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17/04/2018

Robert Fisk à Douma

Robert Fisk est un journaliste britannique né le 12 juillet 1946.Grand reporter et correspondant au Proche-Orient du journal The Independent.

Il a publié un nombre important de livres sur la révolution iranienne, des guerres du Liban, du Golfe, d'Afghanistan, de l'invasion de l'Irak en 2003, du Kosovo et d’Algérie. Fisk a reçu plus de récompenses pour son travail de journaliste que n’importe quel autre grand reporter britannique.Il n’hésite pas à se rendre dans des zones en guerre pour obtenir des informations de première main, et a suffisamment de crédibilité pour écrire des choses qui fâchent.

Le site Les Crises a traduit le reportage exclusif de Robert Fisk, qui a enquêté à Douma.

Source : Robert Fisk, The Independent, 16/04/2018

Exclusif : Robert Fisk rend visite à la Clinique syrienne au cœur d’une crise globale.

C’est l’histoire d’une ville appelée Douma, un endroit putride, ravagé, plein d’immeubles résidentiels défoncés, et où se trouve une clinique souterraine dont les images de souffrance ont permis à 3 des plus grandes puissances du monde occidental de bombarder la Syrie la semaine dernière. Il y a même un docteur sympa en blouse verte qui, alors que je le localise justement dans cette même clinique, me dit avec entrain que la vidéo du « gaz » qui a horrifié la planète – malgré tous les sceptiques – est absolument authentique.

Les récits de guerre, cependant, ont pour habitude de tourner au cauchemar. Et ce même médecin-chef syrien de 58 ans ajoute ensuite une chose profondément dérangeante : les patients, dit-il, ont été exposés non pas à du gaz, mais à un manque d’oxygène (hypoxie) dans les tunnels jonchés de déchets, et dans les sous-sols où ils vivaient, au cours d’une nuit de grand vent et de bombardements intensifs qui ont déclenché une tempête de poussière.

Tandis que le docteur Assim Rahaibani énonce cette conclusion extraordinaire, il est important d’observer qu’il n’est pas, de son propre aveu, un témoin lui-même, et que bon angliciste, il se réfère 2 fois aux djihadistes armés de Jaish el-islam [l’armée de l’Islam] à Douma comme à des terroristes, l’expression du régime qui désigne ses ennemis, et un terme utilisé par beaucoup de gens partout en Syrie. Ai-je bien entendu ? Quelle version des événements sommes-nous supposés croire ?

Par malchance aussi, les médecins de garde lors de cette nuit du 7 avril sont tous les 2 à Damas, afin d’apporter leurs indices de preuve à une enquête sur les armes chimiques, qui devra tenter de fournir une réponse définitive à cette question dans les semaines à venir.

Entretemps, la France a dit qu’elle avait « la preuve » que des armes chimiques avaient été utilisées, et les médias US ont cité des sources qui attestaient aussi ce fait. L’Organisation des Casques Blancs a aussi déclaré que ses partenaires sur le terrain traitaient 500 patients « présentant des signes et des symptômes correspondants à une exposition à des substances chimiques toxiques. »

Au même moment, les inspecteurs de l’OPCW, [Organisation pour l’Interdiction des Armes chimiques OIAC], sont dans l’impossibilité de parvenir ici sur le site de l’attaque au gaz alléguée, apparemment parce qu’ils n’avaient pas les bonnes autorisations de l’ONU.

Avant d’aller plus loin, les lecteurs doivent savoir que ce n’est pas le seul récit qui a cours à Douma. Il y a beaucoup de gens avec qui j’ai discuté au milieu des ruines qui déclarent qu’ils n’ont jamais cru à ces histoires de gaz – qui ont été fabriquées, disent-ils, par les groupes islamistes armés. Ces djihadistes d’un genre particulier ont survécu sous un déluge d’obus, en vivant dans les logements d’autres gens, et dans de vastes et larges tunnels équipés de routes souterraines creusées dans la roche par des prisonniers à l’aide de pioches sur 3 niveaux sous la ville. Je me suis promené dans 3 d’entre eux hier, des couloirs immenses faits de roche naturelle qui contenaient encore des roquettes russes – oui, russes – et des voitures carbonisées.

Ainsi, l’histoire de Douma n’est donc pas qu’une histoire de gaz ou pas, comme l’affaire en a l’air. Il s’agit de celle de milliers de gens qui ont choisi de ne pas évacuer la zone dans des bus la semaine dernière, aux côtés des combattants avec lesquels ils étaient forcés de vivre comme des troglodytes pendant des mois afin de survivre. Je me suis promené dans cette ville assez librement hier, sans soldats, sans policiers ou garde du corps qui scrute mes pas, juste 2 amis syriens, un appareil photo et un carnet. Parfois je devais escalader des remparts de plus de 6 mètres, ou gravir comme des murs de terre. Heureux de trouver un étranger parmi eux, plus heureux encore que le siège de la ville soit enfin terminé, la plupart ont le sourire ; enfin ceux dont vous pouvez voir les visages bien sûr, parce qu’à Douma, un nombre surprenant de femmes portent le hijab noir qui couvre tout leur corps.

Je me suis d’abord rendu à Douma en tant que membre d’un convoi de journalistes sous escorte. Mais une fois qu’un général ennuyeux nous eût annoncé sur le parvis d’une mairie démolie « Je n’ai pas d’informations. » – ce foutu langage officiel arabe d’une utilité remarquable – je me suis éclipsé. Plusieurs autres reporters, la plupart syriens, en firent autant. Même un groupe de journalistes russes – tous en treillis militaire – s’écarta du groupe.

Je pus rejoindre au bout d’une courte marche le docteur Rahaibani. Depuis la porte de sa clinique souterraine – appelée « Point 200 », dans la géologie bizarre de cette ville partiellement enterrée – il y a un couloir qui descend. C’est là où il m’a montré son hôpital inférieur, et les quelques lits où une petite fille pleurait tandis que des infirmières s’occupaient d’une coupure au-dessus de son œil.

« J’étais avec ma famille dans le sous-sol de ma maison, à 300 mètres d’ici au cours de la nuit. Mais tous les docteurs ici savent ce qui s’est passé. Il y avait un bombardement intense [par les forces gouvernementales] et les avions survolaient toujours Douma la nuit – mais cette nuit-là, il y avait du vent et des nuages de poussière gigantesques se sont engouffrés dans les sous-sols et les caves où les gens vivent. Des personnes qui souffraient d’hypoxie, en manque d’oxygène, commencèrent à arriver ici. C’est alors que quelqu’un à la porte, un « Casque Blanc », cria « Gaz ! », et ce fut la panique. Les gens se mirent à s’asperger d’eau les uns les autres. Oui, la vidéo a été filmée ici, elle est authentique, mais ce que vous voyez, ce sont des gens qui souffrent d’hypoxie – et non d’empoisonnement au gaz. »

Le correspondant pour le Moyen Orient de l’INDEPENDENT Robert Fisk dans l’un des tronçons de tunnels déblayé sous Douma par des prisonniers des rebelles syriens (yara Ismail)

Bizarrement, après avoir bavardé avec plus de 20 personnes, je me suis retrouvé incapable d’en trouver une seule qui montre le moindre intérêt pour le rôle que Douma avait pu jouer dans le déclenchement des attaques occidentales. En fait, 2 m’ont même dit qu’elles ignoraient qu’il y avait un lien.

Mais c’est un monde étrange dans lequel je me suis aventuré. 2 hommes, Hussam et Nazir Abu Aishe, me confièrent qu’ils étaient incapables de me dire combien de personnes avaient été tuées à Douma, bien que le second eût admis qu’il avait un cousin qui avait été exécuté par Jaish el-Islam [l’armée de l’Islam], pour avoir été suspecté d’être « proche du régime ». Ils haussèrent les épaules lorsque je les interrogeai sur les 43 personnes censées avoir péri lors de l’infâme attaque de Douma.

Les Casques Blancs – les secouristes médicaux déjà célèbres en occident mais dont la propre histoire présente des recoins intéressants – ont joué un rôle désormais bien connu durant les combats. Ils sont en partie financés par le Foreign Office [Ministère des Affaires Etrangères britannique], et la plupart des bureaux locaux étaient administrés par des hommes de Douma. J’ai retrouvé leurs bureaux démolis pas très loin de la clinique du docteur Rahaibani. Un masque à gaz trainait sur un container de nourriture avec un œil percé, et une pièce était occupée par une pile d’uniformes camouflés très sales. Mise en scène ? Je me le suis demandé mais j’en doute. L’endroit était jonché de capsules, d’équipements médicaux hors d’usage, et de dossiers, de lits et de matelas.

Bien sûr que nous devons écouter leur version des faits, mais ce ne sera pas le cas ici : Une femme nous a dit que tous les membres des Casques Blancs à Douma avaient abandonné leur Quartier Général et choisi de prendre les bus affrétés par le Gouvernement et protégés par les Russes, pour rejoindre la province rebelle d’Idlib avec les groupes armés, lorsque la trêve fut négociée.

Les étalages étaient ouverts, il y avait une patrouille de la Police militaire russe – un ajout optionnel lors de tout cessez-le-feu en Syrie à présent – et personne ne s’était même donné la peine d’investir les sous-sols de la prison islamiste interdite près du Square des Martyrs où les victimes étaient supposées être décapitées. Le complément de Police civile est fourni par le Ministère de l’Intérieur – ils portent de façon étrange des vêtements militaires – et ils sont surveillés par les Russes qui eux-mêmes peuvent – ou pas- être sous surveillance des seconds. Là encore, mes questions sérieuses sur le gaz furent accueillies avec ce qui sembla être une authentique perplexité.

Comment se pourrait-il que des réfugiés en provenance de Douma arrivés jusque dans les camps de Turquie aient pu décrire une attaque au gaz dont personne aujourd’hui à Douma ne semble se souvenir ? Je me suis dit, alors que je marchais dans les tunnels entrecroisés de ces misérables prisonniers, que les citoyens de Douma vivaient si isolés les uns des autres depuis si longtemps que « l’information » au sens que nous lui prêtons, n’avait tout simplement aucune signification pour eux. « La Syrie n’en produit pas comme la démocratie à la Jefferson » – comme j’aime cyniquement à le dire à mes collègues arabes – et c’est effectivement une dictature impitoyable, mais pas au point d’intimider ces gens heureux de voir des étrangers parmi eux, et de les empêcher de réagir avec quelques paroles de vérité. Alors que m’ont-ils dit ?

Ils m’ont parlé des islamistes sous le pouvoir desquels ils ont été obligés de vivre. Ils m’ont parlé de la façon dont les groupes armés avaient volé des logements aux civils pour se prémunir du gouvernement syrien et des bombardements russes. Les [islamistes de] Jaish el-Islam avaient brûlé leurs bureaux avant de fuir, mais les constructions massives qu’ils avaient édifiées à l’intérieur des zones de sécurité avaient été presque toutes réduites en bouillie par les raids aériens. Un colonel syrien que j’ai rencontré derrière l’une de ces constructions m’a demandé si je voulais me rendre compte de la profondeur de ces tunnels. Je me suis arrêté au bout de 2 kilomètres, lorsqu’il me fit observer en langage codé que « ce tunnel pourrait aussi bien mener jusqu’à la Grande Bretagne. » Ah oui… Mme May, me dis-je, dont les frappes aériennes ont été si intimement liées à ce lieu de tunnels et de poussière… Et de gaz ?

Source : Robert Fisk, The Independent, 16/04/2018

Traduit par BR pour le site www.les-crises.fr.

Reportage à Douma de journalistes américains

 

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 source: http://www.oann.com/oan-investigation-finds-no-evidence-o...

Les journalistes américains de OAN Investigation n’ont pas trouvé de preuves d’une attaque chimique à Douma

One America News Network , également connu sous le nom de One America News , est une chaîne de télévision par câble conservatrice américaine lancée le 4 juillet 2013 et détenue par Herring Networks, Inc. Le siège social du réseau est à San Diego, en Californie , et exploite un bureau de nouvelles à Washington, DC  et à New York .

Initialement lancé dans le but de cibler un public conservateur et de centre-droit ,  OAN affirme avoir pour objectif de diffuser une couverture d'information nationale et internationale crédible tout au long de la journée.  Cette chaine est connue pour sa couverture pro- Trump et certains reportages dissidents.

"Un journaliste américain de OAN, Pearson Sharp, a visité la ville déchirée par la guerre de Douma, à l'extérieur de la capitale Damas, à la recherche de preuves d'une attaque chimique. Cependant, les résidents nient les allégations d'une attaque, et disent qu'il a été organisé pour aider les rebelles à s'échapper."

Ayant visité Douma pour retrouver des signes d’usage d’armes chimiques, des journalistes américains n’ont pas réussi à recueillir de preuves confirmant que l’attaque chimique avait réellement eu lieu.

Pearson Sharp, un journaliste de la chaîne qui s'est rendu à Douma avec des représentants des autorités syriennes, a annoncé en direct qu'il s'était entretenu avec les habitants de la ville et que personne n'avait confirmé que l'attaque en question avait eu lieu.

«J'ai parlé avec une dizaine d'habitants de la région qui se trouve dans le quartier où l'attaque présumée aurait eu lieu. Personne parmi ces gens-là, avec lesquels j'ai parlé, ne m'a dit qu'il avait entendu parler ou qu'il avait vu quelque chose concernant l'attaque chimique. Ils ont dit que ce jour-là, tout était comme toujours dans ce quartier et qu'ils n'avaient rien remarqué d'extraordinaire», a-t-il expliqué.

Il poursuit en disant avoir interrogé encore 40-50 personnes dans la ville sans que personne n'ait rien entendu relativement à cette «attaque».

«Lorsque je leur ai demandé ce que c'était, à leur avis, comme attaque, ils m'ont appris que c'était une mise en scène, organisée par les radicaux qui occupaient la ville à ce moment-là. (…) Quand j'ai demandé pourquoi, ils m'ont répondu que les radicaux étaient désespérés et qu'ils avaient besoin d'une astuce pour fuir l'armée syrienne qui leur mettait la pression», a précisé M.

 

Dans le même temps, le journaliste a expliqué qu'il avait pu visiter le lieu où cette attaque présumée se serait déroulée mais qu'il n'avait pu retrouver aucune preuve. Par la suite, M. Sharp s'est rendu dans un hôpital qui se trouvait sous le contrôle de radicaux. Il est rentré dans la chambre filmée dans les vidéos où des «victimes» de l'attaque chimique présumée auraient été emmenées.

«J'ai parlé avec l'un des médecins. (…) Ce jour-là, lors de l'attaque, il était de service. J'ai demandé ce qu'il avait vu. Il m'a répondu que c'était une journée ordinaire mais qu'il y avait beaucoup de poussière. Beaucoup de gens sont venus se plaindre de toux et d'irritations des voies respiratoires. Mais aucun autre symptôme n'a été signalé. (…) Soudain, un groupe d'inconnus est arrivé en criant qu'une attaque chimique s'était produite. Ils ont apporté des personnes qui, comme ils l'affirmaient, étaient affectées et se sont mis à les asperger d'eau. (…) Les médecins ont commencé à s'en occuper tandis que des inconnus filmaient cette scène», a relaté le journaliste.

Se référant à des témoins, Pearson Sharp a expliqué que dès que ces inconnus ont terminé de filmer, «ils sont partis et tout s'est arrêté là».

«Le médecin a dit que lorsque les patients y étaient [à l'hôpital], il n'a vu aucun symptôme d'une attaque chimique. (…) Les personnes qui sont venues avaient l'air être en forme», a-t-il ajouté.

 

Le journaliste a également souligné qu'il avait interrogé les habitants au sujet de «l'opposition modérée» qui contrôlait la ville.

«Ils ont dit qu'il n'y avait pas d'opposition modérée mais il y avait des personnes qui les faisaient mourir de faim. (…) Les radicaux ne leur donnaient ni nourriture, ni médicaments. Ils gardaient tout pour eux et si quelqu'un se plaignait, ils le tuaient ainsi que sa famille», a-t-il annoncé.

Comme l'a indiqué Pearson Sharp, les habitants remercient le Président syrien d'avoir libéré la ville.
Dans le même temps, le journaliste a affirmé que lors de sa visite à Douma, c'est lui qui interrogeaient les personnes avec qui il s'entretenait.

«Ce n'est pas la propagande dont on nous accuse. Ce sont simplement les faits que nous avons découverts sur place et ce que nous avons vu de nos propres yeux», a-t-il conclu.

14/04/2018

Stupidité et irresponsabilité (Jacques Sapir)

source

 

Stupidité ; c’est le mot qui semble le plus approprié pour décrire la frappe par missiles de croisière sur la Syrie à laquelle se sont livrés dans la nuit de vendredi à samedi trois pays, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et – hélas – la France. Cette frappe n’a eu, semble-t-il, que des effets très limités. Le gouvernement syrien et le gouvernement russe n’annoncent aucune victime. Ainsi, “selon des informations préliminaires, aucune victime [n’est à déplorer] au sein de la population civile ou de l’armée syrienne“, a déclaré un porte-parole de l’armée russe. De plus, selon une source officiel russe, un nombre important de missiles, 71 sur 103, auraient été abattus par la DCA syrienne[1]. Il est clair que cette frappe ne changera pas un iota dans la politique de Bachar-el-Assad.

Une action, dont on ne mesure pas les conséquences, peut-être qualifiée de stupide. Une action dont les conséquences vont à l’opposé des objectifs affichés est certainement stupide. Cette frappe se qualifie comme stupide sur ces deux terrains.

Stupidité tactique

Relevons tout d’abord que, dans ses objectifs, cette frappe semble avoir été très limitée. On ne parle que d’un centre « clandestin » d’armes chimiques (ou supposées telles) et de deux lieux de fabrication. Les installations directement militaires, et où se trouvent de nombreux soldats et officiers russes, semblent avoir été soigneusement évitées. Les derniers contacts entre Macron et Vladimir Poutine semblent avoir eu pour but de confirmer aux russes qu’ils ne seraient pas visés. Cela démontre un effet de dissuasion certain de la présence russe face aux Etats-Unis et à leurs alliés. Cet effet sera certainement noté par différents observateurs et par des pays qui sont susceptibles de devenir des cibles de la puissance des Etats-Unis.

Il faut ensuite revenir sur le chiffre – hypothétique – de 71 missiles abattus sur 103. La défense anti-aérienne russe n’est pas entrée en action, car les troupes russes n’étaient pas susceptibles d’être visées. Ce chiffre est extrêmement élevé, et ce même s’il devait être réduit à une quarantaine de missiles, par rapport aux capacités des systèmes de DCA dont l’armée syrienne est équipée. Ces systèmes sont des armes achetées du temps de l’existence de l’Union soviétique, ou qui en sont largement dérivées. Alors, on peut raisonnablement penser qu’elles ont été modernisées dans le cadre d’accords avec la Russie. Mais, cela reste insuffisant pour expliquer cette forte proportion d’interceptions et de destructions, chose dont l’armée Syrienne n’avait pas été capable jusque là. Il est possible que les troupes russes, qui disposent de systèmes de détection et de désignation de cibles sophistiqués en Syrie, aient transmises des informations à la DCA syrienne lui permettant d’intervenir avec une efficacité étonnante à priori. Cela expliquerait le nombre important d’engins détruits.

Ces engins, que Donald Trump décrivait dans un twitt comme « beaux et intelligents », et qui sont les lointains descendants des V-1 de l’Allemagne nazie[2], coûtent chers. Un missile britannique de type Storm Shadow est estimé à 800 000£. Si, pour faire exploser sur des cibles 32 missiles on doit en perdre 71, autrement dit si le taux de réussite n’est que de 31%, on s’interroge sur la capacité de pays comme les Etats-Unis et leurs alliés à mener une campagne de désarmement (comme celle menée contre l’Irak en 2003). Pour qu’une telle campagne soit efficace, il faut compter plusieurs centaines de missiles atteignant leurs cibles (de 400 à 1200 suivant la complexité du système de défense du pays). Cela reviendrait à tirer de 1300 à 4000 missiles, dans le cas d’une défense qui n’est clairement pas à la pointe du progrès, soit une dépense de 1,6 milliards de dollars à 4,8 milliards de dollars. On le comprend aisément, l’efficacité supposée de la DCA syrienne remet en question le modèle économique des frappes aériennes, modèle qui celui sur lequel les Etats-Unis vivent depuis la « guerre du Golfe » en 1991. Ils auraient fait par cette frappe, aidés par la Grande-Bretagne et par la France, la démonstration que leur modèle d’action militaire est ainsi périmé. Si ils croyaient rétablir à leur profit une forme de dissuasion, c’est évidemment raté ! Les trois pays ont en réalité affaibli leurs positions sur la question de la Syrie, et c’est une évidente stupidité.

Stupidité stratégique

Mais, les conséquences de cette frappe vont naturellement plus loin. Jean-Luc Mélenchon a ainsi twitté : “Les frappes contre la Syrie se font sans preuve, sans mandat de l’ONU et contre elle, sans accord européen et sans vote du Parlement français” (…)”C’est une aventure de revanche nord-américaine, une escalade irresponsable[3]. Et c’est là l’aspect peut-être principal. Une frappe militaire est un acte de guerre. Cet acte doit être encadré par le droit international ou alors cela signifie que la loi du plus fort et la seule valide. Aujourd’hui, les preuves de la réalité d’une attaque chimique et de la responsabilité du régime de Bachar-el-Assad dans cette attaque n’ont pas été fournies. Compte tenu du lourd passif de mensonges et de manipulations des dirigeants des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, nul ne peut être cru sur parole.

En décidant de commettre cette frappe de manière unilatérale et sans mandat, les dirigeants des trois pays concernés, Etats-Unis, Grande-Bretagne et France ont fait la démonstration du peu de cas qu’ils font du droit international et des Nations-Unies. Cela ne peut que renforcer toute une série de pays dans leur résolution à se doter de l’arme nucléaire afin de se préserver d’actions de cette nature. En d’autres termes, Donald Trump, Theresa May et Emmanuel Macron viennent de confirmer que la prolifération nucléaire est, pour certains pays, un choix logique et inévitable. Or, il convient de préciser que outre les puissances nucléaires légales, sont déjà actuellement en possession de l’arme nucléaire Israël (avec de 200 à 250 têtes), l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord. Cette frappe va donc conforter non seulement les dirigeants de ces pays dans leurs choix mais aussi persuader d’autres, et l’on pense à l’Iran, à l’Arabie Saoudite, mais aussi à l’Algérie, à la Turquie, et à un certain nombre de pays d’Asie qu’ils doivent imiter les pays « proliférateurs ». Ne pas se rendre compte de cela est bien faire preuve d’une incroyable stupidité stratégique.

La frappe décidée par Donald Trump, Theresa May et Emmanuel Macron ne rendra pas le monde plus sûr ni plus juste. C’est en réalité tout le contraire. Elle accroit les risques d’instabilités internationales et plonge un peu plus le monde dans le chaos. Ce n’est plus simplement de la stupidité stratégique, mais de l’irresponsabilité crasse.

Cette frappe a été décidée pour des raisons sans doute différentes et divergentes par les trois dirigeants qui en portent la responsabilité. Les Etats-Unis pourraient bien considérer qu’il s’agit d’une « salve d’adieu » et se décider à abandonner le terrain Syrien. La Grande-Bretagne alors suivra. La France, elle, se retrouvera dans une situation plus que délicate, s’étant compromise avec les Etats-Unis, ayant perdu ce qui faisait sa crédibilité et son honneur sur la place internationale, en particulier la défense des principes du droit international et de la souveraineté des Etats. Très clairement, la France est le pays qui a, et de loin, le plus à perdre dans cet affaire. Qu’Emmanuel Macron ne l’ait pas compris est bien la preuve qu’il n’entend rien à la politique étrangère et qu’il se révèle inapte à sa fonction, tout comme l’avait été son prédécesseur, François Hollande.

Jacques Sapir

Salve de missiles dans le ciel de Damas

Bruno Guigue

samedi 14 Avril 2018


 "C’est fait. Le gang Washington-Paris-Londres vient de bombarder la Syrie. Abdiquant toute pudeur, l’habituel trio expert en coups tordus a expédié ses engins de mort sur un Etat-membre des Nations Unies. A grand renfort de missiles, un Occident déclinant a joué les durs à distance, se gardant bien d’affronter sur le terrain un adversaire qui lui mettrait une bonne fessée. En attaquant l’appareil militaire syrien, cette coalition étriquée conduite par des pantins vaniteux a cru que sa quincaillerie de luxe lui permettrait de s’imposer. Mais c’est oublier que la donne stratégique change à toute vitesse. En matière militaire, il y a loin de la coupe aux lèvres, surtout lorsque l’objectif à atteindre est fantasmatique. Expérimentée sous la présidence de Bill Clinton, la technique des frappes chirurgicales vient de connaître un nouvel avatar, dont il n’est pas sûr qu’il soit le plus réussi.  
N’en déplaise à des dirigeants auto-satisfaits, cette opération-éclair a brillé par sa nullité, et sa fourberie politique n’a eu d’égale que son inanité militaire. En réalité, le bilan est proche de zéro. Aucun résultat opérationnel, aucun impact psychologique, aucun intérêt politique. Ce fut tout juste une pluie de pétards mouillés sur Damas, un exercice d’entraînement grandeur nature pour la défense anti-aérienne syrienne, un tir au pigeon où le missile occidental, ce joujou prétentieux, a fini par jouer le rôle du pigeon. Les « beaux missiles » de Trump ont fini en morceaux, pitoyables tas de ferraille destinés au futur musée de l’impérialisme à Damas. Ce résultat est d’autant plus significatif que la DCA syrienne a combattu seule l’agresseur étranger, sans l’aide de ses alliés, même si l’appui technique russe a sans doute joué un rôle décisif.
Même désastre sur le plan de la guerre psychologique. On ne s’imaginait quand même pas, à Washington, Londres et Paris, que le peuple syrien serait tétanisé par cette lâche agression. Elle a plutôt produit l’effet inverse, car la couardise de l’adversaire, en général, consolide le moral des troupes. Les premières images en provenance de Damas furent celles d’une population souriante, brandissant fièrement le drapeau national et le portrait du président Bachar Al-Assad. Les trois pieds nickelés de la géopolitique n’impressionnent pas les Syriens. En détruisant les trois quarts des missiles ennemis, la défense anti-aérienne syrienne a résumé à sa façon la réponse de ce peuple courageux à l’agresseur néo-colonial. La DCA de l’armée arabe syrienne est comme la métaphore d’un peuple qui résiste victorieusement, depuis 2011, à une tentative de destruction multiforme.   
Bien entendu, les fauteurs de guerre occidentaux ont fait tourner les rotatives d’une propagande mensongère pour tenter de justifier leur entreprise erratique. Mais la supercherie a fait long feu. Il s’agissait, dit-on, de punir le régime syrien pour l’emploi de l’arme chimique contre les civils de la Ghouta. Mais où sont les preuves détenues par les trois agresseurs ? On nous répond qu’elles sont accablantes, mais qu’il est impossible de les communiquer, car elles sont « classifiées ». Un enfant de quatre ans comprendrait le stratagème. S’il y a des « preuves », au demeurant, on pourrait les trouver sur place, et c’est pourquoi l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques a accepté l’invitation du gouvernement syrien. Mais le jour même de l’arrivée de ces experts, le trio occidental a bombardé Damas. Inutile de faire un dessin : quand on accuse sans preuves un coupable désigné d’avance, on n’a pas besoin d’enquête.  
En réalité, la politique belliciste d’un Occident en mal d’hégémonie pourrit tout ce qu’elle touche. Elle brandit les droits de l’homme, mais c’est pour soutenir les terroristes. Elle chante les louanges du droit international, mais c’est pour mieux l’anéantir. Elle parle de démocratie, mais elle la viole à domicile tout en déniant aux autres nations le droit à l’autodétermination. Quand Macron annonce qu’il va « punir » le président syrien lors d’une conférence conjointe avec le prince héritier d’Arabie saoudite, il se moque du peuple français. La triplette belliciste USA/France/Grande-Bretagne est comme la grenouille qui veut être plus grosse que le bœuf. Elle s’imagine qu’elle est le centre du monde alors qu’elle en est l’appendice. Elle est seulement le club de l’oligarchie occidentale, mais elle se prend pour la « communauté internationale ». Et lorsque le monde assiste médusé à une fanfaronnade où le criminel le dispute au grotesque, elle s’imagine qu’elle a remporté une victoire. Cette salve de missiles sur la Syrie ne changera rien au cours des événements. La Ghouta est libérée, et les autres provinces le seront bientôt. La guerre à distance menée par les ennemis de la Syrie est perdue d’avance. "

(source Facebook de Bruno Guigue)

13/04/2018

10/Pierre Le corf

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Citoyen français vivant à Alep au milieu des civils et fondateur de l'ONG humanitaire WeAreSuperHeroes, il a publié un bon nombre de vidéos pendant les combats à Alep et a enquêté sur place sur les fameux "Casques blancs".

Evidemment controversé dans la mesure où ses témoignages contredisaient radicalement, les versions mainstream.

son facebook

son site

www.wearesuperheroes.fr

une vidéo publiée il y a un mois où il annonçait (à partir de 15mn) l'éventualité d'une fausse attaque chimique...

 

https://www.facebook.com/pierrelecorf/videos/101564877960...



 

8/Michel Collon sur la propagande

Une interview de Michel Collon, sur Thinkerview en avril 2016.

Propagande de Guerre, festival de médias mensonges et complot ?

Toujours d'actualité sur les mensonges de guerre.

12/04/2018

7/Richard Labévière

Richard Labévière, né à Thonon-les-Bains le 4 mai 1958, est un journaliste et écrivain français.

Il a été rédacteur en chef à la Télévision suisse romande (TSR) et à Radio France internationale (RFI). Rédacteur en chef de Défense, la revue de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) de 2003 à 2011, il exerce depuis 2010 comme consultant international et rédacteur en chef de l'Observatoire de la Défense et de la Sécurité, un réseau d’experts des questions de défense et de sécurité. Depuis 2014, il est rédacteur en chef du site Proche&Moyen-Orient - Observatoire Géostratégique.

Diplômé en sciences politiques, histoire et philosophie des universités de Paris I (Panthéon-Sorbonne), Genève et Grenoble, il est l'auteur d’une quinzaine de livres sur le terrorisme islamiste, ses modes de financements et ses évolutions géopolitiques. Il est spécialisé dans les questions de défense et de sécurité. Il est officier de réserve.

Il fut rédacteur en chef à RFI, chef du service étranger, puis éditorialiste. Créateur et présentateur du magazine Géopolitique-L’envers des cartes en 2003. En 2008, il a été licencié de RFI par Christine Ockrent pour divergence d’options éditoriales. Actuellement consultant international, il intervient régulièrement au Liban, en Syrie, en Irak, en Égypte, dans les pays du Maghreb .

 

Il s'interroge ici sur les sources d'information en Syrie, quant à une supposée attaque chimique le 7 avril à Douma : «Les Casques blancs ne sont en tout cas pas une preuve fiable et indiscutable.»  

6/False flag, ne gobez pas tout.

"La première victime de la guerre c'est la vérité."

 

Avant même l'affaire de la fiole de Colin Powell à l'ONU, qui aurait du décrédibiliser les déclarations officielles (d'autant plus péremptoires que mensongères) pour longtemps, il y eut pas mal de précédents dans l'histoire, mais cela n'a pas servi de leçon à l'opinion et aux médias qui oublient vite et ne se posent guère de question...

Les images atroces déclenchent des émotions qui enlèvent tout sens critique. Quand il s'agit d'enfant en particuliers. Manipulation odieuse mais récurrente. C'est ainsi que l'on déclenche des opérations désormais pour être suivi par l'opinion.

On sait aussi que des scènes données pour vraies lors de l'intervention en Lybie avaient été tournées en studio.La guerre des images  prépare le terrain et tout est permis.

-Le Quatar et sa chaine Al Jazzera ont construit dans leur studio une réplique de la Place verte et de Bab el-Azizia où furent tournées de fausses images de l’entrée des « rebelles » pro-Us dans Tripoli. Le président du Conseil national de transition (CNT), Mustafa Abdul Jalil revendiqua cette mascarade comme une ruse de guerre et se réjouit d’avoir ainsi accéléré la chute de la Jamahiriyas.-

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L’affaire des couveuses au Koweït désigne le scandale du faux témoignage fait le 14 Octobre 1990 lors de l'invasion du Koweït par les forces armées irakiennes de  Saddam Hussein, qui alléguait d'atrocités commises contre des nouveau-nés koweïtiens. Le témoignage se révèlera être mensonger et avoir servi à favoriser l'entrée en guerre des Occidentaux.

Le 14 octobre 1990, une jeune femme koweïtienne, appelée par les médias « l'infirmière Nayirah », témoigne, les larmes aux yeux, devant une commission du Congrès des États-Unis. L'événement est retransmis rapidement par les télévisions du monde entier :

 

 

« Monsieur le président, messieurs les membres de ce comité, je m'appelle Nayirah et je reviens du Koweït. Ma mère et moi étions au Koweït le 2 août pour passer de paisibles vacances. Ma sœur aînée avait accouché le 29 juillet et nous voulions passer quelque temps au Koweït auprès d'elle. […] Pendant que j'étais là, j'ai vu les soldats irakiens entrer dans l'hôpital avec leurs armes. Ils ont tiré les bébés des couveuses, ils ont pris les couveuses et ont laissé mourir les bébés sur le sol froid. J'étais horrifiée. Je ne pouvais rien faire et je pensais à mon neveu qui était né prématuré et aurait pu mourir ce jour-là lui aussi. […] Les Irakiens ont tout détruit au Koweït. Ils ont vidé les supermarchés de nourriture, les pharmacies de médicaments, les usines de matériel médical, ils ont cambriolé les maisons et torturé des voisins et des amis. J'ai vu un de mes amis après qu'il a été torturé par les Irakiens. Il a 22 ans mais on aurait dit un vieillard. Les Irakiens lui avaient plongé la tête dans un bassin, jusqu'à ce qu'il soit presque noyé. Ils lui ont arraché les ongles. Ils lui ont fait subir des chocs électriques sur les parties sensibles de son corps. Il a beaucoup de chance d'avoir survécu. »

Ce témoignage, avec d'autres comme ceux conçus par l'agence de communication Rendon Group (en) chargée de superviser la communication de la CIA et du Pentagone, a beaucoup ému l'opinion publique internationale et a contribué à ce qu'elle soutienne l'action des puissances occidentales contre les armées de Saddam Hussein lors de la guerre du Golfe.

En fait, ce témoignage était entièrement faux. La jeune fille, coachée selon certaines sources par Michael Deaver ancien conseiller en communication de Ronald Reagan, s'appelait al-Ṣabaḥ, et était la fille de l'ambassadeur du Koweït à Washington Saud bin Nasir Al-Sabah. L'association Citizens for a Free Kuwait (en), organisée par le gouvernement du Koweït exilé avait commandé cette campagne à la compagnie de relations publiques Hill & Knowlton (en) (pour la somme de 10 millions de dollar3).

La machination a fonctionné grâce à l'intervention de Lauri Fitz-Pegado, qui a convaincu les députés que l'identité n'était pas révélée pour protéger la famille de la jeune femme. Lauri Fitz-Pegado avait travaillé pour le gouvernement auparavant, dans l'Agence de l'Information.

Par ailleurs, le gouvernement américain aurait payé 14 millions de dollars à cette compagnie pour l'avoir aidé à médiatiser la guerre du Golfe sous un jour favorable à l'intervention occidentale .

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Dans cette perspective , réagir sans enquête préalable indépendante est forcément suspect, et affirmer détenir des preuves ne suffit pas, si on ne les expose pas clairement ...

 

False flag (fausse bannière) (page wikipédia)