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24/12/2018

Un choix à faire

22/12/2018

Michéa (sur les gilets jaunes)

 

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Les gilets jaunes vus depuis le pays d’en bas, par Jean-Claude Michéa

 

Source : Sud Ouest, Jean-Claude Michéa, 18-12-2018
 

Le mouvement des gilets jaunes est une révolte morale spontanée contre un système économique aussi absurde qu’injuste, estime Jean-Claude Michéa

Si j’ai choisi de vivre, depuis maintenant plus de deux ans, dans un petit village des Landes – à 10 kilomètres du premier commerce, du premier café et du premier médecin (26% des communes françaises, mondialisation oblige, sont déjà dans ce cas), c’est bien sûr d’abord parce que le mode de vie hors-sol, standardisé et « festif » de Montpellier m’était devenu insupportable.

Et sans doute aussi parce que j’étais assez « réactionnaire », ou assez épicurien, pour oser encore croire qu’une tomate cultivée sur place et sans manipulation chimique aurait forcément un tout autre goût que son ersatz industriel importé de Chine ou d’Australie par containers géants (lesquels, au passage, utilisent un fioul nettement plus polluant – quoique non taxé ! – que celui des voitures diesel).

La colère généreuse des gilets jaunes

Bien entendu, un tel changement d’univers a aussi un aspect politique. D’une part, parce qu’il correspond habituellement à une volonté d’introduire un peu plus de cohérence dans sa vie personnelle (je ne voulais pas ressembler à ces intellectuels de gauche qui célèbrent sans cesse la « mixité sociale » tout en se gardant bien d’habiter dans les quartiers les plus « sensibles » !). Et de l’autre, parce que le fait de vivre au cœur d’une région rurale m’offrait l’occasion de vérifier par moi-même à quel point la description de la France « périphérique » par Christophe Guilluy – description pourtant longtemps moquée par toute la « sociologie » mandarinale – collait au millimètre près à la réalité que j’avais sous les yeux. Et de fait, il suffit de partager la vie de ces petits paysans, artisans, éleveurs ou retraités pour lesquels – malgré leur sens aigu de l’entraide – chaque fin de mois est devenue un casse-tête insoluble, dans une région aux paysages sauvages et magnifiques mais où presque tous les transports en commun et services de proximité (pour ne rien dire des problèmes de couverture téléphonique) ont été méthodiquement sacrifiés sur l’autel des dogmes libéraux, pour que la colère généreuse des gilets jaunes – l’expression est d’Orwell – prenne aussitôt tout son sens !

« Ceux d’en haut » et « ceux d’en bas »

A quoi, en effet, assistons-nous aujourd’hui sinon au retour, sous une forme inédite, de cette « question sociale » (autrement dit, de ce conflit d’intérêt qui oppose toujours, même de façon latente, « ceux d’en haut » et « ceux d’en bas ») qui, il y a peu, figurait encore au centre de toute critique socialiste ? Or c’est justement cette question sociale, et avec elle, l’idée même de « lutte des classes », que la gauche européenne – depuis sa conversion massive, au début des années 1980, au libéralisme économique, politique et culturel – tente par tous les moyens de noyer sous le flot continu de ses fameuses « questions sociétales ». De nos jours, « être de gauche » ne signifie plus, en effet, combattre un système économique et social injuste fondé sur l’accumulation sans fin du capital. C’est, au contraire, chercher à substituer à ce combat l’unique croisade libérale « contre toutes les discriminations » – de la défense de l’écriture « inclusive » au rejet de l’alimentation carnée, en passant par l’interdiction de la fessée. Il est donc clair que la gauche est aujourd’hui devenue une force objectivement contre-révolutionnaire. Et il ne faut donc pas s’étonner si le fossé qui la sépare des classes populaires – et par conséquent de cette France périphérique où vivent la majorité des Français – ne cesse de s’agrandir (songeons, par exemple, à l’état d’hébétude dans lequel l’apparition du mouvement des gilets jaunes a plongé toute l’intelligentsia de gauche (1)).

Situation encore aggravée par le fait que cette nouvelle gauche trouve désormais son centre de gravité électoral dans ces classes moyennes urbaines, surdiplômées et hyper-mobiles, qui non seulement ne représentent que 10 à 20% de la population mais sont aussi massivement protégées contre les effets de la mondialisation – quand encore elles n’en profitent pas. C’est d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle mon appel récurrent à réhabiliter la critique socialiste dérange autant les mandarin(e)s de gauche. Comme le soulignait en effet le grand socialiste américain Upton Sinclair, il est très « difficile d’amener quelqu’un à comprendre une chose quand son salaire dépend précisément du fait qu’il ne la comprend pas » !

Le retour de ce peuple théoriquement « disparu »

Or, le premier mérite des gilets jaunes, c’est justement d’avoir fait voler en éclats le mythe fondateur de la « sociologie » de gauche selon lequel le concept de « peuple » n’aurait plus, de nos jours, aucun sens politique, sauf à s’appliquer au seul univers des « banlieues ».

Car c’est bien, en effet, ce peuple théoriquement « disparu » qui non seulement fait aujourd’hui son retour en force sur la scène de l’Histoire, mais qui a même déjà obtenu – grâce à son sens politique exceptionnel et son inventivité rafraîchissante – plus de résultats concrets en quelques semaines que toutes les bureaucraties syndicales et d’extrême gauche en trente ans. Il fallait donc toute la cécité de classe des « écologistes » bourgeois pour ne pas avoir vu d’emblée que sous la question ponctuelle du prix de l’essence perçait déjà – pour reprendre les mots du remarquable Appel de Commercy – « un mouvement généralisé contre le système » et, au premier chef, contre cette confiscation croissante du pouvoir des citoyens par des politiciens de métier et des juges non élus. D’autant qu’il n’était vraiment pas difficile de comprendre – sauf à vivre, tels un BHL ou un Romain Goupil, sur une autre planète – que la revendication initiale des gilets jaunes relevait beaucoup moins de ce « culte de la bagnole » censé caractériser, aux yeux des élites « éclairées », les « beaufs » de la France périphérique (alors que toutes les études statistiques montrent au contraire que ce sont précisément les riches qui polluent le plus!) que d’une révolte morale spontanée contre un système économique aussi absurde qu’injuste qui – afin que les riches deviennent toujours plus riches – doit sans cesse obliger les Français les plus modestes à parcourir toujours plus de kilomètres pour pouvoir travailler, consulter un médecin, poster une lettre, faire leurs courses ou encore trouver une école, une maternité ou un centre administratif (c’est même une des raisons pour lesquelles les gilets jaunes ont si vite redécouvert les vertus de la démocratie directe et de l’autonomie locale). Quel que soit donc le sort qui attend, à court-terme, ce mouvement révolutionnaire (…) il est d’ores et déjà certain que la colère du peuple ne retombera plus. Et que, tôt ou tard, les « princes qui nous gouvernent » auront à en payer le prix.

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Note :
1) Il est difficile de ne pas songer ici au célèbre ouvrage de Paul Lidsky, Les écrivains contre la Commune, publié par Maspero en 1970. Dans cet essai décapant, l’auteur rappelait comment les principaux écrivains de gauche de l’époque – mettant de côté, pour un temps, leurs griefs habituels contre la bourgeoisie et le « vieux monde » – avaient, dans leur immense majorité, applaudi la répression de la Commune de Paris (ordonnée, il est vrai, par Adolphe Thiers et Jules Favre – deux des plus grandes figures de la gauche libérale d’alors). C’est que l’appel de cette dernière à instaurer une véritable république sociale avait donné d’un coup une tout autre signification au vieux concept libéral et républicain d’égalité. De quoi confirmer, en somme, la célèbre analyse de Marx selon laquelle, s’il existe toujours « une certaine opposition et une certaine hostilité » entre la bourgeoisie économique de droite (celle qui participe directement au processus d’accumulation du capital ») et la bourgeoisie culturelle de gauche (les universitaires, écrivains ou artistes qui « tirent leur subsistance principale de l’illusion que cette classe se fait sur elle-même »), c’est une opposition et une hostilité condamnées à tomber d’elles-mêmes « chaque fois que survient un conflit pratique où la classe tout entière est menacée ».

Source : Sud Ouest, Jean-Claude Michéa, 18-12-2018

21/12/2018

Long débat en terrain propice (Aude Lancelin, Emmanuel Todd, GJ, etc...)

https://www.facebook.com/LeMediaOfficiel/videos/130795339...

 

 

20/12/2018

La France (d’en haut) a peur : demain le RIC... après-demain la peine de mort ?

Ci-dessous article de Vera Mikhaïlichenko sur Agora Vox.

 

En aparté: quelle bande  de nazes ...   :o)

 La peur est depuis toujours le principal outil de manipulation .

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La France (d’en haut) a peur : demain le RIC... après-demain la peine de mort ?

La diabolisation du RIC et de son principal promoteur, Étienne Chouard, marche à fond depuis quelques jours dans nos médias... Saurons-nous y résister ?

Le référendum d'initiative citoyenne ou populaire (RIC ou RIP) est progressivement devenu l'une des revendications centrales des Gilets jaunes. Selon Étienne Chouard, il s'agit même de « la cause commune des Gilets jaunes ».

Éléments de langage LREM : "RIC et badaboum... on se réveille avec la peine de mort"

La classe dirigeante, elle, est beaucoup moins enthousiaste à cette proposition. Elle apparaît même terrorisée par ce RIC. Passons en revue quelques réactions.

Bruno Bonell, député LREM, nous met en garde :

« Si on faisait des référendums les gens voteraient pour la peine de mort et seraient beaucoup plus durs sur l’immigration. »

 

Stanislas Guerini, délégué général de la République en Marche et député, tire la sonnette d'alarme : 

"Je ne veux pas que demain on puisse se réveiller avec la peine de mort dans notre pays parce qu'on aura eu un RIC, parce que Laurent Wauquiez un jour se sera réveillé en disant 'tiens si on faisait la castration chimique pour les délinquants sexuels'... et puis badaboum le lendemain on a le RIC, et c'est effectif dans notre pays. Moi, je crois aussi à la démocratie représentative."

On voit que les députés de la majorité se sont passés le mot pour effrayer la population avec l'épouvantail de la peine de mort. Jouer sur les peurs, ils savent faire.

Or, comme l'a justement souligné Marianne, Stanislas Guerini n'envisage qu'une "vision radicale du RIC", "sans envisager les limitations possibles de ce dispositif". Le magazine envisage, lui, la possibilité d'un "RIC encadré", ne pouvant porter que sur certains sujets délimités au préalable :

"C'est le cas aux Etats-Unis, où les référendums d'initiative citoyenne en vigueur dans plusieurs Etats ne peuvent remettre en cause la Constitution de l'Etat fédéral, ni celle du territoire en question. En 1995, une loi votée par les citoyens de l'Arizona a par exemple été annulée par la Cour suprême car elle modifiait la Constitution de cet Etat.

Or, Stanislas Guerini ne cite pas cette hypothèse, envisageant seulement un "RIC" portant sur les questions les plus sensibles. Selon l'article 11 de la Constitution, le référendum d'initiative partagée concerne les textes qui ont trait à "l'organisation des pouvoirs publics" (hors Constitution), "aux réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent" et à "la ratification d'un traité". Impossible dans ce dispositif, par exemple, de voter pour la castration chimique des délinquants sexuels.

On peut faire la même objection à l'argument massue du rétablissement de la peine de mort. Il n'est aujourd'hui pas possible, d'organiser un référendum d’initiative partagée sur cette question. L'article 66-1 de la Constitution dispose en effet que "nul ne peut être condamné à la peine de mort". En n'envisageant qu'une version radicale du referendum d’initiative populaire, le patron de LREM ne répond donc que partiellement à la question posée."

Comme on peut le lire dans Le Parisien :

"Pour rétablir la peine de mort, le référendum devrait pouvoir être constituant, comme le demandent une partie des Gilets jaunes. « Le seuil de signatures requis pour initier un tel référendum serait vraisemblablement plus élevé que le RIC en matière législative  », souligne Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur de droit public à l’université de Lille."

Le RIC vu par les chiens de garde = Fin de la civilisation, torture, guillotine, poison, Hitler...

L'avis du journal Le Monde, c'est que les consultations d’initiative populaire, si elles se limitaient à "des domaines convenus et sous contrôle du juge constitutionnel", pourraient "utilement revivifier l’exercice démocratique". Mais, "si elles se développaient tout-terrain et sans contrôle de constitutionnalité, elles ouvriraient la voie aux démagogies les plus débridées et les plus dangereuses".

Invité de France Inter ce 20 décembre, l'écrivain Jean-Claude Carrière nous offre de bon matin un joli point Godwin :

"Dès qu’il est question d’un référendum populaire, Mussolini et Hitler ne sont pas loin."

la suite ici

 

Etienne en 2014

résume ce qu'est devenue la démocratie représentative...

18/12/2018

Toujours Onfray, sur le vote des GilJaunes

Pour ou contre la transformation du mouvement des gilets jaunes en force politique présentant une liste aux Européennes?

Onfray Michel est farouchement contre et donne ses arguments.

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 Voilà que Francis Lalanne a décidé, pour les gilets-jaunes, qu'il leur faudrait entrer au Parlement européen et que, pour ce faire, ils devaient constituer une liste. Il a trouvé de l'argent, beaucoup d'argent, on parle de 800.000 euros, il a l'imprimeur des affiches et des tracts, il a le nom possible, les "Gilets jaunes citoyens", on se doute bien qu’il devrait aussi disposer de celui de la tête de liste... J’ai cru comprendre que c'était également le souhait d'Alexandre Jardin qui a commencé les dernières présidentielles en girondin revendiqué avant de les finir en Robespierre décapitant son association [1] -avant Berezina...

      Une liste "Gilets jaunes" aux prochaines échéances européennes: Emmanuel Macron en rêve! Car cette liste, si elle devait exister, ne prendrait aucune voix à celle de Macron, aucune. En revanche elle siphonnerait celles de Dupont-Aignan, Le Pen et Mélenchon: ce trio couturé c'est tout gagnant pour le Président puisque le danger pour lui, ce sont eux! De sorte qu'une liste "Gilets jaunes" serait un plébiscite pour Macron!

   Les gilets-jaunes ne veulent plus du libéralisme forcené qui les opprime dans leur vie quotidienne depuis des années. Debout la France, le Rassemblement national et La France insoumise, sinon l'extrême-gauche, sont sur les mêmes positions, en même temps que des millions de Français qui, comme moi, ne se reconnaissent dans aucun de ces trois partis.

   Or, Macron incarne le giscardisme, comme tous les Présidents depuis 1983, y compris ceux qui se sont dits de gauche. Qu'est-ce le giscardisme? Moins de France, plus d'Europe; moins de République, plus de libéralisme; moins de protection sociale, plus de marché; moins de droit du travail, plus de conventions négociées; moins de culture, plus de divertissements rentables; moins de grandeur, plus de people; moins d'écrivains, plus de banquiers; moins de gaullisme, plus de nanisme; moins de grande Histoire, plus de petites histoires; moins de Racine ou de Corneille, plus de Danièle Gilbert ou de Marlène Jobert- réactualisons: plus de frères Bogdanff et de Stéphane Bern.

   Une liste aux européennes: pour quoi faire? De la figuration à quoi obligerait même un bon score et rien que de la figuration dans l'opposition. Pendant ce temps, les giscardiens comme je viens de les définir gouverneront puisqu'ils seront majoritaires et d'autant plus majoritaires qu'avec leur liste "Gilets jaunes" auront affaibli ceux qui, sans en avoir l'air, jouent tout de même le jeu de l'Europe, mais à leur façon: bien au chaud dans l'opposition, confortablement rémunérés. 

   Ceux qui disent aux gilets-jaunes ce qu’ils devraient faire en estimant, pour Lalanne, qu’ils devraient souscrire aux jeux du vieux monde dont ils ne veulent plus ou, comme Jardin, qu'il leur faudrait remettre leurs doléances entre les mains des présidents de région encartés, qui sont tous gens du vieux monde que les gilets-jaunes veulent écarter, montrent qu’ils n'ont rien compris à ce que souhaitent les gilets-jaunes: ils ne veulent plus du vieux monde, de leurs gens, de leurs  porteurs d'eau, de leurs jeux, de leurs règles du jeu, de leurs habitudes, de leurs coups tordus, de leurs magouilles, de  leurs arrangements, de leurs combines, mais aussi de leurs intellectuels, de leurs penseurs, de leurs éditocrates, de leurs journalistes, de leurs acteurs, de leurs comédiens, de leurs chanteurs, de leurs comiques -de leurs philosophes... Ils veulent juste la démocratie, rien que la démocratie, toute la démocratie, autrement dit: la République, rien que la République, toute la République qui est chose publique et gestion de la chose publique par les citoyens. Laissez-les faire.  

Michel Onfray
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[2] Il avait en effet annoncé seul sa candidature en passant par-dessus la tête des membres de son association qui avaient appris la chose en ouvrant leur journal... En juillet 2016, il était au meeting de Macron à la Mutualité. 
 

17/12/2018

Acte 5, la répression préventive...

Autre compte rendu de la façon dont le pouvoir a voulu reprendre la main en empêchant une manifestation d'ampleur sur Paris pour ce 15 Décembre.

Par: Cerveaux non disponibles

A noter qu'en régions le mouvement loin de s'essouffler a continué sur la même lancée (Avignon, Bordeaux, Toulouse en particulier mais pas que !)

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ACTE 5 : VICTOIRE DU POUVOIR. DÉFAITE DE LA DÉMOCRATIE.

Ils auront donc réussi à avoir leur image tant espérée : des Champs Élysées presque vide de Gilets Jaunes. Des rues de Paris plutôt calmes et sous contrôle. Le gouvernement et les médias vont pouvoir annoncer la fin du mouvement, lassé par les violences et/ou convaincu des mesures de Macron.

Sauf qu'à y regarder de plus près (exercice que les médias semblent avoir abandonné depuis longtemps), la situation semble bien plus complexe.

Oui, le pouvoir a réussi son coup.
Mais non, ce n'est pas une défaite des Gilets Jaunes.
En revanche, il s'agit d'une défaite très violente, par KO, sur la démocratie et sur le droit de manifester et la liberté d'expression.

En ce samedi 15 décembre, sous une pluie glaciale, la ratp décide de fermer 56 stations de métro. Tous les axes menant aux Champs Elysées sont totalement bloqués par des grilles et des fourgons de CRS. Des fouilles ont lieu dans toutes les gares et principaux péages menant à Paris.Certains bus de GJ sont même bloqués plusieurs heures. Pour arriver vers les Champs, il faut donc marcher plus d'une heure.

Les rassemblements annoncés par différents collectifs à Gare du Nord, à Opéra ou encore à République sont systématiquement nassés, pendant plusieurs heures. Impossible pour les manifestants de ressortir pour rejoindre d'autres Gilets Jaunes.

Forcément, aux alentours des Champs, la foule est beaucoup moins nombreuse que les samedi précédents. Et ceux qui réussissent à arriver sur l'avenue n'auront pas un meilleur sort que les milliers de GJ nassés ailleurs : les CRS ont en effet décidé de disloquer en permanence la mobilisation pour éviter qu'un groupe trop important de Gilets Jaunes se forme. On aperçoit alors plusieurs unités de CRS foncer dans la foule et séparer les GJ par petits groupes.

Lassés par cette stratégie agressive empêchant toute dynamique de groupe, les manifestants désirant sortir des Champs doivent alors passer par de nouvelles fouilles ! Et là, pour quitter l'avenue, il faut abandonner tout matériel de protection (lunette, masque) mais aussi son Gilet Jaune (cf photo). Preuve que les consignes dépassent de très loin celle du maintien de l'ordre .

Autre exemple frappant : vers 16h, un millier de manifestants arrive à former un petit cortège aux abords de la rue de Rivoli. La Fanfare Invisible est présente. L'ambiance est très festive et totalement pacifique. La Fanfare commence à lancer des chants repris par plusieurs centaines de Gilets Jaunes. Tout le monde danse, sans se soucier des forces de l'ordre. Quelques minutes plus tard, alors qu'aucun manifestant n'avait jeté le moindre projectile, les CRS inondent le ciel et les rues de gaz lacrymogène. Là encore, il ne s'agissait plus de maintenir l'ordre mais bien de disperser tous les Gilets Jaunes et d’empêcher les images d'une foule nombreuse, motivée et pacifique.

[ Mise à jour - une vidéo du gazage : https://www.facebook.com/parallelidea/videos/224236463933... ]

Le gouvernement va donc pouvoir de nouveau bomber le torse et mépriser le mouvement social. Les médias vont se contenter d'avoir vu les Champs à moitié vides et aucune voiture brulée pour en déduire que le mouvement s'essouffle.

Mais les très fortes mobilisations dans de nombreuses villes en région montrent que c'est tout le contraire. Et le cas parisien offre une vision déformée par la stratégie ultra agressive du pouvoir qui a transformé Paris en nasses géantes et empêché tout rassemblement.

Mais que Macron et son monde ne se réjouissent pas trop vite. Les Gilets Jaunes sont loin d'avoir baissé les bras. Il va falloir être ingénieux et déterminés pour réussir à contourner la machine à casser les manifs mise en place jours après jours par Castaner.

Et que le reste de la société (médias, syndicats, partis ou simplement citoyens) s'inquiètent de la dérive clairement autoritaire de ce gouvernement. Ce qui se passe actuellement préfigure une nouvelle approche du maintien de l'ordre qui assume restreindre les libertés des opposants politiques sur l'autel de la sécurité. Accepter cette situation pour avoir (enfin) la paix sociale et économique serait une erreur historique, et pas que pour les Gilets Jaunes.

L’image contient peut-être : une personne ou plus, personnes debout et plein air
 
 

Onfray suite

Décidément très en verve et très pertinent sur le mouvement (génial) des gilets jaunes, Michel Onfray décrit comment l'Acte V  a été combattu par le pouvoir et par les medias serviles , clairement en mission, il faut bien le dire.

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PROPAGANDE, ACTE V

   Tout à sa propagande, le régime macronien en fait des tonnes: comme il fallait s'y attendre, il instrumentalise les morts de l'attentat de Strasbourg en prétendant que les gilets-jaunes, s'ils ont un peu de décence, bien sûr, ne pourront que suspendre leur mouvement. Il fait savoir par la presse qui relaie les éléments de langage du gouvernement en long, en large et en travers, que ces gilets-jaunes, qui sont déjà des casseurs, des anarchistes, des racistes, des homophobes, des crétins, des antisémites, des chemises-brunes, des vichystes, des pollueurs, des climato-sceptiques, en grattant juste un peu on pourrait même peut-être aussi trouver des nazis, seraient des moins que rien, qui danseraient sur les tombes des cadavres d'un attentat, s'ils descendaient dans les rues de la capitale afin de défendre leurs idées.

    Libération, qui est l'instrument de la propagande des idées de ce régime, a pondu la Une de la semaine: un petit bandeau pour un ixième attentat islamiste sur le territoire national, et le restant de la page en faveur des casseurs lycéens assis sous surveillance policière. Ici, en passant: un acte terroriste islamiste, peanuts selon la rédaction. Là: une ribambelle d'ados, qui sentent encore l'essence du cocktail Molotov, présentés comme des victime d'une police fascistoïde. L'information majeure du jour selon la même rédaction! Cette minoration du terrorisme et cette majoration d'une opération de maintien de l'ordre républicain révèle bien la ligne de ce journal qui donne le ton: à Paris, l'ennemi n'est pas Chérif Chekatt, un combattant clairement revendiqué par l'État islamique, non, mais la préfecture de Mantes-la-Jolie. Pauvre et sinistre Joffrin!

    Après avoir criminalisé les gilets-jaunes qui manifesteraient à Paris tout en décriminalisant le terroriste islamiste de Strasbourg, le pouvoir a donné ses chiffres de ce cinquième samedi qui, en fin de journée, arrivent en rafale sur l'écran de mon portable avec les alertes: moins de gens, manifestations moins suivies, moindre participation, chiffres en baisse, essoufflement des gilets-jaunes - c'est, en cascade, une variation sur ce même thème.

   Or les chiffres sont donnés par le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et l'on sait combien les écarts entre les estimations de la police et celles des organiseurs sont depuis toujours caricaturales: jadis, 15 personnes selon Gérard Colomb, c'étaient 15.000 selon Mélenchon quand il s'agissait d'une manifestation de La France insoumise -même chose avec les autres organisateurs de manifestations, quelles qu'en aient été les couleurs... Mais quand il y a deux menteurs en lisse, les deux mensonges s'annulent: on savait que le chiffre se trouvait quelque part entre plus que 15 et moins que 15.000!

   Or, dans le cas des gilets-jaunes, il n'y a qu'un seul menteur puisque les gilets-jaunes n'ont pas un seul meneur qui pourrait en retour lui aussi mentir: dès lors, le ministre dispose d'un boulevard pour affirmer n'importe quoi et donner le chiffre de son choix -comme lors des soirées électorales dans les pays tenus par des dictateurs, il sait que ses amis journalistes lui donneront l'écho médiatique nécessaire, pourquoi dès lors se l’interdire?  Or, dire n’importe quoi, Castaner ne se s’en prive pas, à presque chacune de ses interventions d’ailleurs. De sorte que, sur ce boulevard, on le voit rouler à tombeau ouvert pour y klaxonner ses contre-vérités, y claironner les éléments de langage fournis par l'Élysée, y jouer de la trompe de chasse avec la propagande des communicants du château. Il y a peu, ce benêt donnait une estimation de la participation d'une journée de gilets-jaunes sur toute la France à l'unité près en ne s’apercevant même pas, c'est dire la finesse et l'intelligence du personnage , que pareil détail tue puisqu’il ne dispose d'aucun moyen de comptabiliser les participants de ce mouvement de contestation sociale sur la totalité du territoire français. Autant annoncer, faussement savant, le nombre de grains de sable de Paris-Plage à l'unité près! N'importe qui se tordrait de rire en présence d'une telle mystification -sauf les journalistes...

   Or, il se peut que les manifestants soient venus moins nombreux... à Paris. Si l'on veut faire pièce à la mine réjouie du pouvoir qui croit que la mobilisation faiblit et que le mouvement pourrit, on peut essayer de penser cet événement qu'est la foule amoindrie.

   D'abord, il y a ceux qui en ont assez, parmi les gilet-jaunes, d'être traités de tous les noms -rappelons-les: casseurs, anarchistes, racistes, homophobes, crétins, antisémites, chemises-brunes, vichystes, pollueurs, climato sceptiques... Il faut avoir le cuir dur pour supporter ces insultes déversées en permanence sur les médias et l'on ne peut mésestimer que d'aucuns, dans leurs discussions avec des amis, des copains, des camarades, des collègues, des voisins, n'en peuvent plus de passer pour ce qu'ils ne sont pas alors qu'ils demandent juste que l'État maastrichtien, puisqu’il n'y a plus d'État français, cesse de les étrangler. Je le rappelle: ces fascistes, ces vichystes, ces racistes, etc, demandent juste de quoi offrir des jouets à leurs enfants ou à leurs petits enfants à Noël. Passer pour un casseur ou un antisémite, pour un raciste ou un homophobe peut peser trop lourd, à force, chez tel ou tel qui peut décider de poser sa valise...

   Par décence, et Orwell n'a cessé de rappeler qu’il existe un sens de "la décence commune " chez les gens simples, certains n'ont peut-être pas souhaité non plus passer pour des charognards en se déplaçant à Paris alors que le pouvoir avait culpabilisé les manifestants en annonçant que, manifester malgré les morts de l'attentat de Strasbourg, ce serait se comporter comme un chien.

   En dehors de la haine, du mépris, de la culpabilité, de la décence, il peut y avoir également de la fatigue: à quoi bon, se disent certains qui comprennent très bien que le gouvernement joue le pourrissement à quelques encablures de Noël? Macron va vers un Noël au champagne (sorti des caves de l'Élysée et payé par le contribuable...) pendant que nombre de gilets-jaunes vont vers un Noël au mousseux (acheté au Lidl d'à-côté et payé avec les économies faites explicitement pour préparer cette fête familiale)...

   Et puis, il faut également compter avec des gilets-jaunes abusés, trompés, embobinés, enfumés. Car, dans son allocution télévisée, Macron a annoncé un certain nombre de propositions -dont une hausse du SMIC de 100 euros. C'est spectaculaire, même si nombre d'économistes [1] ont depuis démontré qu'il s'agissait d'un enfumage puisque le jeu de bonneteau ne permet pas à proprement parler d'une hausse du SMIC! Mais une partie des gilets-jaunes a pu se contenter de ces miettes et baisser les bras pour le reste en estimant qu’ils n'obtiendraient ni la démission de Macron, ni de nouvelles institutions, ni une dissolution de l'Assemblée nationale, ni quoique ce soit de spectaculaire. Le président de la République savait qu'avec ce menu fretin il pêcherait tout de même quelques poissons. Quelques-uns ont été hameçonnés. Pour qui a faim, un quignon de pain rassis suffit à sa peine: à quoi bon se battre pour réclamer l'autogestion de la boulangerie?

   Enfin, et il me semble que c'est la raison majeure: il y a le coût que représente pour des gens pauvres ou modestes un déplacement à Paris! On peut en effet se faire insulter et mépriser, culpabiliser et criminaliser sans courber l'échine, les pauvres sont gens durs à la douleur et ils ne sont pas du genre à geindre, se plaindre, chouiner -ou à demander une consultation sur un divan...

   Symboliquement, ce fut pour les gilets-jaunes une performance de venir à Paris -d'y "monter" comme il est dit parfois avec un peu de la déférence et de la crainte qu'il y a à se diriger vers les marches du château où loge son patron. Les mêmes ajoutent qu'on "descend en province". Cette façon de parler suppose qu'il existerait une ascension vers le ciel parisien qui se doublerait d'une descente vers la campagne. On monte au ciel de Paris et on descend aux enfers des régions...

   Car, parmi ces journalistes qui gagnent [2] entre quatre ou plus de quarante fois le SMIC -les noms sont à lire en note...- qui peut avoir présent à l'esprit ce que signifie une journée de manifestation à Paris? En voiture, en train ou en bus (pas en avion, ça c'est le moyen de transport de ceux qui crachent sur les gilets jaunes traités de pollueurs...), il faut payer le voyage; on peut certes emporter un casse-croûte, mais il en faut au moins deux quand on fait l'aller et retour dans la journée car il est impensable qu'un gilet-jaune s'offre une chambre pour rester le soir à Paris! Trop cher... Impensable... Impossible... Inconcevable... Si l'on veut s'offrir une bière dans la capitale avec son sandwich, tout dépend du quartier, mais il est certain que la commande fera un trou dans le budget. Quand on manque d'argent pour vivre, on ne peut distraire cinq fois de suite un budget qui se compte en une vingtaine d'euros pour un samedi ou en centaine d'euros pour cinq samedis. Un gilet-jaune est à cinq euros près. 

    Quel journaliste le dira? Quel éditorialiste spécialisé en économie sur une chaine d'information continue diligentera un sujet qui permettrait de chiffrer la journée d'un gilet-jaune qui a décidé de venir du Finistère ou du Bas Rhin, des Pyrénées Orientales ou de l'Hérault pour manifester à Paris? Lequel donnerait en même temps le salaire des journalistes vedettes de sa chaîne? Ou le sien?

   Macron qui fut banquier à la banque Rothschild sait que les pauvres ne peuvent venir indéfiniment à Paris avec leurs salaires de misère. Pour l'heure, il s'essaie à tout :la calomnie et l'insulte, le mépris et la criminalisation, la culpabilisation et l'essoufflement, l'enfumage et le pourrissement. Avec lui, les journalistes sont au taquet.

  A Paris, au palais de l'Élysée et dans les rédactions des journaux maastrichtiens, on regarde les provinciaux souffrir et mourir comme un sadique observe dans le terrarium le serpent constrictor qui étouffe sa victime: il sait que le lapin va crever, c'est écrit... C'est un spectacle digne des empereurs romains de la décadence. Mais il peut aussi donner envie de vomir à qui dispose encore d'humanité. Vomir ou continuer ailleurs qu'à Paris.

   Les gilets-jaunes sont un mouvement girondin et provincial, régional et rural: aller à Paris, c'était faire le jeu du jacobinisme. Il était tentant d'exprimer sa colère dans la capitale, d'aller faire entendre ses slogans et ses revendications sous le balcon d'un roi retranché dans ses appartements. La chose a eu lieu; c'est bon.

   Mais il s'agit maintenant de continuer ailleurs que sur le terrain de l'adversaire qui dispose de tous ses moyens dans la capitale, chez lui -il y a ses blindés et ses journalistes, ses médias et ses escadrons, ses provocateurs et ses casseurs faciles à instrumentaliser.

   Dans Paris, le mouvement des gilets-jaunes est médiatiquement saisissable, donc politiquement maîtrisable, en même temps que politiquement saisissable, donc médiatiquement maîtrisable. Partout ailleurs qu'à Paris, il devient insaisissable. En se faisant girondin et non jacobin, il devient plus fort. S'il n'a qu'une seule tête il est facile à décapiter, s'il en a des milliers, il est une nouvelle Hydre de Lerne dont seul un Hercule pourrait avoir raison. Or celui qui se veut Jupiter n'a rien d'un Hercule: sa statue ne tient que parce que les gilets-jaunes la portent encore...

Michel Onfray
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[1]
https://www.marianne.net/societe/que-se-cache-t-il-vraime...

 

[2]
https://www.ledauphine.com/france-monde/2018/04/17/les-salaires-indecents-des-animateurs-du-petit-ecran