28/04/2018
“les médiocres ont pris le pouvoir”
C'est d'une « révolution anesthésiante » qu'il s'agit. Celle qui nous invite à nous situer toujours au centre, à penser mou, à mettre nos convictions dans notre poche de manière à devenir des êtres interchangeables, faciles à ranger dans des cases. Surtout ne rien déranger, surtout ne rien inventer qui pourrait remettre en cause l'ordre économique et social.
« Il n'y a eu aucune prise de la Bastille, rien de comparable à l'incendie du Reichstag, et l'Aurore n'a encore tiré aucun coup de feu, écrit le philosophe Alain Deneault qui enseigne la pensée critique en science politique à l'Université de Montréal. Pourtant, l'assaut a bel et bien été lancé et couronné de succès : les médiocres ont pris le pouvoir. » Explications.
Qu'entendez-vous par « médiocratie » ?
En français, il n'existe pas d'autre mot que celui de « médiocrité » pour désigner ce qui est « moyen ». « Supériorité » renvoie à ce qui est supérieur, « infériorité » à ce qui est inférieur, mais « moyenneté » ne se dit pas. Il y a pourtant une distinction sémantique entre la moyenne et la médiocrité, car la moyenne relève le plus souvent d'une abstraction : revenu moyen, compétence moyenne, c'est-à-dire une place au milieu d'une échelle de valeurs. La médiocrité, en revanche, est la moyenne en acte.
La médiocratie désigne ainsi un régime où la moyenne devient une norme impérieuse qu'il s'agit d'incarner. C'est l'ordre médiocre érigé en modèle. Il ne s'agit donc pas pour moi de stigmatiser qui que ce soit, mais plutôt de comprendre la nature de cette injonction à être médiocre qui pèse aujourd'hui sur des gens qui ne sont pas forcément enclins à l'être.
Quelle est cette injonction ? D'où vient-elle ?
La médiocratie vient d'abord de la division et de l'industrialisation du travail qui ont transformé les métiers en emplois. Marx l'a décrit dès 1849. En réduisant le travail à une force puis à un coût, le capitalisme l'a dévitalisé, le taylorisme en a poussé la standardisation jusqu'à ses dernières logiques. Les métiers se sont ainsi progressivement perdus, le travail est devenu une prestation moyenne désincarnée.
Aux yeux d'un grand nombre de salariés, qui passent de manière indifférente d'un travail à un autre, celui-ci se réduit à un moyen de subsistance. Prestation moyenne, résultat moyen, l'objectif est de rendre les gens interchangeables au sein de grands ensembles de production qui échappent à la conscience d'à peu près tout le monde, à l'exception de ceux qui en sont les architectes et les bénéficiaires.
A l'origine de la médiocratie, vous insistez également sur la montée en puissance de la « gouvernance »…
C'est le versant politique de la genèse de la médiocratie. D'apparence inoffensive, le terme de gouvernance a été introduit par Margaret Thatcher et ses collaborateurs dans les années 80. Sous couvert de saine gestion des institutions publiques, il s'agissait d'appliquer à l'Etat les méthodes de gestion des entreprises privées supposées plus efficaces.
La gouvernance, qui depuis a fait florès, est une forme de gestion néolibérale de l'Etat caractérisée par la déréglementation et la privatisation des services publics et l'adaptation des institutions aux besoins des entreprises. De la politique, nous sommes ainsi passés à la gouvernance que l'on tend à confondre avec la démocratie alors qu'elle en est l'opposé.
Dans un régime de gouvernance, l'action politique est réduite à la gestion, à ce que les manuels de management appellent le « problem solving » : la recherche d'une solution immédiate à un problème immédiat, ce qui exclut toute réflexion de long terme, fondée sur des principes, toute vision politique du monde publiquement débattue. Dans le régime de la gouvernance, nous sommes invités à devenir des petits partenaires obéissants, incarnant à l'identique une vision moyenne du monde, dans une perspective unique, celle du libéralisme.
Etre médiocre, ce n'est donc pas être incompétent ?
Non. Le système encourage l'ascension des acteurs moyennement compétents au détriment des super compétents ou des parfaits incompétents. Ces derniers parce qu'ils ne font pas l'affaire et les premiers parce qu'ils risquent de remettre en cause le système et ses conventions. Le médiocre doit avoir une connaissance utile qui n'enseigne toutefois pas à remettre en cause ses fondements idéologiques. L'esprit critique est ainsi redouté car il s'exerce à tout moment envers toute chose, il est ouvert au doute, toujours soumis à sa propre exigence. Le médiocre doit « jouer le jeu ».
Que voulez-vous dire ?
« Jouer le jeu » est une expression pauvre qui contient deux fois le même mot relié par un article, c'est dire son caractère tautologique. C'est une expression souriante, d'apparence banale et même ludique. Jouer le jeu veut pourtant dire accepter des pratiques officieuses qui servent des intérêts à courte vue, se soumettre à des règles en détournant les yeux du non-dit, de l'impensé qui les sous-tendent. Jouer le jeu, c'est accepter de ne pas citer tel nom dans tel rapport, faire abstraction de ceci, ne pas mentionner cela, permettre à l'arbitraire de prendre le dessus. Au bout du compte, jouer le jeu consiste, à force de tricher, à générer des institutions corrompues.
La corruption arrive ainsi à son terme lorsque les acteurs ne savent même plus qu'ils sont corrompus. Quand des sociétés pharmaceutiques s'assurent que l'on guérisse à grands frais des cancers de la prostate pourtant voués à ne se développer de manière alarmante que le jour où ceux qui en sont atteints auront 130 ans. Quand l'université forme des étudiants pour en faire non pas des esprits autonomes mais des experts prêts à être instrumentalisés.
Le recteur de l'Université de Montréal l'a affirmé sur le ton de l'évidence à l'automne 2011 : « Les cerveaux doivent correspondre aux besoins des entreprises. » Des entreprises qui justement siègent au conseil d'administration de l'université, même si celle-ci demeure largement financée par l'Etat. Le recteur de notre principale université francophone rejoignait ainsi, presque mot pour mot, les propos de Patrick Le Lay, alors PDG de TF1, affirmant en 2004 que sa chaîne vendait « du temps de cerveau disponible » à Coca-Cola.
Jouer le jeu, c'est aussi, où que l'on soit, adopter le langage de l'entreprise privée…
Dans l'ordre de la gouvernance, le service public disparaît et sa terminologie avec. Le patient d'un hôpital, l'usager du train ou du métro, le spectateur d'une salle de concert, l'abonné d'un musée, tous deviennent des « clients ». A la radio d'Etat, au Québec, un journaliste culturel m'a récemment demandé si j'étais « consommateur de théâtre ». Et la bibliothèque nationale, quand je suis en retard pour rendre les livres que j'ai empruntés, m'envoie un courriel qui commence par « Cher client ». Ces mots ne sont pas anodins. Ils sont révélateurs. Ils en disent long sur la révolution anesthésiante que nous vivons aujourd'hui.
Vous placez l'expert au centre de la médiocratie. Pourquoi ?
L'expert est souvent médiocre, au sens où je l'ai défini. Il n'est pas incompétent, mais il formate sa pensée en fonction des intérêts de ceux qui l'emploient. Il fournit les données pratiques ou théoriques dont ont besoin ceux qui le rétribuent pour se légitimer. Pour le pouvoir, il est l'être moyen par lequel imposer son ordre.
L'expert s'enferme ainsi dans les paramètres souhaités par telle entreprise, telle industrie, tel intérêt privé. Il ne citera pas Coca-Cola dans une étude sur l'obésité parce que la marque a financé l'étude. Il affirmera que les variations climatiques ne sont pas liées à l'activité industrielle parce que Exxon Mobil subventionne ses recherches. Il nous faudrait un nouveau Molière pour faire subir aux experts le sort que l'auteur du Malade imaginaire a réservé aux médecins de son temps.
La médiocratie ne pousse-t-elle pas aussi à l'affadissement du discours politique ?
Sans surprise, c'est le milieu, le centre, le moyen qui dominent la pensée politique. Les différences entre les discours des uns et des autres sont minimes, les symboles plus que les fondements divergent, dans une apparence de discorde. Les « mesures équilibrées », « juste milieu », ou « compromis » sont érigées en notions fétiches. C'est l'ordre politique de l'extrême centre dont la position correspond moins à un point sur l'axe gauche-droite qu'à la disparition de cet axe au profit d'une seule approche et d'une seule logique.
Dans ce contexte médiocre, règne la combine. Les gouvernants se font élire sur une ligne politique et en appliquent une autre une fois élus, les électeurs profitent des municipales pour protester contre la politique nationale, votent Front national pour exprimer leur colère, les médias favorisent ces dérapages en ne s'intéressant qu'aux stratégies des acteurs. Aucune vision d'avenir, tout le jeu politique est à courte vue, dans le bricolage permanent.
Comment résister à la médiocratie ?
Résister d'abord au buffet auquel on vous invite, aux petites tentations par lesquelles vous allez entrer dans le jeu. Dire non. Non, je n'occuperai pas cette fonction, non, je n'accepterai pas cette promotion, je renonce à cet avantage ou à cette reconnaissance, parce qu'elle est empoisonnée. Résister, en ce sens, est une ascèse, ce n'est pas facile.
Revenir à la culture et aux références intellectuelles est également une nécessité. Si on se remet à lire, à penser, à affirmer la valeur de concepts aujourd'hui balayés comme s'ils étaient insignifiants, si on réinjecte du sens là où il n'y en a plus, quitte à être marginal, on avance politiquement. Ce n'est pas un hasard si le langage lui même est aujourd'hui attaqué. Rétablissons-le.
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27/04/2018
Très Optimiste, Caro...
Galactéros Caroline
Iran, Syrie, Ukraine… et si Paris jouait gagnant ?
Et si le pire n'était pas sûr ? Et si, pendant que se donne la mascarade dangereuse d'un monde sorti de ses gonds et pris de vertige belliqueux, pendant que l'on assiste dépités à la mise en scène infantile d'un mauvais scénario (accord sur le nucléaire iranien mis en danger, braises de guerre savamment ranimées en Syrie, Ukraine menaçant de s'embraser de nouveau), on était en fait à la veille d'un chef-d'œuvre… de production française ? Et si les frappes en Syrie n'étaient qu'une très dommageable farce tragi-comique et que, tandis que tout le monde a le nez en l'air, comme dans un festival mondial des cerfs-volants, l'essentiel se jouait en coulisses ?
L'essentiel ? En matière de diplomatie, c'est le cœur, généralement secret et invisible, d'un projet audacieux. Cela requiert une vision, une ambition, une opportunité, un « alignement des planètes », une approche intégrative, du tempérament, de l'entregent, du sang-froid et d'autres choses encore, mais surtout une « idée de manœuvre » générale… Celle-là pourrait s'apparenter à une triangulation géniale. Et si le génie l'emportait, alors, la France, sa crédibilité, sa voix, son aura et une part de son avenir sur la carte du monde seraient sauvées. Bref, un coup de maître. Qui ferait paraître bien ridicules et anachroniques les combats d'arrière-garde de nos statutaires domestiques enfiévrés…
Évidemment, les positions de chacun des acteurs de cette pièce d'auteur, toujours à la merci d'un happening violent, ne sont pas aussi radicales que je les présente ici. Il y a des nuances, des ambivalences dans leur jeu, et l'on peut trouver moult faits et paroles qui semblent contredire ce tableau brossé à grands traits. Néanmoins, le « Kairos à l'envers » est bien là, sous nos yeux. C'est parce que tout va mal que c'est le moment d'agir pour un mieux.
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22/04/2018
No comment bis
Un haut correspondant de la chaîne publique allemande ZDF Heute a surpris son auditoire européen lors d’un reportage sur le terrain en Syrie où il a rendu compte de ses découvertes de manière simple et honnête, tout en enquêtant sur ce qui s’est passé à Douma.
Le journaliste vétéran, Uli Gack, a interviewé plusieurs témoins oculaires de l’attaque chimique présumée du 7 avril et a conclu des témoignages, « l’attaque chimique de Douma est probablement mise en scène, beaucoup de gens ici semblent très convaincus. »
Il semble que tous les Syriens locaux rencontrés par le journaliste public allemand ont immédiatement rejeté l’allégation répandue selon laquelle le gouvernement syrien a gazé des civils, que les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et Israël ont utilisé comme prétexte pour lancer des frappes de missiles sur Damas.
Le rapport de la ZDF allemande est en accord avec l'enquête du journaliste britannique vétéran Robert Fisk premier journaliste occidental à accéder au site de Douma.
Fisk a rapporté au début de cette semaine: «Il y a beaucoup de gens à qui j'ai parlé au milieu des ruines de la ville qui ont dit qu'ils n'avaient jamais cru aux histoires sur le gaz qui étaient généralement revendiquées par les groupes islamistes armés.>
source écrite (traduction Google)
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19/04/2018
No comment
Hassan Diab, 11 ans, Syrien, qui avait été montré dans une présumée attaque chimique à Douma, raconte que tout a été mis en scène par les casques blancs.Interview complète par le journaliste russe Evgeny Poddubnyy.
Etrangement ces témoignages et vidéos ne sont pas du tout relayés par les medias français.
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18/04/2018
Xenia Fedorova
Xenia Fedorova la jeune patronne de la chaîne russe RT France, est accusée par l'Elysée de participer activement à la vague des « fake news ». Elle défend au contraire son offre d'information « alternative ». Un entretien décapant. (source Les Echos)
©Samuel Kirszenbaum pour Les Echos Week-End
Main de fer glacée dans un gant de velours soyeux ? Placide, bras croisés et regard candide, Xenia Fedorova toise son visiteur derrière ses longs cils courbés. À seulement 37 ans, la présidente et directrice de l'information de RT (ex-Russia Today) affiche le flegme des vieux briscards de l'info rompus aux coups tordus. Espionne, simple James Bond Girl à la sauce moscovite, ou cosaque de l'info sabre au clair ? Dans son bureau d'angle vitré du quai du Point du Jour, à la limite entre Paris et Boulogne, dans la même tour que BBC Worldwide France, la patronne de RT France reprend sa respiration. Comme un félin prêt à bondir ? Celle qui a été stigmatisée comme l'émissaire de la machine à « fake news » du Kremlin par Emmanuel Macron, en mai dernier, se voit plutôt en startupeuse frugale. Et se défend bec et ongles.
« Nous ne sommes pas un organe de propagande ou d'influence. C'est une vision démodée. Je pense qu'on veut nous faire taire. Nous ne sommes toujours pas autorisés à suivre les conférences de presse de l'Elysée », s'insurge Xenia Fedorova, un mois après le lancement de la version française de RT sur le réseau de Free. Elle affirme apporter une offre inédite et utile. « Je suis de plus en plus sceptique sur les médias traditionnels qui traitent tous les mêmes sujets avec les mêmes angles. 'Le Monde' et 'Le Figaro', comme la plupart des grands médias, publient beaucoup de copier-coller des dépêches de l'AFP, Reuters ou AP. Nous voulons promouvoir une approche alternative de l'info : c'est pourquoi nous avons créé Ruptly [agence de contenus vidéos, NDLR] à Berlin. Initialement, notre modèle était assez proche de CNN, mais désormais nous voulons créer notre propre modèle en mettant l'accent sur le 'live' et le direct », insiste celle qui a rejoint RT il y a douze ans déjà.
Dès 2005, Xenia Fedorova a participé au lancement de RT en langue anglaise, à Moscou. Elle voulait être diplomate, mais devient finalement journaliste, comme sa mère. Cinquième d'une famille de sept enfants, elle a perdu très jeune son père, scientifique de l'armée dans le domaine spatial. Après des études de journalisme à Moscou et un MBA à la School of Creative leadership de la Steinbeis University à Berlin, elle devient productrice spécialisée sur l'international. Son principal mentor - même si elles ont le même âge - est la pétulante Margarita Simonian, fille d'un modeste réparateur de frigos arménien devenue l'ambitieuse patronne du groupe RT, proche du président Poutine. « Je continue à apprendre tous les jours auprès d'elle », murmure-t-elle avec déférence.
« Longuement préparée pour le rôle »
Pourquoi l'a-t-on retenue ? « Je suis douée pour lancer des start-up. J'ai l'expérience des projets compliqués. J'imagine que c'est pour cette raison que j'ai été choisie. » « Elle fait partie des bébés Simonian et a été préparée à ce rôle depuis longtemps : elle n'a pas été sélectionnée pour sa connaissance de la langue ou des codes français », estime l'universitaire Cécile Vaissié, auteur des Réseaux du Kremlin en France (éditions Les Petits Matins), en notant que le lancement de RT France a même été repoussé pour lui permettre de perfectionner son français, encore très limité, alors que son anglais est impeccable. « Lorsqu'on aborde des sujets importants, je préfère parler en anglais pour éviter les malentendus », s'excuse la journaliste.
« Xenia Fedorova défend clairement une approche incisive pour se démarquer du politiquement correct des médias mainstream », la défend Alexandra Kamenskaya, ex-cheffe du bureau parisien de l'agence publique RIA Novosti à Paris, l'ancêtre de Sputnik, l'agence multimédia issue de la réorganisation de l'information russe en 2014. « Ce n'est pas au président à décider qui est journaliste ou qui ne l'est pas ! » tempête de son côté l'économiste russophile Jacques Sapir, qui anime sur la chaîne une émission avec Jean-Marc Sylvestre. La présidente de RT France a bien besoin d'alliés dans la guérilla qui l'oppose aux hommes du président Macron. «Il faut être vigilant mais il ne faudrait pas diaboliser RT a priori. Attendons de voir leur traitement de l'info », estime Caroline Janvier, jeune députée de LREM (La République en marche), qui préside le groupe d'amitié franco-russe à l'Assemblée nationale. En revanche, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, compare volontiers la chaîne au site ultraconservateur américain Breitbart News et s'agace, en privé, que la chaîne russe ait pu chercher à nouer des conventions de stages avec diverses écoles de journalisme, y compris celle de Sciences Po.
« Nos débuts ont été très difficiles, soupire Xenia Fedorova. Les discussions avec le CSA [Conseil supérieur de l'audiovisuel, NDLR] ont été longues. La chute du rouble nous a ralentis et j'ai dû quitter la France pour l'Allemagne où j'ai dirigé Ruptly pendant un an et demi. Je pensais que l'Allemagne était le pays le plus bureaucratique et le moins flexible en Europe et j'ai découvert que ce n'était pas le cas. » Elle reconnaît qu'après le désistement d'Hélène Carrère d'Encausse en septembre 2017, la formation du comité d'éthique de la chaîne imposé par le CSA a été laborieuse - Jean-Luc Hees, l'ex-patron de Radio France, l'ex-ministre LR Thierry Mariani, la diplomate Anne Gazeau-Secret, et les journalistes Jacques-Marie Bourget et Majed Nehmé l'ont récemment rejoint.
Au nom des grands principes
Mais aujourd'hui est venu le temps de la riposte. D'abord la réponse aux accusations : « Tous les grands médias ont répandu des fake news sur le fait que nous diffusions des rumeurs sur l'homosexualité d'Emmanuel Macron. Or, nous n'avons jamais donné la parole à Nicolas Dhuicq [l'ancien député LR avait évoqué le soutien d'un 'très riche lobby gay' à Emmanuel Macron, NDLR]. Nous ne sommes pas Sputnik, nous ne faisons même pas partie de la même organisation, même si l'Etat finance les deux. » Elle n'a de cesse d'éviter tout amalgame avec le site douteux, au format plus tabloïd, dirigé en France par Nathalie Novikova, autre « bébé » RT. « C'est comme si on blâmait Radio France pour ce que diffuse France Télévision », tente de convaincre Xenia Federova. Reste que Cécile Vaissié assure du contraire : « Ils essaient de distinguer les deux, mais c'est la même maison. » De son côté, la directrice de Sputnik France, Nathalie Novikova, insiste sur le fait que le site qu'elle dirige n'a pas relayé les « rumeurs » évoquées par Sputnik International sur Macron.
Au sujet du projet de loi anti-fake news, annoncé par Emmanuel Macron le 3 janvier, elle prévient : « C'est un projet dirigé contre vous, pas seulement contre nous. Nous sommes un excellent prétexte dans cette affaire. Le plan du gouvernement va bien au-delà de ce qu'ils disent. Qui va décider ce que sont les fake news ? Bien sûr nous allons souffrir en tant que médias alternatifs, mais c'est surtout une nouvelle étape dans la réduction de la liberté de la presse en France. » Elle va jusqu'à invoquer - le plus sérieusement du monde - les « exemples du passé en Union soviétique ».
Dans l'immédiat, RT France poursuit ses discussions avec Orange et SFR en vue d'élargir sa diffusion. « Mais tout dépendra des pressions qu'ils subiront », affirme sa présidente, décidément dans une posture de bouc émissaire.
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Il suffit de cliquer (ou double-cliquer) sur la vidéo pour l'avoir en grand écran et pouvoir lire les sous-titres.
00:40 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : russian today, rt, xenia fedorova | Facebook
17/04/2018
Robert Fisk à Douma
Robert Fisk est un journaliste britannique né le 12 juillet 1946.Grand reporter et correspondant au Proche-Orient du journal The Independent.
Il a publié un nombre important de livres sur la révolution iranienne, des guerres du Liban, du Golfe, d'Afghanistan, de l'invasion de l'Irak en 2003, du Kosovo et d’Algérie. Fisk a reçu plus de récompenses pour son travail de journaliste que n’importe quel autre grand reporter britannique.Il n’hésite pas à se rendre dans des zones en guerre pour obtenir des informations de première main, et a suffisamment de crédibilité pour écrire des choses qui fâchent.
Le site Les Crises a traduit le reportage exclusif de Robert Fisk, qui a enquêté à Douma.
Source : Robert Fisk, The Independent, 16/04/2018
Exclusif : Robert Fisk rend visite à la Clinique syrienne au cœur d’une crise globale.
C’est l’histoire d’une ville appelée Douma, un endroit putride, ravagé, plein d’immeubles résidentiels défoncés, et où se trouve une clinique souterraine dont les images de souffrance ont permis à 3 des plus grandes puissances du monde occidental de bombarder la Syrie la semaine dernière. Il y a même un docteur sympa en blouse verte qui, alors que je le localise justement dans cette même clinique, me dit avec entrain que la vidéo du « gaz » qui a horrifié la planète – malgré tous les sceptiques – est absolument authentique.
Les récits de guerre, cependant, ont pour habitude de tourner au cauchemar. Et ce même médecin-chef syrien de 58 ans ajoute ensuite une chose profondément dérangeante : les patients, dit-il, ont été exposés non pas à du gaz, mais à un manque d’oxygène (hypoxie) dans les tunnels jonchés de déchets, et dans les sous-sols où ils vivaient, au cours d’une nuit de grand vent et de bombardements intensifs qui ont déclenché une tempête de poussière.
Tandis que le docteur Assim Rahaibani énonce cette conclusion extraordinaire, il est important d’observer qu’il n’est pas, de son propre aveu, un témoin lui-même, et que bon angliciste, il se réfère 2 fois aux djihadistes armés de Jaish el-islam [l’armée de l’Islam] à Douma comme à des terroristes, l’expression du régime qui désigne ses ennemis, et un terme utilisé par beaucoup de gens partout en Syrie. Ai-je bien entendu ? Quelle version des événements sommes-nous supposés croire ?
Par malchance aussi, les médecins de garde lors de cette nuit du 7 avril sont tous les 2 à Damas, afin d’apporter leurs indices de preuve à une enquête sur les armes chimiques, qui devra tenter de fournir une réponse définitive à cette question dans les semaines à venir.
Entretemps, la France a dit qu’elle avait « la preuve » que des armes chimiques avaient été utilisées, et les médias US ont cité des sources qui attestaient aussi ce fait. L’Organisation des Casques Blancs a aussi déclaré que ses partenaires sur le terrain traitaient 500 patients « présentant des signes et des symptômes correspondants à une exposition à des substances chimiques toxiques. »
Au même moment, les inspecteurs de l’OPCW, [Organisation pour l’Interdiction des Armes chimiques OIAC], sont dans l’impossibilité de parvenir ici sur le site de l’attaque au gaz alléguée, apparemment parce qu’ils n’avaient pas les bonnes autorisations de l’ONU.
Avant d’aller plus loin, les lecteurs doivent savoir que ce n’est pas le seul récit qui a cours à Douma. Il y a beaucoup de gens avec qui j’ai discuté au milieu des ruines qui déclarent qu’ils n’ont jamais cru à ces histoires de gaz – qui ont été fabriquées, disent-ils, par les groupes islamistes armés. Ces djihadistes d’un genre particulier ont survécu sous un déluge d’obus, en vivant dans les logements d’autres gens, et dans de vastes et larges tunnels équipés de routes souterraines creusées dans la roche par des prisonniers à l’aide de pioches sur 3 niveaux sous la ville. Je me suis promené dans 3 d’entre eux hier, des couloirs immenses faits de roche naturelle qui contenaient encore des roquettes russes – oui, russes – et des voitures carbonisées.
Ainsi, l’histoire de Douma n’est donc pas qu’une histoire de gaz ou pas, comme l’affaire en a l’air. Il s’agit de celle de milliers de gens qui ont choisi de ne pas évacuer la zone dans des bus la semaine dernière, aux côtés des combattants avec lesquels ils étaient forcés de vivre comme des troglodytes pendant des mois afin de survivre. Je me suis promené dans cette ville assez librement hier, sans soldats, sans policiers ou garde du corps qui scrute mes pas, juste 2 amis syriens, un appareil photo et un carnet. Parfois je devais escalader des remparts de plus de 6 mètres, ou gravir comme des murs de terre. Heureux de trouver un étranger parmi eux, plus heureux encore que le siège de la ville soit enfin terminé, la plupart ont le sourire ; enfin ceux dont vous pouvez voir les visages bien sûr, parce qu’à Douma, un nombre surprenant de femmes portent le hijab noir qui couvre tout leur corps.
Je me suis d’abord rendu à Douma en tant que membre d’un convoi de journalistes sous escorte. Mais une fois qu’un général ennuyeux nous eût annoncé sur le parvis d’une mairie démolie « Je n’ai pas d’informations. » – ce foutu langage officiel arabe d’une utilité remarquable – je me suis éclipsé. Plusieurs autres reporters, la plupart syriens, en firent autant. Même un groupe de journalistes russes – tous en treillis militaire – s’écarta du groupe.
Je pus rejoindre au bout d’une courte marche le docteur Rahaibani. Depuis la porte de sa clinique souterraine – appelée « Point 200 », dans la géologie bizarre de cette ville partiellement enterrée – il y a un couloir qui descend. C’est là où il m’a montré son hôpital inférieur, et les quelques lits où une petite fille pleurait tandis que des infirmières s’occupaient d’une coupure au-dessus de son œil.
« J’étais avec ma famille dans le sous-sol de ma maison, à 300 mètres d’ici au cours de la nuit. Mais tous les docteurs ici savent ce qui s’est passé. Il y avait un bombardement intense [par les forces gouvernementales] et les avions survolaient toujours Douma la nuit – mais cette nuit-là, il y avait du vent et des nuages de poussière gigantesques se sont engouffrés dans les sous-sols et les caves où les gens vivent. Des personnes qui souffraient d’hypoxie, en manque d’oxygène, commencèrent à arriver ici. C’est alors que quelqu’un à la porte, un « Casque Blanc », cria « Gaz ! », et ce fut la panique. Les gens se mirent à s’asperger d’eau les uns les autres. Oui, la vidéo a été filmée ici, elle est authentique, mais ce que vous voyez, ce sont des gens qui souffrent d’hypoxie – et non d’empoisonnement au gaz. »
Le correspondant pour le Moyen Orient de l’INDEPENDENT Robert Fisk dans l’un des tronçons de tunnels déblayé sous Douma par des prisonniers des rebelles syriens (yara Ismail)
Bizarrement, après avoir bavardé avec plus de 20 personnes, je me suis retrouvé incapable d’en trouver une seule qui montre le moindre intérêt pour le rôle que Douma avait pu jouer dans le déclenchement des attaques occidentales. En fait, 2 m’ont même dit qu’elles ignoraient qu’il y avait un lien.
Mais c’est un monde étrange dans lequel je me suis aventuré. 2 hommes, Hussam et Nazir Abu Aishe, me confièrent qu’ils étaient incapables de me dire combien de personnes avaient été tuées à Douma, bien que le second eût admis qu’il avait un cousin qui avait été exécuté par Jaish el-Islam [l’armée de l’Islam], pour avoir été suspecté d’être « proche du régime ». Ils haussèrent les épaules lorsque je les interrogeai sur les 43 personnes censées avoir péri lors de l’infâme attaque de Douma.
Les Casques Blancs – les secouristes médicaux déjà célèbres en occident mais dont la propre histoire présente des recoins intéressants – ont joué un rôle désormais bien connu durant les combats. Ils sont en partie financés par le Foreign Office [Ministère des Affaires Etrangères britannique], et la plupart des bureaux locaux étaient administrés par des hommes de Douma. J’ai retrouvé leurs bureaux démolis pas très loin de la clinique du docteur Rahaibani. Un masque à gaz trainait sur un container de nourriture avec un œil percé, et une pièce était occupée par une pile d’uniformes camouflés très sales. Mise en scène ? Je me le suis demandé mais j’en doute. L’endroit était jonché de capsules, d’équipements médicaux hors d’usage, et de dossiers, de lits et de matelas.
Bien sûr que nous devons écouter leur version des faits, mais ce ne sera pas le cas ici : Une femme nous a dit que tous les membres des Casques Blancs à Douma avaient abandonné leur Quartier Général et choisi de prendre les bus affrétés par le Gouvernement et protégés par les Russes, pour rejoindre la province rebelle d’Idlib avec les groupes armés, lorsque la trêve fut négociée.
Les étalages étaient ouverts, il y avait une patrouille de la Police militaire russe – un ajout optionnel lors de tout cessez-le-feu en Syrie à présent – et personne ne s’était même donné la peine d’investir les sous-sols de la prison islamiste interdite près du Square des Martyrs où les victimes étaient supposées être décapitées. Le complément de Police civile est fourni par le Ministère de l’Intérieur – ils portent de façon étrange des vêtements militaires – et ils sont surveillés par les Russes qui eux-mêmes peuvent – ou pas- être sous surveillance des seconds. Là encore, mes questions sérieuses sur le gaz furent accueillies avec ce qui sembla être une authentique perplexité.
Comment se pourrait-il que des réfugiés en provenance de Douma arrivés jusque dans les camps de Turquie aient pu décrire une attaque au gaz dont personne aujourd’hui à Douma ne semble se souvenir ? Je me suis dit, alors que je marchais dans les tunnels entrecroisés de ces misérables prisonniers, que les citoyens de Douma vivaient si isolés les uns des autres depuis si longtemps que « l’information » au sens que nous lui prêtons, n’avait tout simplement aucune signification pour eux. « La Syrie n’en produit pas comme la démocratie à la Jefferson » – comme j’aime cyniquement à le dire à mes collègues arabes – et c’est effectivement une dictature impitoyable, mais pas au point d’intimider ces gens heureux de voir des étrangers parmi eux, et de les empêcher de réagir avec quelques paroles de vérité. Alors que m’ont-ils dit ?
Ils m’ont parlé des islamistes sous le pouvoir desquels ils ont été obligés de vivre. Ils m’ont parlé de la façon dont les groupes armés avaient volé des logements aux civils pour se prémunir du gouvernement syrien et des bombardements russes. Les [islamistes de] Jaish el-Islam avaient brûlé leurs bureaux avant de fuir, mais les constructions massives qu’ils avaient édifiées à l’intérieur des zones de sécurité avaient été presque toutes réduites en bouillie par les raids aériens. Un colonel syrien que j’ai rencontré derrière l’une de ces constructions m’a demandé si je voulais me rendre compte de la profondeur de ces tunnels. Je me suis arrêté au bout de 2 kilomètres, lorsqu’il me fit observer en langage codé que « ce tunnel pourrait aussi bien mener jusqu’à la Grande Bretagne. » Ah oui… Mme May, me dis-je, dont les frappes aériennes ont été si intimement liées à ce lieu de tunnels et de poussière… Et de gaz ?
Source : Robert Fisk, The Independent, 16/04/2018
Traduit par BR pour le site www.les-crises.fr.
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Reportage à Douma de journalistes américains
source: http://www.oann.com/oan-investigation-finds-no-evidence-o...
Les journalistes américains de OAN Investigation n’ont pas trouvé de preuves d’une attaque chimique à Douma
One America News Network , également connu sous le nom de One America News , est une chaîne de télévision par câble conservatrice américaine lancée le 4 juillet 2013 et détenue par Herring Networks, Inc. Le siège social du réseau est à San Diego, en Californie , et exploite un bureau de nouvelles à Washington, DC et à New York .
Initialement lancé dans le but de cibler un public conservateur et de centre-droit , OAN affirme avoir pour objectif de diffuser une couverture d'information nationale et internationale crédible tout au long de la journée. Cette chaine est connue pour sa couverture pro- Trump et certains reportages dissidents.
"Un journaliste américain de OAN, Pearson Sharp, a visité la ville déchirée par la guerre de Douma, à l'extérieur de la capitale Damas, à la recherche de preuves d'une attaque chimique. Cependant, les résidents nient les allégations d'une attaque, et disent qu'il a été organisé pour aider les rebelles à s'échapper."
Ayant visité Douma pour retrouver des signes d’usage d’armes chimiques, des journalistes américains n’ont pas réussi à recueillir de preuves confirmant que l’attaque chimique avait réellement eu lieu.
Pearson Sharp, un journaliste de la chaîne qui s'est rendu à Douma avec des représentants des autorités syriennes, a annoncé en direct qu'il s'était entretenu avec les habitants de la ville et que personne n'avait confirmé que l'attaque en question avait eu lieu.
«J'ai parlé avec une dizaine d'habitants de la région qui se trouve dans le quartier où l'attaque présumée aurait eu lieu. Personne parmi ces gens-là, avec lesquels j'ai parlé, ne m'a dit qu'il avait entendu parler ou qu'il avait vu quelque chose concernant l'attaque chimique. Ils ont dit que ce jour-là, tout était comme toujours dans ce quartier et qu'ils n'avaient rien remarqué d'extraordinaire», a-t-il expliqué.
Il poursuit en disant avoir interrogé encore 40-50 personnes dans la ville sans que personne n'ait rien entendu relativement à cette «attaque».
«Lorsque je leur ai demandé ce que c'était, à leur avis, comme attaque, ils m'ont appris que c'était une mise en scène, organisée par les radicaux qui occupaient la ville à ce moment-là. (…) Quand j'ai demandé pourquoi, ils m'ont répondu que les radicaux étaient désespérés et qu'ils avaient besoin d'une astuce pour fuir l'armée syrienne qui leur mettait la pression», a précisé M.
Dans le même temps, le journaliste a expliqué qu'il avait pu visiter le lieu où cette attaque présumée se serait déroulée mais qu'il n'avait pu retrouver aucune preuve. Par la suite, M. Sharp s'est rendu dans un hôpital qui se trouvait sous le contrôle de radicaux. Il est rentré dans la chambre filmée dans les vidéos où des «victimes» de l'attaque chimique présumée auraient été emmenées.
«J'ai parlé avec l'un des médecins. (…) Ce jour-là, lors de l'attaque, il était de service. J'ai demandé ce qu'il avait vu. Il m'a répondu que c'était une journée ordinaire mais qu'il y avait beaucoup de poussière. Beaucoup de gens sont venus se plaindre de toux et d'irritations des voies respiratoires. Mais aucun autre symptôme n'a été signalé. (…) Soudain, un groupe d'inconnus est arrivé en criant qu'une attaque chimique s'était produite. Ils ont apporté des personnes qui, comme ils l'affirmaient, étaient affectées et se sont mis à les asperger d'eau. (…) Les médecins ont commencé à s'en occuper tandis que des inconnus filmaient cette scène», a relaté le journaliste.
Se référant à des témoins, Pearson Sharp a expliqué que dès que ces inconnus ont terminé de filmer, «ils sont partis et tout s'est arrêté là».
«Le médecin a dit que lorsque les patients y étaient [à l'hôpital], il n'a vu aucun symptôme d'une attaque chimique. (…) Les personnes qui sont venues avaient l'air être en forme», a-t-il ajouté.
Le journaliste a également souligné qu'il avait interrogé les habitants au sujet de «l'opposition modérée» qui contrôlait la ville.
«Ils ont dit qu'il n'y avait pas d'opposition modérée mais il y avait des personnes qui les faisaient mourir de faim. (…) Les radicaux ne leur donnaient ni nourriture, ni médicaments. Ils gardaient tout pour eux et si quelqu'un se plaignait, ils le tuaient ainsi que sa famille», a-t-il annoncé.
Comme l'a indiqué Pearson Sharp, les habitants remercient le Président syrien d'avoir libéré la ville.
Dans le même temps, le journaliste a affirmé que lors de sa visite à Douma, c'est lui qui interrogeaient les personnes avec qui il s'entretenait.
«Ce n'est pas la propagande dont on nous accuse. Ce sont simplement les faits que nous avons découverts sur place et ce que nous avons vu de nos propres yeux», a-t-il conclu.
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14/04/2018
Stupidité et irresponsabilité (Jacques Sapir)
Stupidité ; c’est le mot qui semble le plus approprié pour décrire la frappe par missiles de croisière sur la Syrie à laquelle se sont livrés dans la nuit de vendredi à samedi trois pays, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et – hélas – la France. Cette frappe n’a eu, semble-t-il, que des effets très limités. Le gouvernement syrien et le gouvernement russe n’annoncent aucune victime. Ainsi, “selon des informations préliminaires, aucune victime [n’est à déplorer] au sein de la population civile ou de l’armée syrienne“, a déclaré un porte-parole de l’armée russe. De plus, selon une source officiel russe, un nombre important de missiles, 71 sur 103, auraient été abattus par la DCA syrienne[1]. Il est clair que cette frappe ne changera pas un iota dans la politique de Bachar-el-Assad.
Une action, dont on ne mesure pas les conséquences, peut-être qualifiée de stupide. Une action dont les conséquences vont à l’opposé des objectifs affichés est certainement stupide. Cette frappe se qualifie comme stupide sur ces deux terrains.
Stupidité tactique
Relevons tout d’abord que, dans ses objectifs, cette frappe semble avoir été très limitée. On ne parle que d’un centre « clandestin » d’armes chimiques (ou supposées telles) et de deux lieux de fabrication. Les installations directement militaires, et où se trouvent de nombreux soldats et officiers russes, semblent avoir été soigneusement évitées. Les derniers contacts entre Macron et Vladimir Poutine semblent avoir eu pour but de confirmer aux russes qu’ils ne seraient pas visés. Cela démontre un effet de dissuasion certain de la présence russe face aux Etats-Unis et à leurs alliés. Cet effet sera certainement noté par différents observateurs et par des pays qui sont susceptibles de devenir des cibles de la puissance des Etats-Unis.
Il faut ensuite revenir sur le chiffre – hypothétique – de 71 missiles abattus sur 103. La défense anti-aérienne russe n’est pas entrée en action, car les troupes russes n’étaient pas susceptibles d’être visées. Ce chiffre est extrêmement élevé, et ce même s’il devait être réduit à une quarantaine de missiles, par rapport aux capacités des systèmes de DCA dont l’armée syrienne est équipée. Ces systèmes sont des armes achetées du temps de l’existence de l’Union soviétique, ou qui en sont largement dérivées. Alors, on peut raisonnablement penser qu’elles ont été modernisées dans le cadre d’accords avec la Russie. Mais, cela reste insuffisant pour expliquer cette forte proportion d’interceptions et de destructions, chose dont l’armée Syrienne n’avait pas été capable jusque là. Il est possible que les troupes russes, qui disposent de systèmes de détection et de désignation de cibles sophistiqués en Syrie, aient transmises des informations à la DCA syrienne lui permettant d’intervenir avec une efficacité étonnante à priori. Cela expliquerait le nombre important d’engins détruits.
Ces engins, que Donald Trump décrivait dans un twitt comme « beaux et intelligents », et qui sont les lointains descendants des V-1 de l’Allemagne nazie[2], coûtent chers. Un missile britannique de type Storm Shadow est estimé à 800 000£. Si, pour faire exploser sur des cibles 32 missiles on doit en perdre 71, autrement dit si le taux de réussite n’est que de 31%, on s’interroge sur la capacité de pays comme les Etats-Unis et leurs alliés à mener une campagne de désarmement (comme celle menée contre l’Irak en 2003). Pour qu’une telle campagne soit efficace, il faut compter plusieurs centaines de missiles atteignant leurs cibles (de 400 à 1200 suivant la complexité du système de défense du pays). Cela reviendrait à tirer de 1300 à 4000 missiles, dans le cas d’une défense qui n’est clairement pas à la pointe du progrès, soit une dépense de 1,6 milliards de dollars à 4,8 milliards de dollars. On le comprend aisément, l’efficacité supposée de la DCA syrienne remet en question le modèle économique des frappes aériennes, modèle qui celui sur lequel les Etats-Unis vivent depuis la « guerre du Golfe » en 1991. Ils auraient fait par cette frappe, aidés par la Grande-Bretagne et par la France, la démonstration que leur modèle d’action militaire est ainsi périmé. Si ils croyaient rétablir à leur profit une forme de dissuasion, c’est évidemment raté ! Les trois pays ont en réalité affaibli leurs positions sur la question de la Syrie, et c’est une évidente stupidité.
Stupidité stratégique
Mais, les conséquences de cette frappe vont naturellement plus loin. Jean-Luc Mélenchon a ainsi twitté : “Les frappes contre la Syrie se font sans preuve, sans mandat de l’ONU et contre elle, sans accord européen et sans vote du Parlement français” (…)”C’est une aventure de revanche nord-américaine, une escalade irresponsable“[3]. Et c’est là l’aspect peut-être principal. Une frappe militaire est un acte de guerre. Cet acte doit être encadré par le droit international ou alors cela signifie que la loi du plus fort et la seule valide. Aujourd’hui, les preuves de la réalité d’une attaque chimique et de la responsabilité du régime de Bachar-el-Assad dans cette attaque n’ont pas été fournies. Compte tenu du lourd passif de mensonges et de manipulations des dirigeants des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, nul ne peut être cru sur parole.
En décidant de commettre cette frappe de manière unilatérale et sans mandat, les dirigeants des trois pays concernés, Etats-Unis, Grande-Bretagne et France ont fait la démonstration du peu de cas qu’ils font du droit international et des Nations-Unies. Cela ne peut que renforcer toute une série de pays dans leur résolution à se doter de l’arme nucléaire afin de se préserver d’actions de cette nature. En d’autres termes, Donald Trump, Theresa May et Emmanuel Macron viennent de confirmer que la prolifération nucléaire est, pour certains pays, un choix logique et inévitable. Or, il convient de préciser que outre les puissances nucléaires légales, sont déjà actuellement en possession de l’arme nucléaire Israël (avec de 200 à 250 têtes), l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord. Cette frappe va donc conforter non seulement les dirigeants de ces pays dans leurs choix mais aussi persuader d’autres, et l’on pense à l’Iran, à l’Arabie Saoudite, mais aussi à l’Algérie, à la Turquie, et à un certain nombre de pays d’Asie qu’ils doivent imiter les pays « proliférateurs ». Ne pas se rendre compte de cela est bien faire preuve d’une incroyable stupidité stratégique.
La frappe décidée par Donald Trump, Theresa May et Emmanuel Macron ne rendra pas le monde plus sûr ni plus juste. C’est en réalité tout le contraire. Elle accroit les risques d’instabilités internationales et plonge un peu plus le monde dans le chaos. Ce n’est plus simplement de la stupidité stratégique, mais de l’irresponsabilité crasse.
Cette frappe a été décidée pour des raisons sans doute différentes et divergentes par les trois dirigeants qui en portent la responsabilité. Les Etats-Unis pourraient bien considérer qu’il s’agit d’une « salve d’adieu » et se décider à abandonner le terrain Syrien. La Grande-Bretagne alors suivra. La France, elle, se retrouvera dans une situation plus que délicate, s’étant compromise avec les Etats-Unis, ayant perdu ce qui faisait sa crédibilité et son honneur sur la place internationale, en particulier la défense des principes du droit international et de la souveraineté des Etats. Très clairement, la France est le pays qui a, et de loin, le plus à perdre dans cet affaire. Qu’Emmanuel Macron ne l’ait pas compris est bien la preuve qu’il n’entend rien à la politique étrangère et qu’il se révèle inapte à sa fonction, tout comme l’avait été son prédécesseur, François Hollande.
Jacques Sapir
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