frais du contribuable!

   Les gilets-jaunes gagneraient à réactiver cette démocratie directe à laquelle Proudhon aspirait: c'est une question de vie ou de mort pour eux car ils sont nombreux, pas forcément là où on le croit, les charognards qui attendent le pourrissement, la décomposition, la fin, la disparition, la mort de ce mouvement sur lequel ils ne peuvent rien. Il n'est qu'à regarder les commentaires de la classe politique, médiatique et intellectuelle... 

   Concrètement: le principe susceptible d'être activé est celui de la coordination et de la coopération. A l'ère d'internet et des réseaux sociaux, le dispositif est facile à mettre en place. Il permet à la base, sur le lieu de chaque présence des gilets-jaunes, rond-point et route, bretelles d'accès ou parking de supermarché, dépôts ou entrée de magasins, lycées ou usines, villages et communes, de constituer un collectif qui s'exprime là où il est. Ces collectifs doivent se fédérer et ces fédérations doivent se fédérer elles-aussi afin d'élire des représentants. Chaque délégué est un élu soumis au mandat impératif: il porte le message d'un groupe et ne parle pas pour lui; il donne voix au collectif dont il formule la parole: il est le ventriloque du groupe. Là où il est, quand il parle, il doit être vu et entendu par ceux qui, en regard de sa faculté à représenter véritablement, ou pas, lui conserveront ou lui retireront son mandat.

   Le principe est simple, la mise en œuvre plus difficile: il ne faut pas sous-estimer les effets pervers de ces logiques -l'activation de la testostérone de quelques-uns qui accèdent à la lumière médiatique et les risques de dérapages; le rabattage du problème politique général sur une histoire particulière, fut-elle émouvante et touchante, concrète et pourtant pédagogique; la stratégie médiatique qui consiste à choisir le moins déluré des gilets-jaunes pour en faire une figure emblématique du mouvement et le mettre en lumière pour générer du discrédit ou de la pitié;  le mandat donné à qui n'est pas capable de porter la parole collective intellectuellement ou verbalement, psychologiquement ou humainement; le danger du noyautage par tel ou tel beau parleur qui roulerait en sous-main pour des syndicats ou des partis politiques, sinon pour le pouvoir qui a intérêt à installer le ver dans le fruit -il existe des gens dont c'est d’ailleurs le métier et qui sont depuis toujours payés par l'État pour effectuer ce genre de travail...

   Voici donc un dispositif, une machine: elle ne peut fonctionner sans se mettre au service de revendications dignes de ce nom -il faut viser plus de justice sociale. Toutes sont légitimes pourvu qu'elles visent à rendre leur dignité aux victimes de l'État maastrichtien.

   Le principe du cahier de doléances est une bonne chose: il faut élire des rédacteurs capables de mettre en mots les revendications esquissées et remontées en réseau sur l'intranet des gilets-jaunes. On néglige trop les leçons données par les cahiers de doléance de la Révolution française: mieux que les États généraux, ils parlaient de choses très concrètes, ce qui est le fond de toute politique digne de ce nom -et comme c'est le cas avec les gilets-jaunes... 

   Enfin, il ne faut pas se tromper d'adversaires: les blocages qui mettent en péril d'autres travailleurs pour lesquels la vie n'est pas facile non plus, je songe aux petits patrons, aux artisans, aux commerçants, aux employés, aux personnels de santé, et tant d'autres qui relèvent eux aussi d'un genre de condition néo-prolétarienne, ne doivent pas payer une dette qui n'est pas la leur. La faillite des gens modestes, la fermeture de petites unités industrielles ou commerciales, de production ou d'artisanat ne sont pas souhaitables. C'est se tromper d'adversaires.

  Il faut au contraire s'appuyer sur le savoir-faire technique ou fiscal, commercial ou juridique, intellectuel ou informatique de ces catégories socio-professionnelles afin d'augmenter la puissance du mouvement par l'effet dynamique de son organisation. Des coordinations sont nécessaires afin d'éviter que des travailleurs modestes occasionnent la chute et la mort de travailleurs un tout petit peu moins modestes qu'eux. Dans la logique de la lutte des classe, l’ennemi n'est pas dans le camp des plus ou moins modestes que soi, mais dans celui d'en face où se trouvent les véritables puissants dont la peur et la haine sont palpables. Il y a peu, Emmanuel Macron travaillait dans une banque d'affaires qui est la leur.

   A défaut d'organisation, les gilets-jaunes auront été un feu de paille. L'histoire des révolutions l'enseigne -il n'est qu'à lire ou relire La Ferme des animaux d'Orwell: l'énergie rebelle des premiers temps insurrectionnels risque de se faire capter, détourner et renverser par les professionnels de la politique et du pouvoir.

   On peut ainsi se référer aux révolutions du Printemps arabe qui, faute d'organisation, de coordination, de programme commun, mais surtout d'unité et, pour tout dire, de fraternité, ont bien mis à bas des régimes tyranniques, mais pour laisser la place à des régimes autoritaires d'un autre style.

   Macron en appelle aux corps intermédiaires afin qu’ils invitent les gilets-jaunes au calme -les syndicats, les partis politiques et le patronat. Le masque tombe. Le chef de l'État qui est de moins en moins chef d'un État de plus en plus résiduel, prouve ainsi deux choses: le pouvoir lui échappe et le Président se retourne vers ses alliés naturels que sont les officiels de la représentation du système -les ficelles de la très vieille politique politicienne... Le pouvoir qu'il a perdu se trouve désormais dans la rue. Ce président de la République ne peut plus sortir, il est hué dans la rue, son convoi officiel est bloqué au Puy-en-Velay où il est pourtant venu incognito. Sa légitimité est contestée. Peut-être sont-ils désormais plus nombreux les citoyens qui auraient enfin compris l'utilité d'instrumentaliser la famille Le Pen pendant des années afin de la faire parvenir au second tour tout en la criminalisant, de sorte que l'élection du second tour soit jouée le soir du premier et que, comme par hasard, l'électeur berné ait le choix entre le diable prétendument fasciste et le bon dieu libéral réellement maastrichtien! Ces derniers temps ce genre de bon dieu est subclaquant.

   Le roi est nu. La chose est désormais vue et sue. Elle l'est même, sue et vue, de façon planétaire grâce aux   télévisions du monde entier. Jupiter a vécu. Qu'on se souvienne de ce que j'ai jadis nommé dans un livre "le principe de Gulliver": Gulliver peut être terrassée et anéanti par les Lilliputiens. Autrement dit: les nains peuvent avoir raison d'un géant. Disons-le d'une autre façon encore: les gilets-jaunes ont potentiellement les moyens d'abolir "Macron" qui n'est que le faux-nez du système: il suffit pour ce faire d'un programme commun, d'une fraternité d'action, d'une méthode avec une stratégie (que veut-on?) et une tactique (comment s'y prend-t-on pour y parvenir?), enfin d'une volonté.

  Le programme commun s'élabore avec les comités fédérés;  la fraternité d'action surgit à l'occasion de la mise en place de ces comités; la méthode est celle de la coopération libertaire qui suppose le mandat impératif afin de désigner des représentants, puis une fédération de ces  représentants avec une fédération de fédérations afin de disposer d'un comité directeur révocable lui-aussi; la stratégie vise l'alternative à la démocratie représentative par l'instauration d'une démocratie directe; la tactique pour y parvenir consiste à ne rien lâcher dans l'action revendicative, puis à multiplier les actions de façon ciblée, tout en se désolidarisant des violences et en les empêchant. La volonté est là: elle est jaune vif.

  Macron qui, non sans arrogance juvénile, voulait tous les dégager et a cru y parvenir semble lui aussi prendre la vague qu’il a initiée. C'est la jurisprudence du boomerang... Ironie du sort, il voulait faire de la politique autrement: ce pourrait bien être le programme de ceux qui ne veulent plus de lui et de ses semblables. Ce si jeune Jupiter nous apparaît dès lors vraiment pour ce qu'il est : vieux, terriblement vieux... 

Michel Onfray

04/12/2018

Le sens de la révolte... (E. Juillot)

Gilets jaunes : Le sens d’une révolte, par Eric Juillot


 

Il est déjà possible de l’affirmer sans paraître présomptueux : le mouvement des Gilets-jaunes a réussi en deux semaines à marquer de son empreinte profonde la vie politique de notre pays. Tout laisse à penser en effet qu’il va entraîner une réorientation majeure du cours de notre histoire, bien qu’il soit impossible à ce stade d’en préciser le rythme et les modalités. Ce mouvement vient de loin, il obéit à des causes profondes et va déclencher une onde de choc dont les répercussions politiques et idéologiques bouleverseront l’ordre établi depuis plusieurs décennies.

UN MOUVEMENT INÉDIT

Chacun a pu le constater depuis le 17 novembre dernier, le mouvement des Gilets-jaunes est tout à fait inédit dans sa forme, pour au moins trois raisons : il est né spontanément d’une indignation et d’une colère vécues collectivement par des millions de Français ; il se développe hors de tout cadre institutionnel et exprime avec force son refus d’être « récupéré » par des partis ou des syndicats, tous soupçonnés a priori de vouloir le dénaturer du seul fait de leur appartenance à un système honni, dont ils ne sont au mieux que des opposants de façade ; il est le fait de citoyens ordinaires qui, pour la plupart, n’ont jamais appartenu à une formation politique et n’ont même pas l’habitude de manifester ; enfin, il est d’une ampleur nationale, tant par son extension à l’échelle du territoire (outremer inclus) que par la diversité sociale des manifestants (loin de se réduire aux seules couches populaires du pays).

Il a donc tout pour surprendre et déstabiliser les responsables politiques du pays, habitués depuis des décennies à gouverner en rond dans un tout petit monde idéologique.

ÊTRE À NOUVEAU UN PEUPLE

Ce qui frappe le plus lorsque l’on participe à ces réunions spontanées sur tous les ronds-points du pays, c’est peut-être, par-delà la colère, la joie qui anime les gens. Comme si le seul fait de sortir de chez soi, d’occuper l’espace public et d’engager des conversations à caractère politique avec des inconnus représentait déjà une fin en soi, le début d’une renaissance. Car cette expérience est d’un genre inhabituel : humaine et vivante, à la façon des manifestations sportives, mais ô combien plus profonde par sa dimension civique. Tous les Gilets-jaunes sentent en effet confusément qu’ils font à nouveau peuple pour la première fois depuis des décennies ; qu’un système par eux haï, qui croyait les avoir vaincus, est d’emblée délégitimé par leur apparition ; que, de citoyens virtuels, appelés à exprimer leur choix sous contrainte lors d’élections ponctuelles, ils redeviennent des citoyens réels, aptes à jouer un grand rôle dans la vie de la cité. Dans ces centaines d’agoras improvisées, chacun sent renaître en lui un authentique lien civique, la fraternité qui naît spontanément des discussions politiques. C’est une source de joie profonde, que cette parole libérée et échangée entre citoyens. Elle est la manifestation première d’un élan collectif d’envergure historique. En effet : arrivée à son terme, la crise générale de la représentation se résout sous nos yeux dans un processus spectaculaire d’incarnation spontanée du peuple, qui disqualifie irrémédiablement l’ensemble de ceux qui depuis trop longtemps affirment le représenter pour mieux l’amoindrir. Plus que d’un spasme, il s’agit d’un sursaut, d’un reflexe de salut public par lequel les citoyens de ce pays expriment avec une force retrouvée leur volonté de restaurer la puissance souveraine de la nation face à des dirigeants qui ont œuvré à l’étouffer depuis plus de trente ans. D’où la réaction allergique des Gilets-jaunes à tout contact avec des représentants syndicaux ou partisans ; ils craignent plus que tout de voir par eux leur entreprise comme d’habitude édulcorée et réduite à l’insignifiance.

DE L’ÉMOTION FISCALE À LA RENAISSANCE POLITIQUE

La crise est née d’un soulèvement spontané contre une taxe de plus, pesant cette fois sur le carburant automobile. Sans s’en rendre compte, le gouvernement, avec cette taxe, associait dans une configuration explosive deux sujets sensibles, la fiscalité et la liberté de déplacement. Les Gilets-Jaunes ont trouvé inadmissible qu’au prélèvement fiscal accru sur leurs revenus s’ajoutât une restriction de fait de leur mobilité, quand celle-ci est une partie intégrante de la liberté individuelle. Sur cette colère initiale s’est très vite greffée une protestation plus globale contre l’injustice fiscale perpétuée et amplifiée par le gouvernement d’Edouard Philippe : la réforme de l’ISF et de l’imposition du capital, l’inertie face à l’évasion fiscale des multinationales, l’incapacité à taxer les géants du numérique… Tous ces éléments ont conduit nécessairement à dénoncer l’inégale répartition de la charge de l’impôt.

Mais le mal est en fait beaucoup plus profond. La fiscalité ne constitue que la cause immédiate du soulèvement populaire. Ce dont nos dirigeants ne semblent pas se rendre compte à ce stade, c’est que la colère qui s’exprime est vieille de plus de trente ans. Trente années de frustration, de ressentiment et d’amertume face au déclin de la chose publique imposée à une France réticente par des gouvernants conformistes et veules, au nom d’une adaptation sans fin à la mondialisation et de la soumission nécessaire à une construction européenne prétendument salvatrice. Trente années de régression sociale, de dérégulation financière, d’affaiblissement économique et de recul de l’Etat dans tous les domaines. Trente années de colère rentrée qui explose soudain à la face de nos dirigeants, sidérés par la résurrection inopinée du peuple comme force politique directe et agissante. Aujourd’hui, par un juste retour des choses, se produit un brusque rappel à la réalité fondamentale de notre univers politique : il n’y a pas de démocratie sans démos. Qu’il faille rappeler cette évidence au point où nous en sommes rendus, voilà qui en dit long sur la dégénérescence politique, sur la dévitalisation de la démocratie qui a caractérisé les trois dernières décennies. Le peuple français, si longtemps humilié, méprisé, effacé même, par ceux qui faussement gouvernaient en son nom se réveille d’un long sommeil, sort de l’état de sédation profonde dans lequel on aurait aimé qu’il restât. Il a fallu pour cela que le système arrive au terme de son potentiel de destruction : élu par les 16% d’inscrits qui l’ont placé en tête au premier tour de l’élection présidentielle en 2017, Emmanuel Macron a mis en œuvre depuis dix-huit mois, et avec superbe, une politique qui ne profite vraiment qu’aux Français les plus riches, c’est-à-dire à 10 ou 15% de la population. Sous couvert de progressisme, il n’a fait qu’aggraver le délitement généralisé auquel le néolibéralisme nous condamne, tout en croyant sincèrement que le verbiage creux et la bouillie conceptuelle de ses discours allaient susciter l’enthousiasme et l’adhésion des masses. Ceux qui n’étaient pas prêts à en recevoir l’onction, les « Gaulois réfractaires », n’étaient dignes que de son mépris. Si Emmanuel Macron est indéniablement le président légal de la République française, il n’est donc pas évident qu’il soit un président légitime, tant sa politique porte atteinte aux intérêts d’une écrasante majorité de Français, et tant il semble se satisfaire du petit résidu de souveraineté que le système, dont il est un disciple zélé, accepte de lui laisser dans l’ordre économique. Qui peut croire que les Français vont accepter plus longtemps un pouvoir dont la capacité d’action se résume à des tripatouillages fiscaux, dans un sens inégalitaire de surcroît ? Les tenants de l’idéologie dominante pensaient pourtant avoir trouvé avec lui le candidat idéal, qui allait leur permettre d’atteindre la forme politique pure à laquelle ils aspirent : la forme sans contenu, celle d’un pouvoir réduit à l’état de simulacre, dès lors que ses attributs essentiels ont été placés hors de portée des citoyens, sur un sol étranger. C’est à ce processus de lente destruction que s’oppose aujourd’hui le peuple, dont les Gilets-jaunes ne sont que l’avant-garde active. L’immense majorité des Français les soutient et le gouvernement doit comprendre au plus vite que le basculement en cours a une portée historique.

UN MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE ?

Un parallèle s’impose en effet entre 2018 et 1788 : la dynamique révolutionnaire s’est enclenchée lorsque des éléments populaires ont décidé d’agir politiquement pour des questions d’impôts et de prix des produits de première nécessité. A l’injustice fiscale de l’Ancien Régime (impossible à réformer depuis l’échec de l’Assemblée des Notables en 1787) s’est ajoutée, dans l’hiver 1788-1789, la question vitale du prix du pain. 230 ans plus tard, les mêmes causes produisent les mêmes effets : un régime oligarchique sclérosé et aveugle se coupe du peuple sans même s’en rendre compte, et le prix de l’essence – qui s’est entre-temps substitué à celui du pain comme baromètre de l’humeur populaire – constitue l’élément déclencheur de la révolte. Quant au président Macron, il tient des trois rois chassés du pouvoir dans notre pays par une révolution populaire : comme Louis XVI, il va payer aussi pour ceux qui l’ont précédé ; de Charles X, il a l’arrogance hautaine et le mépris des gens ordinaires ; de Louis-Philippe, enfin, il tient la certitude d’être aimé par le peuple, une certitude alimentée depuis deux ans par le chœur des médias idéologiquement conformes qui ont alimenté sa tendance naturelle à l’autosatisfaction juvénile. Après 1789, 1830 et 1848…2018 ?

Si par révolution on entend une entreprise de destruction rapide et brutale d’un ordre politique et social ancien, alors le mouvement des Gilets-jaunes ne peut pas être qualifié de révolutionnaire. Loin de vouloir détruire la République, il entend la ranimer en restaurant la plénitude ses pouvoirs. « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément » dit notre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dans son article trois. C’est pour avoir oublié ce principe fondamental, pour avoir cru étrangement qu’il devait être dépassé que nos dirigeants se retrouvent aujourd’hui coincés entre, d’une part, les revendications d’un peuple trop longtemps floué et, d’autre part, les exigences du système technocratique et économique nommé « Union européenne » qui a phagocyté ou détruit des pans entiers de la souveraineté nationale. On comprend la stupéfaction actuelle des dirigeants français : habitués de longue date dans leur entre-soi à gouverner en mode mineur une France amoindrie, ils ne peuvent comprendre que le peuple soudainement se rappelle à leur souvenir pour exiger le retour sur son sol d’une souveraineté oblitérée par son transfert à Bruxelles et à Francfort. Qu’il aspire à être gouverné par des dirigeants exerçant en son nom la plénitude de ses pouvoirs, en lieu et place des bribes de souveraineté que le néolibéralisme bruxellois veut bien lui laisser, voilà qui a de quoi les laisser pantois !

SIDÉRATION ET INCONSISTANCE DU POUVOIR EN PLACE

Pour sortir de la crise, nos dirigeants doivent opérer dans l’urgence une prise de conscience d’une telle ampleur qu’il est malheureusement très peu probable qu’ils y parviennent. Leur audace intellectuelle ne s’étant jamais aventurée au-delà des lieux communs de l’idéologie dominante, ils réalisent soudain avec effroi qu’un gouffre s’ouvre sous leurs pieds et menace de les engloutir. Le président est tout à coup obligé d’admettre la complète faillite de son Verbe, lui qui glosait pourtant sur la dimension christique de son pouvoir en 2017. Les ministres de son gouvernement, frappés d’hébétude, se contentent d’ânonner rituellement et sans conviction les habituelles platitudes de la « nécessaire pédagogie », de la « concertation dans les territoires » afin de restaurer un « dialogue apaisé ». Comme s’il n’était question que de discussion ! Le peuple n’espère pas être entendu, il exige de l’être par ceux qui gouvernent en son nom. Sans doute nos dirigeants ont-ils déjà compris que quelques concessions d’ordre fiscal ne suffiront pas à calmer la colère populaire. Ils chercheront probablement à amadouer les citoyens avec un plan de plusieurs milliards d’euros à finalité sociale, censé soulager en partie le sort des plus démunis. Il leur suffira pour cela de procéder à un redéploiement des dépenses prévues pour ne pas subir les foudres de Bruxelles, le ministère de le Défense, par exemple, étant tout désigné pour jouer comme à l’accoutumée le rôle de variable d’ajustement. Une telle réponse permettrait de préserver quelques années encore l’ordre établi. Il n’est pas certain toutefois qu’elle suffise.

ENTRE SURSAUT IMPROBABLE ET CRISE DE CIVILISATION

Les ministres ont à plusieurs reprises affirmé qu’il était difficile de savoir ce que voulaient au juste les Gilets-jaunes, tant leurs revendications sont diverses et parfois confuses. Il est pourtant possible de les résumer en une seule idée : ils veulent que le gouvernement adopte une politique économique exactement inverse de celle qu’il a menée jusqu’à présent. Cela suppose de remplacer une politique de l’offre inepte et destructrice – les décennies écoulées en sont la preuve irréfutable – par une politique de la demande, c’est-à-dire par un grand plan d’investissement public, de plusieurs dizaines de milliards d’euros, destiné à stimuler la croissance, à créer massivement des emplois, à financer la transition écologique et à restaurer, enfin, les fonctions dégradées de l’Etat républicain. Pour être efficace, un tel plan implique nécessairement de faire sauter le verrou européen, de s’affranchir des contraintes communautaires. Dans l’idéal, il faudrait recouvrer notre souveraineté monétaire, reprendre le contrôle de la banque centrale et instaurer temporairement des restrictions à la libre circulation des capitaux. Autant dire engager une révolution idéologique et institutionnelle qui balaierait l’essentiel de l’UE. Nos dirigeants sont-ils assez armés intellectuellement et moralement pour procéder à une opération d’une telle ampleur ? Peuvent-ils même la souhaiter ? La réponse est évidemment négative et c’est tout le drame de la France aujourd’hui : un peuple passionnément politique fait face à un gouvernement qui ne l’est plus vraiment. Comment ceux qui nous dirigent pourraient-ils en quelques semaines jeter les bases d’un cadre économique radicalement différent de celui qu’ils ont patiemment façonné depuis des décennies, et dont ils ont fini par croire qu’il était le seul concevable ? Ceux qui, dans les premiers temps, nourrissaient des doutes à son sujet n’avaient qu’à se prosterner dans les temples de la nouvelle religion européiste pour s’en trouver allégés. Aujourd’hui, tous les responsables politiques et syndicaux sont des partisans inconditionnels de la construction européenne ; tous sont aveugles à ses échecs ; tous sont d’une foi à l’égard de leur idole qui dépasse celle des païens les plus primitifs. Sur toutes les questions essentielles, ils ont pris l’habitude de sacrifier systématiquement le peuple au projet européiste ; ils ont sapé méthodiquement, au nom de l’« Europe » rédemptrice, les conditions indispensables au développement et à l’expression de la démocratie en France. Cela a pu fonctionner aussi longtemps que les dégâts sociaux provoqués par leur leurs choix funestes étaient contenus par la solidarité nationale, au prix d’un endettement croissant. Cela ne peut plus tenir dès lors qu’au-delà des couches populaires, les classes moyennes se délitent par le bas et protestent contre ce que leur pays est en train de devenir. Techniquement possible, la restauration d’un ordre économique souverain est cependant devenue inconcevable politiquement pour nos représentants. Entre le peuple et l’UE, acculés, il leur faut pourtant choisir, car le temps où l’on pouvait se payer de faux-semblants est, depuis deux semaines, révolu.

Eric JUILLOT, professeur d’histoire-géographie au collège Arthur Rimbaud de Nemours

E Chouard (Gilets jaunes): Référendum d'initiative populaire...

Réflexions sur ce magnifique élan populaire des #giletsjaunes : il ne faut pas accepter d’être représentés, il faut apprendre à constituer.

Je crois que, si ce mouvement populaire des #giletsjaunes est représenté, il sera rapidement trahi et dévoyé : quel que soit leur mode de désignation (élection ou tirage au sort ou autre), les représentants ne seront pas achetés, bien sûr, mais INTIMIDÉS ET TROMPÉS (malgré leur honnêteté et leur bonne volonté) par un pouvoir qui sait très bien corrompre, à huis clos, par la PEUR et par le MENSONGE, plus que par l’appât du gain : tout ce qu’il faut au pouvoir pour corrompre cette révolution grandissante de gilets jaunes, ce sont des représentants.

Alors que, si ce mouvement sait refuser toute forme de représentation, il reste insaisissable (et donc invulnérable), ce qui lui donne le temps de faire monter, par éducation populaire, le niveau de conscience et d’exigence au sein de CHACUN des simples citoyens qui composent le mouvement.

Il faut que, sur les ronds-points et sur tous les points de rassemblement, les électeurs se transforment TOUT SEULS en citoyens constituants, de façon autonome, sans sauveur, sans leader, sans intellectuel de référence, toutes personnalités qui seraient autant de talons d’Achille pour discréditer le mouvement.

Cet immense mouvement est une chance historique, pour une *multitude* d’électeurs infantilisés, de se métamorphoser SANS L’AIDE D’AUCUNE AUTORITÉ MORALE RASSURANTE en *peuple* de citoyens dignes de ce nom, c’est-à-dire en constituants.

La colonne vertébrale de ce mouvement volontairement désorganisé (pour rester incorruptible) devrait être une et UNE SEULE IDÉE forte et radicale, qui serait une bonne cause commune, vraiment commune et vraiment capable à elle seule d’entraîner ensuite tous les bouleversements nécessaires de justice sociale.

À mon avis, cette idée centrale et décisive devrait être : « CE N’EST PAS AUX HOMMES AU POUVOIR D’ÉCRIRE LES RÈGLES DU POUVOIR ; SI ON VEUT UNE VRAIE PUISSANCE POLITIQUE POPULAIRE, IL NOUS FAUT UNE VRAIE CONSTITUTION, ET IL FAUDRA APPRENDRE À L’ÉCRIRE NOUS-MÊMES. »

Les gilets jaunes semblent, ces jours-ci, choisir le RIC (référendum d’initiative citoyenne) comme cause commune et c’est déjà tout à fait inespéré et enthousiasmant — même si ce sera sans doute insuffisant (car le fait d’avoir acheté TOUS les médias permet aux puissants d’intoxiquer l’opinion et donc de dévoyer tous les RIC). C’est déjà un pas immense vers la métamorphose en constituants que d’être d’accord pour faire de l’institution du RIC une priorité nationale non négociable.

De la même façon qu’il ne faut surtout pas élire une assemblée constituante (parce que l’élection est une démission), il ne faut pas accepter d’être représenté : il faut exiger de voter.

ÉLIRE N’EST PAS VOTER, c’en est même la négation. Un citoyen digne de ce nom vote lui-même les lois auxquelles il consent à obéir.

Bon courage à tous, le peuple uni ne peut pas perdre : restez soudés sur l’idée.

Étienne Chouard.

#pasdedémocratiesanstirageausort
#pasdedémocratiesanscitoyensconstituants

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PS : la multiplication des gilets jaunes posés sous les pare-brises des autos est très spectaculaire à la campagne et TRÈS MOBILISATRICE, c’est vraiment une chouette idée 

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PPS : si on mélange la revendication du RIC avec d’autres revendications, c’en est fini du RIC ! Les élus savent parfaitement que le RIC est une arme redoutable pour le peuple contre leur tyrannie, et je pense que les politiciens et les « journalistes » préféreraient tous mourir plutôt que l’accepter… DONC, si on défend plusieurs revendications, le RIC sera évidemment mis de côté et enterré par nos maîtres et nous serons « Gros-Jean comme devant »… ALORS QUE nos maîtres ne pourront pas nous tromper de la sorte si le RIC est LA SEULE REVENDICATION, absolument prioritaire et non négociable. Ils ne peuvent pas avouer pourquoi ils détestent le RIC.

29/11/2018

On en a gros... (lol)

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27/11/2018

25/11/2018

Paupérisation


  "A l’heure où la France pauvre et modeste des Gilets jaunes fait savoir ses difficultés à se nourrir, à se loger, à se vêtir et son impossibilité d’offrir des sorties, des loisirs ou des vacances à ses enfants, Carlos Ghosn, grand patron français (mais aussi brésilien et libanais, il a la triple nationalité), se fait arrêter au Japon parce qu’il fraude le fisc… Pauvre chéri : il ne gagnait que 16 millions d’euros par an ! Il lui fallait bien mettre un peu d’argent de côté s’il voulait survivre un peu…

  J’y vois un symbole de la paupérisation induite par ce libéralisme que Mitterrand fait entrer dans la bergerie française en 1983 avec les intellectuels médiatiques du moment, Nouveaux Philosophes en tête. Des pauvres de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux, puis des riches de plus en plus riches et de moins en moins nombreux : voilà ce qu’est la paupérisation. L’Empire maastrichtien est la créature des clones de Carlos Ghosn qui paupérisent à tour de bras. Macron est l’un d’entre eux.

Les journalistes des médias dominants clament partout que le message des Gilets jaunes est confus, invisible, illisible, divers, diffus, multiple, contradictoire : non, il ne l’est pas. Il est même très clair : ce que dénoncent les Gilets jaunes, c’est tout simplement cela : la paupérisation.

  On le voit dans les reportages, ce peuple-là n’est pas doué pour la rhétorique et la sophistique, la dialectique et la parole. Il dit simplement et clairement des choses simples et claires que les diplômés des écoles de journalisme, de Science Po, de l’ENA ou de Normale Sup ne comprennent pas parce que ça dépasse leur entendement. Ils sont pauvres et l’engeance qui tient le pouvoir, politique, médiatique et économique, ne sait pas ce que signifie faire manger une famille avec 5 euros par repas. Ils ne le savent pas…"

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08/10/2018

#Me Too:Too much! (Nadia Lebrun)

#MeToo : Too much !  par Nadia Lebrun

Un an après l'éclatement du scandale, l'affaire Harvey Weinstein continue de produire ses effets sur la société, et ce jusqu'en France, redéfinissant les relations entre hommes et femmes. Pour Nadia Le Brun, les choses vont trop loin.

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Tout n’a pas commencé il y a un an quand des actrices d’Hollywood ont accusé le porc-ducteur Harvey Weinstein de les avoir agressées en les obligeant à se soumettre à des scènes « porc-nographiques ». En 2013, dans son livre Belle et bête (Stock) Marcella Iacub dénonçait Dominique Strauss-Kahn en ces termes : «Je n’ai jamais cessé de te voir tel que tu étais, un porc.»

Mais c’est bien la mise en cause publique d’Harvey Weinstein qui a donné le vrai départ du mouvement #Metoo – «balance ton porc» dans la version française. Un mouvement massif, mondial, qui touche tous les pays développés. Un mouvement faisant fi de toute hiérarchie, mettant dans le même sac les viols avérés, les gestes déplacés, la drague un peu lourde, comme autant d’attaques insupportables vis à vis des femmes. Au point qu’aux Etats-Unis, les hommes répugnent à prendre l’ascenseur seuls avec une femme ; au point que dans sa chartre interne, la société Netflix interdit désormais à ses collaborateurs de fixer du regard ses collègues. La limite est précise : 5 secondes d’affilée, au-delà desquelles il y a présomption de harcèlement ! Un mouvement dans lequel se sont engouffrées les féministes et les opportunistes, à l’image de Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes qui a trouvé dans ce combat médiatique le bon filon de parfaire son image et sa communication.

L’intention d’encourager les femmes à témoigner des agressions sexuelles et des harcèlements qu’elles subissent, particulièrement au travail, est évidemment indispensable. Et louable. Mais, quitte à choquer les féministes patentées, la question mérite d’être posée : les effets pervers d’un tel déferlement de haine, qui promeut les dénonciations, foule au pied la présomption d’innocence et nie toute la complexité des rapports amoureux ne sont-ils pas aussi grave, voir plus, que les maux dénoncés ?

 

L’intention d’encourager les femmes à témoigner des agressions sexuelles et des harcèlements qu’elles subissent, particulièrement au travail est évidemment indispensable

Même si je mesure l’indécence de faire porter aux victimes une part de la responsabilité des agressions, la question mérite d’être posée. J’ai moi-même été confrontée à des situations ambiguës, par exemple lorsqu’un de mes boss m’a proposé de le rejoindre le soir pour parler boulot. Il m’avait suffi de répondre, direct : « On en parle demain matin, 9 heures, ça vous convient ? » Fin de l’histoire. En interview, il m’est arrivé aussi de me retrouver face à des hommes flagorneurs, leurs mains pesantes posées sur ma cuisse, me proposant sans complexe une relation sexuelle en échange d’un avancement dans ma carrière. Je les ai toujours remis à leur place en raillant leur médiocrité et l’absurdité de leur démarche. Parfois, une pirouette ou une plaisanterie suffisent pour les tenir à distance, tant il est vrai que les porcs, eux aussi, ont besoin de trouver des portes de sortie.

Certes, toutes les femmes n’ont pas ce répondant. Nous ne sommes pas égales face aux agressions sexistes. Il y a des situations de dépendance économique ou de fragilité personnelle – parfois les deux s’ajoutent – qui rendent la situation inextricable. Alors la solidarité, évidemment, doit jouer. Il m’est arrivé d’aider des femmes, démunies et sans ressources, à porter plainte contre « des porcs » qui prenaient plaisir à les avilir.

 

En revanche, pour d’autres, on peut se demander si le combat féministe, le besoin de notoriété et d’autres motivations ne sont pas à l’origine de leur révolte médiatique. Comment ne pas s’interroger, par exemple, sur l’histoire de l’actrice d’origine italienne Asia Argento qui a fait lever, dans la ferveur féministe, l’assemblée du dernier festival de Cannes. Une victime ? Lorsqu’elle rencontre Weinstein, en 2004, elle a 29 ans et est déjà célèbre, «Je venais de faire un film pour lui, distribué par Miramax, raconte-t-elle : il m’a invitée dans sa suite dans un palace du Cap d’Antibes [...] Il est allé dans sa salle de bain, en est ressorti en peignoir, avec de la crème».

Après un refus de le masser, il l’aurait plaquée de force, contre le lit. «Il m’a peloté, m’a remonté la jupe, a glissé sa langue entre mes cuisses», raconte Asia Argento qui donne des détails de son viol avant d’ajouter : «J’ai simulé un orgasme. Quand il a terminé, je me suis assise sur le lit, ma robe de travers, mon maquillage défait. Je lui ai dit : "Je ne suis pas une pute !" Il m’a répondu : "Haha, très drôle, je te ferai un T-shirt avec ça marqué dessus !"» J’avoue avoir du mal à comprendre comment cette actrice à fort tempérament, avec déjà une vingtaine de films à son actif, puisse se jeter ainsi dans la gueule du loup – en l’occurrence le groin du porc – le soir, dans sa chambre d’hôtel. Innocence, inconscience ou frustration après une relation mal vécue ? La crédibilité d’Asia Argento s’est émoussée lorsqu’elle a été accusée, elle-même, d’agression sexuelle à l’égard de Jimmy Bennett, un acteur de 17 ans. Et plus encore lorsqu’il lui a fallu reconnaître les faits, après les avoir vigoureusement démentis.

 

En tant que femme, ce qui me choque le plus dans le mouvement #Me Too ou plutôt dans ces excès, c’est l’idée sous-jacente que le sexe dit faible est composé d’idiotes

 

Comment ne pas s’interroger aussi sur les motivations de cette comédienne de 22 ans qui accuse Gérard Depardieu de l’avoir violée à son domicile. Elle s’y est rendue le 7 août dernier et une seconde fois le 13 août avant de déposer plainte quinze jours plus tard. Pourquoi est-elle retournée chez lui après ce qui se serait passé ?

En tant que femme, ce qui me choque le plus dans le mouvement #Me Too ou plutôt dans ces excès, c’est l’idée sous-jacente que le sexe dit faible est composé d’idiotes, de naïves, nées pour être dominées. En se présentant systématiquement en victimes, les femmes se placent en position inférieure. De ce fait, à mes yeux, les féministes nourrissent le mal qu’elles prétendent dénoncer.

 

D’ailleurs 70% des Français estiment que le mouvement #MeToo n’a pas eu d’effet sur la lutte contre les violences subies par les femmes, selon un sondage Harris Interactif pour RTL Girls du 25 et 26 septembre dernier. Si, 32% des interrogés estiment que les témoignages d’abus partagés par la gente féminine sur les réseaux sociaux a eu des conséquences plutôt positive, six personnes sur dix sont sceptique vis-à-vis des mesures entreprises par le gouvernement. Alors qu’Emmanuel Macron avait fait des violences envers les femmes, la grande cause de son quinquennat.

Je suis avec et pour les femmes, féminine et pas féministe dans l’état d’esprit #Metoo. J’aime avoir le plaisir du jeu de la séduction, j’avoue être transportée par la détermination d’un homme pour me conquérir. En assumant et en revendiquant ma féminité, je suis un être différent des hommes mais en rien inférieur à eux. Bien au contraire.

La lutte contre le harcèlement sexuel passe d’abord par l’éducation des jeunes hommes et des jeunes femmes, par la galanterie, par le respect de la laïcité, par l’égalité des salaires. Et, bien sûr, en cas d’agression avérée vis à vis de femmes qui n’ont pas ou peu de répondant, une prise en charge par les associations, auxquelles, hélas, le pouvoir en place — malgré les beaux discours médiatiques de Marlène Schiappa — ne donne pas les moyens suffisants d’agir efficacement. Et bien entendu, en bout de chaîne, une répression sans états d’âme.

Mais, c’est une évidence aujourd’hui occultée, tous les hommes ne sont pas des porcs, loin s’en faut. J’aime leurs qualités, leurs défauts : c’est avec eux et non contre eux que les femmes doivent mener leur combat pour en finir avec le sexisme.

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