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12/06/2018

Loi

Loi sur les « fake news » :
du monopole de la vérité au règne du mensonge

 

par Bruno Guigue

 

Cette histoire commence comme un conte de fées. Dans notre merveilleuse démocratie, tout allait pour le mieux. La presse était libre, le citoyen informé et le pouvoir impartial. Mais c’était trop beau. Imprudente, la démocratie n’a pas senti venir l’ennemi. Tapi dans l’ombre, il était prêt à fondre sur sa proie. Qui ? Le Russe, bien sûr. Il a fallu que ce barbare vienne gâcher la fête en propageant ses odieux mensonges. Heureusement, montant son blanc destrier, notre héroïque ministre de la culture a donné l’alerte : “La manipulation de l’information, dit-elle, est un poison lent qui abîme notre vie démocratique. L’attitude liberticide, face aux dangers actuels, c’est la passivité”.

Réagir, oui, mais comment ? Présentant le projet de loi “contre les fake news”, rebaptisé projet de loi “contre la manipulation de l’information”, Françoise Nyssen a employé un argument de poids : “La capacité de discernement des citoyens ne suffit plus”. On avait pourtant pris toutes les précautions possibles, dans les hautes sphères, pour inciter les gueux à se comporter comme des moutons. Contrôle de 95 % de la presse traditionnelle par une dizaine de milliardaires, ligne éditoriale uniforme calquée sur l’agenda libéral-atlantiste, subventions publiques réservées à des médias orthodoxes ou inoffensifs : au paradis des droits de l’homme, tout était verrouillé. Manifestement cela n’a pas suffi. Pour ramener le troupeau, il va falloir trouver autre chose. On va les aider à penser comme il faut, ces manants, car ils ont la fâcheuse manie de s’égarer sur la Toile pour entendre un autre son de cloche.

Dans un vibrant hommage aux officines chargées de diffamer toute pensée dissidente (le “Décodex” du Monde et le “Check News” de Libération), la ministre de la culture révèle alors le fond de sa pensée : puisque “leur capacité de discernement ne suffit plus”, il importe absolument de “former les citoyens”. D’habitude, cette formation commençait et finissait avec l’école. Mais il est clair que c’est insuffisant ! Les citoyens ayant vraiment tendance à mal voter (référendum de 2005, Brexit, Italie), il va falloir les rééduquer. Comment ? En les orientant vers les bons médias, ceux qui ne mentent jamais. On pensait jusqu’à présent que les citoyens étaient assez grands pour faire leur choix parmi les organes d’information. C’est fini. Le gouvernement, dans son infinie bonté, les exonère de cette lourde tâche. Il va désormais leur signifier qui il faut lire, écouter à la radio ou regarder à la télévision.

Voir et revoir ...

Pour clarifier les choses, Françoise Nyssen a précisé que la future loi contre la manipulation de l’information, évidemment, ne concernait pas “les journalistes de la presse professionnelle”. Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes ! Il n’est pas question de mettre en cause le “professionnalisme” de ceux qui ont affirmé, par exemple, que le régime de Bachar Al-Assad allait s’écrouler sous quinze jours, ou que la Russie avait assassiné le journaliste Arkadi Babchenko, qui ressuscita au deuxième jour d’une mare de sang de cochon. Sans parler du “charnier de Timisoara”, des “couveuses de Koweit City”, de la “fiole de Colin Powell” et des innombrables bobards colportés avec zèle par des médias pour qui professionnel est synonyme de mercenaire. Bref. Si cette presse était passionnément attachée à la distinction entre le vrai et le faux, cela se saurait.

Mais peu importe. Pour nos dirigeants, c’est comme un théorème : les médias qui ont la confiance du ministre de la propagande ne mentent jamais. Puisqu’on vous le dit, c’est que c’est vrai. D’ailleurs, cette presse que le monde nous envie a deux caractéristiques qui en garantissent l’indépendance : elle appartient à la bourgeoisie d’affaires et elle reçoit des subventions du gouvernement. Double certificat de vertu ! Ce n’est pas comme si elle était animée par des bénévoles qui prennent des risques et ne gagnent pas un sou. On peut toujours rêver d’un monde meilleur sous d’autres latitudes, mais le système médiatique des “démocraties” repose à la fois sur la concentration capitaliste et la faveur du pouvoir. Un “bon journal” est un journal qui dit ce qu’il faut dire, et à qui l’État donne les moyens d’éliminer la concurrence.

Le projet de loi contre les “fake news” ne déroge pas à cette règle, qui est de l’ordre de la structure. Il a pour seul objectif de garantir l’homogénéité de la sphère médiatique, indispensable à la promotion de l’idéologie libérale, européiste et atlantiste. En incriminant les médias russes, l’exécutif français fait coup double : il sanctionne la Russie tout en diffamant la concurrence. Mais tous les médias citoyens sont dans la ligne de mire, car ils échappent à la double emprise du capital et du pouvoir. Ajoutée au déclin des médias classiques, la liberté conquise sur Internet effraie des élites qui voient le contrôle de l’opinion leur échapper. La propagation de fausses nouvelles nuit gravement à la démocratie, certes. Mais quand on prétend exercer le monopole de la vérité, c’est que le règne du mensonge n’est pas loin. Et ces médias “professionnels” qui ne cessent de mentir au profit des puissances d’argent en savent quelque chose.

Bruno Guigue     (  source :son FB  )

10/06/2018

Propaganda

 

"C'est connu" mais c'est toujours utile de le remettre en mémoire.

car oui les théoriciens du complot font toujours partie des cercles de pouvoir.

C'est la base ...

19/05/2018

Manal Issa

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Au pied des marches du Palais des festivals, Manal Issa, 26 ans, a déplié une grande feuille de papier blanche, avec en rouge ce message : "Stop the attack on Gaza !!" ("Arrêtez l'attaque sur Gaza"). Une référence aux près de 60 manifestants palestiniens tués lundi, dans de violents affrontements entre soldats israéliens et Palestiniens, le même jour que l'inauguration de la nouvelle ambassade américaine, déménagée de Tel Aviv à Jérusalem.

 

***

Manal Issa est née le 9 mars 1992 à Neuilly sur Seine (Hauts-de-Seine). Elle  est actrice et ingénieure  franco-libanaise. Elle est mariée et a une enfant.

Elle est partie au Liban à l'âge de trois ans et revenue faire ses études en France à cause du conflit israélo-libanais de 2006.

Elle était  élève ingénieure en fin d'études à l’Institut des sciences et techniques de l'ingénieur d'Angers (ISTIA) quand elle fut repérée sur les réseaux sociaux par la réalisatrice libanaise Danielle Arbid qui cherchait une personne naturelle pour incarner une jeune Libanaise (dans son film Peur de rien).

Manal associe sa passion du jeu vidéo à la robotique. Elle est l'auteur d'un brevet pour pommeau de douche écologique.

 C'est un Poisson mais elle a Vénus Mars et Saturne présents en Verseau dans son thème de naissance.

 

 

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17/05/2018

Fake news

L'arnaque grossière du Décodex , la propagande habituelle, le "deux poids, deux mesures".

Déontologie: Charte de Munich de 71.

La Charte de déontologie de Munich (ou Déclaration des devoirs et des droits des journalistes), signée le 24 novembre 1971 à Munich et adoptée par la Fédération européenne des journalistes, est une référence européenne concernant la déontologie du journalisme, en distinguant dix devoirs et cinq droits.

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source

Les dix devoirs de la charte

  1. Respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité.
  2. Défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique.
  3. Publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents.
  4. Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents.
  5. S’obliger à respecter la vie privée des personnes.
  6. Rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte.
  7. Garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement.
  8. S’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information.
  9. Ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs.
  10. Refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.

Les cinq droits de la charte

  1. Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d’information et le droit d'enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement exprimés.
  2. Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne générale de son entreprise, telle qu'elle est déterminée par écrit dans son contrat d'engagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée par cette ligne générale.
  3. Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou sa conscience.
  4. L'équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute décision importante de nature à affecter la vie de l’entreprise. Elle doit être au moins consultée, avant décision définitive, sur toute mesure intéressant la composition de la rédaction : embauche, licenciement, mutation et promotion de journaliste.
  5. En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et morale ainsi qu’une rémunération correspondant au rôle social qui est le sien et suffisante pour garantir son indépendance économique.

04/05/2018

La pilule rouge de Cassie...

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Cassie Jaye (née le 1er mai 1986) est une actrice et réalisatrice américaine , surtout connue pour ses films documentaires. Son film de 2016 The Red Pill sur le mouvement des droits des hommes est aujourd'hui son film le plus connu.

A contre courant du "féminisme radical ambiant", The Red Pill (la pilule rouge) est un documentaire, qui donne la parole à des groupes de défense des droits des hommes et à des féministes !

Elle y parle (entre autres) du taux de suicide, du décrochage scolaire et de la violence conjugale qui touche les hommes occidentaux.

Cassie Jay se livre aussi à la caméra en documentant son parcours et l’évolution de sa réflexion. Elle a commencé ce documentaire avec des préjugés sur les groupes « masculinistes », pensant que c’était des extrémistes qui détestaient les femmes. Pour se rendre compte au fil des interviews que ces groupes d’hommes demandaient seulement que leur voix soit entendues, que leurs droits soient reconnus.

Accueil du film:

A Ottawa en décembre 2016, une représentation du film a été annulée. Quand le film a finalement été présenté dans une autre salle que celle prévue initialement, des manifestantes(s)s traitaient les spectateurs qui allaient voir le film de "nazis".     En Australie une pétition a circulé pour empêcher la diffusion du film et même pour empêcher la réalisatrice d’entrer au pays... Une projection à Melbourne a été annulée!

En Angleterre, des groupes de pression ont tenté en vain d'empêcher les projections du film.

Des féministes, qui n’ont même pas vu le film, seulement des extraits, sont allées jusqu’à qualifier le documentaire de misogyne.

Cassie Jaye, a eu toutes les difficultés du monde à financer son film. Des compagnies avaient peur d’être associées à ce sujet aussi controversé ! Elle a dû se tourner vers une campagne de sociofinancement pour boucler son budget.

 

« C’est dérangeant que des gens (qui n’ont jamais vu mon film) mettent tant d’effort à vouloir le censurer. Ces gens croient tout ce que les médias « mainstream »  véhiculent au sujet des MRA (Men’s Right’s Activists). Dans mon film, je déboulonne le mythe voulant que ce sont des misogynes. Ce sont des hommes qui sont pour l’égalité des droits, pour qu’on reconnaisse autant les droits des hommes que les droits des femmes. »

A la fin du film, Jaye déclare qu'elle ne  se considère plus comme  féministe et qu'elle croit maintenant que «le féminisme n'est pas la route vers l'égalité des genres» mais elle se voit encore  «comme défenseur des droits des femmes et le sera toujours...

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02/05/2018

Et ça continue...

Encore et encore...

C'est titré, avec un aplomb incroyable: Bureau de Vérif  Fake news sur les attaques chimiques .

Il y en a qui n'ont pas de doute et qui croient détenir la vérité, au point d' affirmer qu'un journaliste britannique pourtant reconnu intègre par tous ses confrères (Robert Fisk) est parti en vrille depuis qu'il défend un point de vue "différent" sur la Syrie (il ne pense pas que ce soit le "régime en place" qui utilise des armes chimiques).Il a enquêté sur place, peu après les faits.(voir ici)

Pour Maxime Darquier et CPolitique, la version officielle est une certitude évidente, une vérité absolue, voire un dogme. La remettre en cause sur un point particulier, ou à l'occasion d'un événement précis , c'est être dérangé, partir en vrille. (Bientôt mûr pour  l'hôpital psychiatrique?)

Il y a pourtant de nombreux doutes sur la question.Et elle mérite mieux que cette réponse baclée et méprisante de ce magazine, du coup peu crédible.

-Le général Jim Mattis lui-même, actuel secrétaire américain à la Défense, a déclaré le 8 février 2018 ne pas avoir de preuve formelle que la Syrie ait jamais utilisé d’armes chimiques, y compris en 2013 et en 2017, lorsque la Maison-Blanche ordonna le bombardement en rétorsion de la base aérienne de Chayrat.

J'ai cité ici-même d'autres journalistes qui rapportent les mêmes témoignages que Robert Fisk (notamment l'américain Pearson Sharp, et  l'allemand Uli Gack).

De plus cette affirmation d'une attaque chimique ne tient apparemment que sur une vidéo des controversés "casques blancs", qui a été en partie mise a mal par les témoignages de participants retrouvés vivants (dont le petit  Hassan Diab et son père, qui apparaissent d'ailleurs dans le début de l'argumentaire de Cpolitique.)

Or dans cette vidéo (ci-dessus) du (bien mal nommé) bureau de Vérif, Maxime Darquier n'y accorde bizarrement aucun crédit (déni ?) et ne se base que sur un très court extrait du reportage sur place d'un autre journaliste, Seth Doane (CBS), extrait sorti du contexte et qui en réalité ne prouve pas grand chose. (un témoin y dit : "du gaz s'est répandu autour de nous, ça avait une odeur de chlore...")

D'autant plus que son reportage plus complet  accessible sur  le site CBS est beaucoup moins clair, et on peut même en conclure que Seth Doane a de gros doutes...

cf la dernière phrase:

"et si des experts en armements se rendent dans cet immeuble [là où se trouvait le cylindre jaune censé être le vecteur des gaz chimiques], ils trouveront une scène qui pourrait avoir été trafiquée, et Jeff j’ai pu moi-même assister à des témoignages qui peuvent être parfois confus, et contradictoires." BV

source: https://www.cbsnews.com/news/syria-inside-douma-the-site-of-apparent-chemical-attack-2018-04-16/

Bref, il  n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir...
Et quand la propagande mainstream est en marche, il y a tout un troupeau de moutons qui bêlent, sans se poser de questions.

Ou qui mentent effrontément  à l'insu de leur plein gré.

 A suivre...

                                                                                   ***

Ajout du 17 Mai:

Le point en 5 vidéos assez complètes et claires sur le sujet (par Trouble Fait)

https://youtu.be/6qSa7iIHoA4

https://youtu.be/ZQIBIlo-ols

https://youtu.be/B6fCw5hAq4w

et du 20 mai

https://www.youtube.com/watch?v=g0C4vAfM02I

https://www.youtube.com/watch?v=6q_boDBXG1c

28/04/2018

“les médiocres ont pris le pouvoir”

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Né en 1970, Alain Deneault est canadien francophone.Il a écrit en 2008 Noir Canada : pillage, corruption et criminalité en Afrique.Et en 2015 La Médiocratie.
 
Entretien publié dans Télérama Idées en 2015 et mis a jour en 2018...
 
Sous le règne de la médiocratie, la moyenne devient une norme, le compromis domine : idées et hommes deviennent interchangeables. Il faut résister à la révolution anesthésiante, alerte le philosophe Alain Deneault.

C'est d'une « révolution anesthésiante » qu'il s'agit. Celle qui nous invite à nous situer toujours au centre, à penser mou, à mettre nos convictions dans notre poche de manière à devenir des êtres interchangeables, faciles à ranger dans des cases. Surtout ne rien déranger, surtout ne rien inventer qui pourrait remettre en cause l'ordre économique et social.

« Il n'y a eu aucune prise de la Bastille, rien de comparable à l'incendie du Reichstag, et l'Aurore n'a encore tiré aucun coup de feu, écrit le philosophe Alain Deneault qui enseigne la pensée critique en science politique à l'Université de Montréal. Pourtant, l'assaut a bel et bien été lancé et couronné de succès : les médiocres ont pris le pouvoir. » Explications.

 

Qu'entendez-vous par « médiocratie » ?

En français, il n'existe pas d'autre mot que celui de « médiocrité » pour désigner ce qui est « moyen ». « Supériorité » renvoie à ce qui est supérieur, « infériorité » à ce qui est inférieur, mais « moyenneté » ne se dit pas. Il y a pourtant une distinction sémantique entre la moyenne et la médiocrité, car la moyenne relève le plus souvent d'une abstraction : revenu moyen, compétence moyenne, c'est-à-dire une place au milieu d'une échelle de valeurs. La médiocrité, en revanche, est la moyenne en acte.

La médiocratie désigne ainsi un régime où la moyenne devient une norme impérieuse qu'il s'agit d'incarner. C'est l'ordre médiocre érigé en modèle. Il ne s'agit donc pas pour moi de stigmatiser qui que ce soit, mais plutôt de comprendre la nature de cette injonction à être médiocre qui pèse aujourd'hui sur des gens qui ne sont pas forcément enclins à l'être.

Quelle est cette injonction ? D'où vient-elle ?

La médiocratie vient d'abord de la division et de l'industrialisation du travail qui ont transformé les métiers en emplois. Marx l'a décrit dès 1849. En réduisant le travail à une force puis à un coût, le capitalisme l'a dévitalisé, le taylorisme en a poussé la standardisation jusqu'à ses dernières logiques. Les métiers se sont ainsi progressivement perdus, le travail est devenu une prestation moyenne désincarnée.

Aux yeux d'un grand nombre de salariés, qui passent de manière indifférente d'un travail à un autre, celui-ci se réduit à un moyen de subsistance. Prestation moyenne, résultat moyen, l'objectif est de rendre les gens interchangeables au sein de grands ensembles de production qui échappent à la conscience d'à peu près tout le monde, à l'exception de ceux qui en sont les architectes et les bénéficiaires.

A l'origine de la médiocratie, vous insistez également sur la montée en puissance de la « gouvernance »…

C'est le versant politique de la genèse de la médiocratie. D'apparence inoffensive, le terme de gouvernance a été introduit par Margaret Thatcher et ses collaborateurs dans les années 80. Sous couvert de saine gestion des institutions publiques, il s'agissait d'appliquer à l'Etat les méthodes de gestion des entreprises privées supposées plus efficaces.

La gouvernance, qui depuis a fait florès, est une forme de gestion néolibérale de l'Etat caractérisée par la déréglementation et la privatisation des services publics et l'adaptation des institutions aux besoins des entreprises. De la politique, nous sommes ainsi passés à la gouvernance que l'on tend à confondre avec la démocratie alors qu'elle en est l'opposé.

Dans un régime de gouvernance, l'action politique est réduite à la gestion, à ce que les manuels de management appellent le « problem solving » : la recherche d'une solution immédiate à un problème immédiat, ce qui exclut toute réflexion de long terme, fondée sur des principes, toute vision politique du monde publiquement débattue. Dans le régime de la gouvernance, nous sommes invités à devenir des petits partenaires obéissants, incarnant à l'identique une vision moyenne du monde, dans une perspective unique, celle du libéralisme.

Etre médiocre, ce n'est donc pas être incompétent ?

Non. Le système encourage l'ascension des acteurs moyennement compétents au détriment des super compétents ou des parfaits incompétents. Ces derniers parce qu'ils ne font pas l'affaire et les premiers parce qu'ils risquent de remettre en cause le système et ses conventions. Le médiocre doit avoir une connaissance utile qui n'enseigne toutefois pas à remettre en cause ses fondements idéologiques. L'esprit critique est ainsi redouté car il s'exerce à tout moment envers toute chose, il est ouvert au doute, toujours soumis à sa propre exigence. Le médiocre doit « jouer le jeu ».

Que voulez-vous dire ?

« Jouer le jeu » est une expression pauvre qui contient deux fois le même mot relié par un article, c'est dire son caractère tautologique. C'est une expression souriante, d'apparence banale et même ludique. Jouer le jeu veut pourtant dire accepter des pratiques officieuses qui servent des intérêts à courte vue, se soumettre à des règles en détournant les yeux du non-dit, de l'impensé qui les sous-tendent. Jouer le jeu, c'est accepter de ne pas citer tel nom dans tel rapport, faire abstraction de ceci, ne pas mentionner cela, permettre à l'arbitraire de prendre le dessus. Au bout du compte, jouer le jeu consiste, à force de tricher, à générer des institutions corrompues.

La corruption arrive ainsi à son terme lorsque les acteurs ne savent même plus qu'ils sont corrompus. Quand des sociétés pharmaceutiques s'assurent que l'on guérisse à grands frais des cancers de la prostate pourtant voués à ne se développer de manière alarmante que le jour où ceux qui en sont atteints auront 130 ans. Quand l'université forme des étudiants pour en faire non pas des esprits autonomes mais des experts prêts à être instrumentalisés.

Le recteur de l'Université de Montréal l'a affirmé sur le ton de l'évidence à l'automne 2011 : « Les cerveaux doivent correspondre aux besoins des entreprises. » Des entreprises qui justement siègent au conseil d'administration de l'université, même si celle-ci demeure largement financée par l'Etat. Le recteur de notre principale université francophone rejoignait ainsi, presque mot pour mot, les propos de Patrick Le Lay, alors PDG de TF1, affirmant en 2004 que sa chaîne vendait « du temps de cerveau disponible » à Coca-Cola.

Jouer le jeu, c'est aussi, où que l'on soit, adopter le langage de l'entreprise privée…

Dans l'ordre de la gouvernance, le service public disparaît et sa terminologie avec. Le patient d'un hôpital, l'usager du train ou du métro, le spectateur d'une salle de concert, l'abonné d'un musée, tous deviennent des « clients ». A la radio d'Etat, au Québec, un journaliste culturel m'a récemment demandé si j'étais « consommateur de théâtre ». Et la bibliothèque nationale, quand je suis en retard pour rendre les livres que j'ai empruntés, m'envoie un courriel qui commence par « Cher client ». Ces mots ne sont pas anodins. Ils sont révélateurs. Ils en disent long sur la révolution anesthésiante que nous vivons aujourd'hui.

Vous placez l'expert au centre de la médiocratie. Pourquoi ?

L'expert est souvent médiocre, au sens où je l'ai défini. Il n'est pas incompétent, mais il formate sa pensée en fonction des intérêts de ceux qui l'emploient. Il fournit les données pratiques ou théoriques dont ont besoin ceux qui le rétribuent pour se légitimer. Pour le pouvoir, il est l'être moyen par lequel imposer son ordre.

L'expert s'enferme ainsi dans les paramètres souhaités par telle entreprise, telle industrie, tel intérêt privé. Il ne citera pas Coca-Cola dans une étude sur l'obésité parce que la marque a financé l'étude. Il affirmera que les variations climatiques ne sont pas liées à l'activité industrielle parce que Exxon Mobil subventionne ses recherches. Il nous faudrait un nouveau Molière pour faire subir aux experts le sort que l'auteur du Malade imaginaire a réservé aux médecins de son temps.

La médiocratie ne pousse-t-elle pas aussi à l'affadissement du discours politique ?

Sans surprise, c'est le milieu, le centre, le moyen qui dominent la pensée politique. Les différences entre les discours des uns et des autres sont minimes, les symboles plus que les fondements divergent, dans une apparence de discorde. Les « mesures équilibrées », « juste milieu », ou « compromis » sont érigées en notions fétiches. C'est l'ordre politique de l'extrême centre dont la position correspond moins à un point sur l'axe gauche-droite qu'à la disparition de cet axe au profit d'une seule approche et d'une seule logique.

Dans ce contexte médiocre, règne la combine. Les gouvernants se font élire sur une ligne politique et en appliquent une autre une fois élus, les électeurs profitent des municipales pour protester contre la politique nationale, votent Front national pour exprimer leur colère, les médias favorisent ces dérapages en ne s'intéressant qu'aux stratégies des acteurs. Aucune vision d'avenir, tout le jeu politique est à courte vue, dans le bricolage permanent.

Comment résister à la médiocratie ?

Résister d'abord au buffet auquel on vous invite, aux petites tentations par lesquelles vous allez entrer dans le jeu. Dire non. Non, je n'occuperai pas cette fonction, non, je n'accepterai pas cette promotion, je renonce à cet avantage ou à cette reconnaissance, parce qu'elle est empoisonnée. Résister, en ce sens, est une ascèse, ce n'est pas facile.

Revenir à la culture et aux références intellectuelles est également une nécessité. Si on se remet à lire, à penser, à affirmer la valeur de concepts aujourd'hui balayés comme s'ils étaient insignifiants, si on réinjecte du sens là où il n'y en a plus, quitte à être marginal, on avance politiquement. Ce n'est pas un hasard si le langage lui même est aujourd'hui attaqué. Rétablissons-le.