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11/02/2019

Begaudeau

Pour une police en jaune.

Onfray

                                                                    ***

 

 Je n’ai jamais fait partie de ces irénistes de gauche qui, excités et énervés par la pensée 68, ont appelé à l’ouverture des prisons, à la haine de la police, à la dissolution de l’armée, au refus des services secrets, à l’interdiction des cartes d’identité biométriques. Sauf à se faire une idée de la nature humaine qui écarte les faits  -selon le souhait méthodologique de Rousseau qui est le père de toute la gauche culturelle- il faut dans une société de quoi faire régner un ordre, pourvu qu’il soit vraiment républicain et ne soit pas celui d’une minorité, d’une caste, d’une oligarchie qui soumet la majorité à sa puissance.

   Les forces de l’ordre, si elles sont force d’un ordre injuste, sont critiquables. La police de Vichy n’est pas la police de Macron, quoi que d’aucuns puissent en dire. La première avait massivement le droit de vie et de mort sur les citoyens, la seconde, pas. On sait que le défaut de police républicaine génère l’émergence d’un désir de police privée. Les "Voisins vigilants", par exemple, pallient l’impéritie de la police débordée par les cambriolages en effectuant une surveillance que je dirai populaire. Je n’y vois rien à redire.

   Hobbes avait théorisé la chose: il faut renoncer à sa liberté individuelle afin d’obtenir, en la créant, une sécurité sociale. C’est la nature du contrat social: je renonce à la loi de la jungle et j’obtiens, par cette renonciation constitutive du contrat, la certitude que la société me protégera.

   Mais, et tout Hobbes se trouve dans ce "mais", si la société ne fait pas sa part, si elle ne tient pas sa parole, si elle ne me protège pas, si elle m’expose à la loi de la jungle des autres, alors je recouvre de facto mon droit à me défendre moi-même. Autrement dit: si la police faillit, j’ai le droit de m’y substituer. A défaut, une police impuissante ne saurait disposer d’une légitimité à être et à rester police. A quoi bon des forces de l’ordre qui n’ont pas de force et ne parviennent pas à maintenir l’ordre?

   Le mouvement des gilets-jaunes est travaillé par de puissantes tensions: entre une aile d’extrême-gauche et une aile d’extrême-droite, en passant par un centre de droite et de gauche, des maastrichtiens et des souverainistes, toutes les sensibilités politiques françaises s’y retrouvent. Comment pourrait-il en être autrement? Ingrid Levavasseur apparaît en pleine page du Figaro pour faire l’éloge de l’Europe maastrichtienne… Cette femme est du pain béni pour les médias. Eric Drouet quant à lui qui tient pour la version brutale des gilets-jaunes n’aura pas la faveur d’une pleine page dans le même support pour exposer ses idées…

   De même, il existe dans les gilets-jaunes tout et le contraire de tout en matière d’intelligence et de culture: des gens cultivés, ayant lu les bons auteurs, capables de penser et de réfléchir en regard d’un savoir historique ainsi que de parfaits crétins. Il existe aussi des gens cultivés, ayant lu les bons auteurs, mais qui sont incapables de penser et de réfléchir en regard d’un savoir historique en même temps que de parfaits crétins qui ne maîtrisent pas les lois de la grammaire, de la syntaxe, de l’orthographe, ce dont témoignent des captures d’écran de leurs comptes diffusés avec une gourmandise non feinte par telle ou telle rédaction, bien qu’ils affirment un peu dans le désordre et de manière chaotique des idées de bon sens. La culture et l’intelligence ne sont pas des garanties de bon sens -et vice versa.

   Je suis en relation avec certains gilets-jaunes qui m’invitent à lire des ouvrages dont j’ignorais l’existence avant qu’ils attirent mon attention sur eux. Nous échangeons sur leurs lectures: l’un souligne et annote "Le Contrat social" de Rousseau, l’autre me demande quoi lire de Proudhon, un troisième veut savoir ce qu’est le programme politique des girondins pendant la Révolution française ou ce qu’est le communalisme libertaire dont je dis du bien.

   A l’heure où j’écris, je vois de mon bureau une vingtaine de gilets-jaunes rassemblés au pied de la statue de Jeanne d’Arc de la place de la Résistance à Caen. L’un d’entre eux grimpe sur la statue équestre et fait porter le gilet jaune à l’héroïne. Alentour, dans le petit groupe, une jeune fille crie: "Jeanne d’Arc, quel est ton métier?" et tous répondent en chœur: "avoue, avoue! Je fais une vidéo, pour moi. Je la mets sur une clé USB. Je l’efface de mon portable dont une source sûre m’a fait savoir qu’il pourrait bien intéresser d’autres personnes que mes interlocuteurs habituels… Pas question de la mettre en ligne pour que la police descende chez ceux qu’elle aurait reconnus et qu’ils finissent en garde à vue, puis en prison.

   Il y a donc des gilets-jaunes qui méditent les grands auteurs de philosophie politique et des gilets-jaunes qui théâtralisent leur fraternité de façon festive et bon enfant. Il se peut d’ailleurs que certains soient les mêmes. On le voit nationalement, il y a des gilets-jaunes qui défilent pacifiquement et d’autres qui jouent avec le feu, à tous les sens du terme. Il y a des gilets-jaunes qui ont des sympathies pour le Rassemblement national et d’autres pour la France insoumise. Il y en a aussi qui votent blanc ou qui ne votent plus depuis longtemps, alors que d’autres ont voté Macron et sont des déçus de sa politique.

   J’ai dit ailleurs que la violence montait depuis des semaines à cause de la stratégie adoptée par le gouvernement et plus particulièrement par le chef de l’Etat: les propos méprisants, les fins de non recevoir, les moratoires stratégiques en lieu et place des renoncements de bon sens, la criminalisation de tous au nom d’une poignée, l’organisation d’une tournée provinciale narcissique abondamment médiatisée et présentée comme une occasion de questionner les Français sur leurs problèmes non sans avoir dit au préalable que, quoi qu’il en soit des conclusions rédigées dans plusieurs mois, le cap politique maastrichtien sera maintenu…

   Semaine après semaine, le pouvoir ne lâche rien et hausse le ton. Chacun le sait pour l’avoir expérimenté lors d’un repas de famille: cette stratégie offre la meilleure probabilité pour que la table soit renversée avant la fin des agapes… Sauf en dictature, le pouvoir écoute ce que le peuple lui dit quand il exprime sa souffrance. Sauf en dictature, le pouvoir répond aux demandes par la négociation, dont le candidat Macron, à grand renfort de citations du philosophe Habermas, avait dit qu’il était le cœur nucléaire de sa politique. Mais "l’agir communicationnel" du philosophe allemand n’est plus à l’ordre du jour chez le président de la République qui revendique un pensée complexe… Sauf en dictature, le pouvoir prend acte de la parole du peuple et agit en conséquence avec en tête le désir de calmer le jeu. Le chef de l’Etat ne le calme pas. Il semble même prendre plaisir à jeter de l’huile sur le feu.

   J’ai écrit que la police était grandement instrumentalisée dans la riposte répressive à cette demande originaire de refondation de la démocratie -car c’est de cela qu’il s’agit. On ne saurait satisfaire une pareille demande en jetant sur la table une enveloppe de dix milliards, avec ce genre de geste trivial et vulgaire du client qui achète la sujétion de sa prostituée. Ce paquet de billets de banque (l’argent du contribuable…) fait dire à François Berléand (un ami du président que des photos souriantes montrent en compagnie joyeuse de Romain Goupil et de Daniel Cohn-Bendit…) que les gilets-jaunes auraient dû se faire acheter, la fermer et retourner au bagne la queue entre les jambes. Ne parle-t-on pas dans les médias et chez ces gens-là de la "grogne" d’un peuple qui dit sa souffrance comme on parlerait de la grogne de chiens enragés?

   Il y a dans les forces de l’ordre tout et le contraire de tout: des cow-boys qui aiment taper, cogner, qui jouissent de tabasser, de molester, d’ajuster le tir tendu en visant un visage qu’ils s’apprêtent à défigurer avec la sale jubilation   propre aux gens malsains. Mais il y a aussi des fonctionnaires de police qui croient à la République, à la loi, au droit, à la justice et qui n’aiment pas que le pouvoir leur fasse jouer le rôle d’une milice gouvernementale qui fait moins respecter l’ordre public qu’elle ne protège les intérêts privés de  particuliers qui se servent de la République plus qu’ils ne la servent. 

   Chacun aura vu que le gouvernement, le ministre de l’Intérieur et le président de la République en première ligne, assurent les cow-boys de toute impunité. C’est la meilleure façon d’ajouter de l’huile sur le feu. Le choix de la répression est toutefois à géométrie variable.

   Car, c’est indéniable, il existe des casseurs dans les manifestations des gilets-jaunes. J’ai régulièrement fait savoir que les forces de l’ordre avaient laissé dépaver tranquillement l’avenue des Champs-Elysées, ce qui était aveu que le pouvoir avait envie et besoin de ces violences pavées. J’ai également raconté que je disposais d’informations attestant que certains qui avaient provoqué des violences dans Caen certes arboraient le gilet-jaune, mais avaient été vus sortant de voitures habituellement affectées aux métiers plutôt destinés à empêcher les manifestations de gilets-jaunes…

   Il existe aussi des "blacks blocs", comme il est dit, que le pouvoir a intérêt, sinon à noyauter, du moins à laisser faire. C’est tout bénéfice d’un point de vue médiatique puisque les manifestations seront vidées de leurs contenus politique et revendicatif pour devenir des explosions de colère, des manifestations de barbarie, des déchaînements de sauvagerie, des ravages de hordes sauvages… Il faut obtenir du Français moyen derrière son écran qu’il puisse penser qu’il n’est pas contre les manifestations mais que, là, ça commence à bien faire… C’est le B.A.BA de la propagande d’Etat.

 Le paradoxe est le suivant: si on ne peut faire confiance à la police pour faire la police doit-on renoncer à toute police? La réponse est bien évidemment: non. Où l’on retrouve Hobbes et la justification que le citoyen peut recouvrer son droit abandonné si l’Etat ne lui accorde plus protection, pire, si, non content de ne pas lui apporter protection, l’Etat lui assure désormais bien plutôt la répression!

   Il y a urgence pour les gilets-jaunes à ne pas tomber dans le piège que le pouvoir lui tend de nourrir la surenchère de violence. Les attaques ad hominem, les vandalisations de maisons d’élus, celle des commerces, il y a peu, le ravage d’une librairie parisienne, les menaces anonymes envoyées sur les réseaux sociaux, y compris la haine renvoyée en retour aux haineux -je songe à Berléand et à d’autres opposants…-, l’incendie du domicile breton du président de l’Assemblée nationale, celle du restaurant de la banlieue de Toulouse dont le chef a signifié qu’il n’était pas solidaire du mouvement: tout ceci est généalogiquement explicable mais moralement et politiquement inexcusable.

   C’est très exactement ce que veut Macron et les siens: la surenchère de violence qui légitimera la surenchère de répression qui générera automatiquement la remontée du chef de l’Etat dans les sondages -donc son succès aux prochaines élections européennes. Quiconque fait le choix de la violence vote donc paradoxalement pour Macron!

   Et puis, et puis, hélas, trois fois hélas, il y a dans ce mouvement un indéniable courant antisémite. Je me suis battu pour qu’on n’assimile pas tous le gilets-jaunes au comportement d’un seul, de deux, voire de quelques uns. Mais un seul, deux ou quelques uns, ça n’est pas rien non plus.

   Un ami gilet-jaune m’a envoyé une quantité d’affiches apposées sur les murs de Caen qui disent ce que souhaitent ses compagnons. Il est beaucoup question de justice sociale et fiscale, de responsabilité de l’Europe maastrichtienne, de déni de démocratie, d’oubli du peuple, de responsabilité du MEDEF, de République sociale, de répression policière, de RIC, de collusion de Macron avec le monde des affaires, de chômage, de mutilations policières, on y trouve aussi des caricatures d’Emmanuel Macron, de Christophe Castaner, de Luc Ferry, de Benalla, c’est le jeu politique, mais aussi, or elle ne l’a mérité en rien et rien ne les justifie, de Brigitte Macron.

   Je dispose très exactement de 151 affiches. L’une d’entre elle, certes, c’est une seule sur cent-cinquante, mais c’est une de trop, est à vomir. On y voit un homme qui ressemble à un vieux Juif lisant un livre qui pourrait bien être le Talmud et à qui les concepteurs graphistes font dire: "Il doit bien y avoir une formule pour se débarrasser de tous ces cons (sic)…" Cette affiche est vraiment de trop. Elle ramasse tous les poncifs antisémites et prête aux Juifs le projet de se "débarrasser" des gilets-jaunes comme d’aucuns en leur temps ont souhaité se débarrasser des Juifs. Les ennemis des gilets-jaunes disposent ainsi d’un boulevard pour affirmer que les gilets-jaunes d’aujourd’hui sont les antisémites de 1933. Comment dès lors leur donner tort? Que leur répondre puisqu’ils sont désormais fondés à utiliser cet argument que d’aucuns leurs apportent sur un plateau?

   Des actes antisémites existent depuis le début dans ce mouvement des gilets-jaunes. Je me bats pour éviter l’amalgame entre ces gestes et la geste des gilets-jaunes. Une amie me fait parvenir ce jour la photo d’une vitrine parisienne de Bagel taguée avec le mot "Juden" en jaune… Je suis stupéfait, indigné, effondré, mortifié de voir une pareille chose… Qui a tagué cela? Qui? On sait que nombreux ont intérêt à ne pas savoir qui est à l’origine de cette infamie afin de pouvoir l’attribuer aux GJ. Mais il se peut aussi que ce soit l’œuvre d’un gilet jaune.

  Tout est possible: d’authentiques antisémites sont évidemment envisageables, des provocateurs venus de partout, de l’extrême-droite (c’est-à-dire de la droite d’après Marine Le Pen) à l’extrême gauche (c’est-à-dire de la gauche d’après Jean-Luc Mélenchon), toutes deux judéophobes, sans oublier certaines officines d’Etat... On imagine bien que, dans le doute, puisque le crime profite aux adversaires et aux ennemis des gilets-jaunes, il n’y aura pas grand zèle du côté de l’Etat pour trouver le ou les coupables de cette peinture qui, hélas, entre dans l’Histoire.

   Raison de plus pour que les gilets-jaunes se dotent d’un véritable service d’ordre qui fera ce que ne font plus un certain nombre de policiers, et ce pour de multiples raisons: zèle, idéologie, débordement, obéissance à leur hiérarchie…  Que les gilets-jaunes demandent aux responsables des service d’ordre, des syndicats et des partis politiques des conseils pour s’organiser en urgence: c’est leur métier de contenir les pulsions du cerveau reptilien. Les quenelles, les propos antisémites, les affiches qui attaquent des rabbins, les insinuations judéophobes, les tags explicitement nazis parce que rédigés en allemand, tout cela doit être empêché par les gilets-jaunes eux-mêmes.

   A défaut, ce combat des gilets-jaunes cessera immédiatement d’être le mien.      
 

Michel Onfray

                                                                                           ***

Si 1 affiche sur 151 est de trop, à mon sens la fin en jaune est aussi en trop car en contradiction complète avec le sens global du texte (et des précédents) ... 

Il ne faut pas céder aux injonctions moralisatrices et basées sur la peur ou la culpabilisation.

(dont on voit qu' elles se basent sur des "fausses informations", des cas ponctuels sur lesquels on focalise, des affirmations péremptoires, des faits non avérés ou très exagérés, le tout instrumentalisé et amalgamé dans un seul but...)

 

 

Black Blocs

Certains observateurs (Gilets jaunes, M. Onfray, E. Todd...) et politiques (Mélenchon, Dupont-Aignan...) affirment ou suggérent que les militants des Black Blocs sont utilisés ou instrumentalisés par le gouvernement pour justifier la répression policière féroce des manifestations qu'ils infiltrent.
Sous entendu ou clairement exprimé: "on" laisserait faire, pour discréditer le mouvement, en le rendant impopulaire.

voir ici par exemple

Dupont-Aignan à l'intention de demander une commission d'enquête à ce sujet. (Ordres donnés pour interpeler les casseurs?)

On peut entendre pas mal de témoignages de gilets jaunes sur le Net, accusant les forces de l'ordre d'avoir laissé faire les casseurs BB quand ils auraient pu les arrêter.

un exemple concret donné par le Parisien (il faudra pas mal de voitures brulées et de dégâts pour que ce casseur déja connu soit enfin interpelé en fin de manifestation après avoir été suivi lors de ses exactions et filmé depuis le début.)

-Certaines vidéos montrent en effet des casseurs à l'oeuvre à proximité de CRS sans que ceux-ci n'interviennent.

-Sur Paris, très peu de militants d'extrème gauche semblent interpelés alors qu'ils semblent être à l'origine de 80% des violences, contre 10% à l'extrème droite et 10% aux Gilets Jaunes (estimation,  "à la louche" , de source policière).

-Depuis 2 ou 3 week end,  on assiste à des rixes entre extrème droite et extrème gauche, chaque groupe tentant de sortir l'autre des défilés GJ. Des militants de droite souverainiste (dont d'ancien militaires) ont renforcé ponctuellement les services d'ordres de manifestations déclarées (essayant d'éviter l'infiltration de casseurs). Des  militants anti-fa  ont pris à partie (voire lynché) des figures de "droite" controversées (mais intégrées pacifiquement aux défilés) avant de se faire sortir eux-même par des GJ.

Bref c'est un peu le souk...

 

Qui sont les militants des actions black blocs?

Francis Dupuis-Déri (écrivain  canadien)

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• Rappel historique

3 Les Black Blocs sont apparus à Berlin Ouest pendant l’hiver de 1980 alors que les policiers vidaient brutalement des squats de militants du mouvement autonome. Décidés à défendre leur logement, ces militants formeront les premiers Black Blocs – expression lancée par la police allemande – qui affronteront les policiers dans de violents combats de rue [2][2]G. Katsiaficas, The Subversion of Politics : European….

Le Black Bloc est un type d’action collective, une tactique. Ceux et celles qui veulent former un Black Bloc se présentent lors d’une manifestation vêtus et masqués de noir : se reconnaissant aisément, ils peuvent alors constituer un contingent. La première fonction d’un Black Bloc est d’exprimer une présence anarchiste et une critique radicale au cœur d’une manifestation. Il offre aussi la possibilité à des militants de mener des actions directes car cette masse dans laquelle ils se fondent leur assure une solidarité politique et protège leur anonymat, ce qui rend d’autant plus difficile pour les policiers de cibler et d’arrêter un individu en particulier.

4 Cette tactique deviendra rapidement populaire et les militants autonomes y auront recours lors de grandes manifestations. Un Black Bloc entrera par exemple en action à Berlin en 1988 à l’occasion – déjà – d’une réunion de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Ce type d’action se diffusera à travers le réseau anarcho-punk de la contre-culture radicale d’Europe centrale jusqu’au Canada et aux États-Unis, où un premier Black Bloc se forme dès 1991 lors d’une manifestation dénonçant la guerre contre l’Irak. Dans les années quatre-vingt-dix, les militants du mouvement nord-américain Anti-Racist Action (ARA) qui privilégient la confrontation directe contre les néo-nazis et les suprémacistes « Blancs » reprendront également cette tactique [3][3]Des membres de la section torontoise d’ARA se rendront par … qui sera enfin adoptée par des militants actifs au sein du mouvement « antimondialisation ».

• Black Blocs et anarchisme

5 Les anarchistes en général et les Black Blocs en particulier ne sont pas les instigateurs du mouvement « antimondialisation », mais ils participent à la dynamique de ce mouvement et plusieurs y voient un lieu privilégié où exprimer leur critique du capitalisme et de l’État libéral. Journalistes, porte-parole des groupes réformistes et militants non-violents dérangés par la présence et les actions des Black Blocs concluent trop souvent que les Black Blocs sont anarchistes parce qu’ils ont recours à la force. Il s’agit là d’un amalgame fallacieux qui laisse dans l’ombre trois faits importants : toutes les idéologies politiques et mêmes religieuses ont su justifier la violence de leurs partisans lorsque cela leur convenait ; l’anarchisme compte beaucoup de partisans non-violents [4][4]N. Baillargeon, Les chiens ont soif : critiques et… et certains Black Blocs ont participé à des manifestations sans avoir recours à la force [5][5]Ce fut le cas, entre autres, lors des manifestations pour les …. Si les Black Blocs sont de sensibilité anarchiste, ce n’est pas en raison de leur potentiel violent mais bien plutôt parce qu’ils fonctionnent de façon égalitaire et libertaire ; en d’autres mots, leur structure et leur processus de prise de décision sont non autoritaires et non hiérarchiques.

6 Quiconque vêtu de noir peut en principe se présenter à une manifestation et se joindre au contingent noir. Mais un Black Bloc est d’abord un regroupement de plusieurs « groupes d’affinité », une expression très répandue au sein du mouvement « antimondialisation » et qui provient de la tradition anarchiste (de tels groupes – grupos de afinidad – existaient dès la fin du xixe siècle dans la mouvance anarchiste espagnole [6][6]D. Colson, Petit lexique philosophique de l’anarchisme de …). Un groupe d’affinité est généralement composé d’une demi-douzaine à quelques dizaines de membres. L’affinité entre les membres s’explique par les liens qui les unissent – ce sont des amis, des camarades d’étude, de travail ou de groupes politiques – et ils ont en partage une sensibilité à l’égard du type d’actions qu’ils entendent mener, de la façon de les mener ainsi que des modalités d’interaction sociopolitique qu’ils désirent établir et maintenir entre eux. Les réunions au sein des groupes d’affinité fonctionnent sur le mode de la démocratie directe, mais la recherche du consensus y est privilégiée et le recours au vote plutôt rare.

7 Il est difficile d’évaluer avec exactitude le profil sociologique des participants aux Black Blocs. Il semble qu’ils soient plutôt jeunes (autour de la vingtaine, avec des écarts jusqu’à quinze et cinquante-cinq ans) et souvent étudiants, mais tout en ayant une expérience militante (par exemple dans des journaux radicaux et des groupes de lutte contre le racisme, contre la brutalité policière ou pour les sans-emploi). De nombreuses femmes participent à l’organisation des Black Blocs (environ 40 % dans le cas du Sommet de Québec) et joignent l’action (environ 25 %). Lors des réunions, la parole est souvent distribuée en alternance aux hommes et aux femmes, une procédure qui permet de contrer partiellement la réalité sociopsychologique selon laquelle les hommes s’expriment et s’affirment généralement avec plus de facilité en public, ce qui leur confère de facto plus de pouvoir dans un processus délibératif [7][7]En cela, les Black Blocs s’inscrivent dans la mouvance du ….

8 Un Black Bloc, tout comme les groupes d’affinité qui le composent, n’a pas de « chef » qui distribuerait les rôles à chacun et imposerait les objectifs collectifs. C’est au cours d’un processus délibératif que les membres discutent des risques qu’ils entendent prendre et qu’ils décident du type d’actions qu’ils désirent mener. Certains groupes opteront pour des actions offensives (ils auront alors des bâtons, frondes, boules de billard, cocktails Molotov, etc.) ou défensives (boucliers, plastrons, gants, jambières, casques, masques à gaz, etc.), d’autres se spécialiseront dans des actions de soutien : ils effectueront des opérations de reconnaissance et de communication (vélos, walkie-talkies ou téléphones portables) ; constitueront un corps d’infirmiers volontaires (doté de l’équipement nécessaire pour soulager les victimes des gaz lacrymogènes et du poivre de Cayenne et administrer les premiers soins aux blessés) ; ou se donneront comme tâche d’entretenir le moral des troupes en jouant de la musique.

9 Lors d’événements très importants, plusieurs groupes d’affinité peuvent organiser entre eux des réunions de coordination. Le processus de coordination des Black Blocs de la région de Montréal débuta ainsi dès 2000 en prévision du Sommet des Amériques à Québec en avril 2001. Il est toujours possible, toutefois, que des individus ou des groupes d’affinité n’ayant pas participé à cet effort de coordination se joignent au Black Bloc la veille ou le jour même des manifestations ou y forment leurs propres Black Blocs.

 

source

10/02/2019

Burning Man 2018 en 4 minutes.

Onfray: Les gilets jaune votent Hitler

Les gilets jaune votent Hitler

Si Hitler n’avait pas existé, il est probable que BHL l’eût inventé -lui et tous les européistes qui le remettent sans cesse en selle, partout, tout le temps, en permanence, et ce ad nauseam, dans la moindre de leur intervention dès qu’il s’agit de discréditer leurs adversaires… Pour ce genre de propagandiste, le monde se partage entre ceux qui défendent les mêmes préjugés qu’eux, la crème de l’humanité, et les autres, tous les autres: la lie.

   On sent bien que, comme Saint-Just, les européistes aimeraient bien que tous ceux qui ne pensent pas comme eux n’aient qu’une seule tête afin de pouvoir la leur couper en une seule fois! Ces bien-pensants sont les dignes héritiers de la loi robespierriste sur les suspects, du Tribunal révolutionnaire qui abolit les droits de la défense et de la guillotine qui règle tout les conflits de façon tranchante: on a le droit de penser, certes, mais comme eux, sinon on perd la tête qu’ils font rouler dans la sciure médiatique à l’aide de journalistes liges qui agissent en exécuteurs de leurs basses œuvres.

   J’ai nommé ailleurs "négationnisme" cette façon inadéquate d’utiliser Hitler, le nazisme, la Shoah, les chambres à gaz. Car, si les CRS sont des SS, comme le disaient les soixante-huitards qui invitent aujourd’hui Macron à ne pas trop se gauchiser et à taper fort contre les pauvres (Daniel Cohn-Bendit & Romain Goupil, Henri Weber & Serge July, BHL & Pascal Bruckner par exemple…), alors ces SS de Mai 68 qui n’ont tué personne permettent de relativiser ce que furent les SS auxquels on doit vraiment la mort de millions de gens… 

   Si Emmanuel Macron croit bon, avant le deuxième tour des présidentielles, de se rendre à Oradour-sur-Glane, le village martyr ravagé par la division SS, des vrais ceux-là, "Das Reich", puis au mémorial de la Shoah qui commémore six millions de morts, des vrais eux-aussi, c’est pour faire comprendre que Marine Le Pen est la candidate des nazis alors que lui serait celui des victimes et des opposants au national-socialisme!

   Si Marine Le Pen c’est Hitler, alors il faut le dire et le montrer: quel est son projet génocidaire? Qui veut-elle tuer? Lesquels a-t-elle pour projet d’exterminer? Les Roms, les Juifs, les homosexuels, les francs-maçons, les communistes, les témoins de Jéhovah? Avec quels moyens? Des rafles? Des déportations? Des convois de train vers des camps d’extermination? Où sont ses chambres à gaz? S’agit-il de ses universités d’été? Avec quel Zyklon B? Sont-ce ses passages sur BFMTV ou France-Inter? Qui sont ses SS? Les dénommés Gilbert Collard ou Wallerand de Saint-Just?

   Comment les professeurs vont-ils pouvoir enseigner l’Histoire à des jeunes si le CRS est un SS, si Marine Le Pen  c’est Hitler, si la présence de Marine Le Pen au second tour de l’élection c’est la destruction d’un village comme Oradour ou bien encore le projet de Solution finale? Pourrait-on un peu raison garder et ne pas instrumentaliser les  victimes du nazisme aux petites fins électoralistes des petites politiques politiciennes?

   Après ce viol perpétuel de l’histoire, quel professeur pourra encore enseigner la Shoah dans les classes de collèges et de lycées des banlieues où sévit un antisémitisme rabique?  Ce détournement du national-socialisme se retourne contre ses utilisateurs: en relativisant le nazisme, ils gravent l’avers d’une médaille sur laquelle on trouve en revers les négationnistes du genre Faurisson. Ce dernier disait que la Shoah n’avait pas eu lieu, les autres disent qu’elle est assimilable au refus de voter Macron aux prochaines élections européennes, ce qui est une même façon d’insulter la mémoire des millions de victimes juives.

   J’exagère ?

   Hélas non.

   En voici deux preuves.

   La première:

   Le dimanche 27 janvier dernier, Nathalie Loiseau, ministre chargée des Affaires européennes qui fut directrice de l’Ecole nationale d’administration après avoir fait Science Po, catholique pratiquante, juppéiste devenu macronienne, commémore le 74 ème anniversaire de la libération d’Auschwitz avec deux tweets. Le premier  instrumentalise le visage, le nom et les mots de Simone Veil: "La construction européenne est née à la réaction à la barbarie du XX° siècle. Qu’ont donc en tête ceux qui aujourd’hui veulent affaiblir l’UE? En ce jour de la commémoration d’Auschwitz, n’ayons pas la mémoire courte." Comme si l’obscénité de cette récupération intellectuelle ne suffisait pas, la dame en remet une couche trois heures plus tard, toujours dans un tweet, car il semble que ce soit dans ce format que sa pensée complexe brille le mieux: "Ma grand-mère devait porter une étoile jaune sur son manteau. Moi j’ai de la chance d’avoir douze étoiles sur mon (sic) drapeau!" Au cas où les mots n’auraient pas suffi, elle ajoute un dessin d’enfant -à moins qu’il ne soit d’elle.... Puis ceci: "L’étoile jaune fut la honte de l’Europe. Les douze étoiles du drapeau européen nous le rappellent: plus jamais ça." Qu’on comprenne donc la ministre: quiconque n’ira pas voter Macron en mai prochain travaille au retour de la Solution finale…

   Deuxième preuve:

   Deux jours plus tard, le mardi 29 janvier Serge, Beate et Arno Klarsfeld et "Les Fils et Filles des déportés juifs de France" achètent une pleine page du Figaro pour y publier un texte intitulé: "L’Union européenne est la chance et l’avenir des Européens". Pourquoi pas, encore que cela reste à démontrer. On ne s’étonnera pas que, dans cette page vendue par le service publicité du journal, les arguments soient ceux de la réclame mais nullement ceux de la vérité historique.

   Voici l’entrée en la matière : "Il y a soixante-dix ans, le 27 janvier 1945, à Auschwitz combien parmi les survivants de l’extermination des Juifs pouvaient croire à une réconciliation de la France et des Juifs avec l’Allemagne? Et pourtant elle a eu lieu! On doit cette réconciliation à la construction progressive de l’Europe par la CECA, la CEE et par l’Union européenne ainsi que par la volonté d’une pléiade d’hommes et de femmes d’Etats français et allemands."

  Suit alors un éloge de l’Europe à laquelle on devrait: protection, paix, croissance, "avancées sociales", barrage à l’antisémitisme. Mais "le retour des populismes, avant-garde nauséabonde (sic) d’une extrême-droite ardente à ranimer un antisémitisme populaire, est un danger si évident que les Juifs en Europe doivent se mobiliser pour s’y opposer ou se préparer à devoir quitter l’Europe".

   Il s’agit d’extrême droite; chacun aura donc compris que Marine Le Pen est ici visée. Dès lors, on aimerait les preuves que l’antisémitisme populaire, qui se trouve effectivement ranimé ces temps-ci, l’est davantage par elle (où? quand? comment? par qui? avec qui? avec quels propos? et quelles plaintes en justice?) que par l’islamo-gauchisme qui infuse tous les partis de gauche à des degrés divers. Dénoncer "l’islam fondamentaliste" sans jamais dénoncer la gauche coupable de lui trouver des excuses est intellectuellement malhonnête et politiquement partisan-ou bien, ce qui revient au même, politiquement partisan, donc intellectuellement malhonnête.

   Cette publicité politique qui instrumentalise la Solution finale à des fins de politique politicienne appelle "à défendre les valeurs humanistes en allant voter pour des parti pro-européens". Et puis ceci: «"L’immense tragédie de la Shoah s’est déroulée sur tout le continent; on ne peut faire obstacle à la haine anti-juive qu’en renforçant l’Union européenne." On n’a pas demandé son avis à Anne Frank, mais on lui fait voter Macron! J’ai honte, pour sa mémoire, de cette profanation !     

   L’utilisation d’Hitler par les européistes qui voient d’un mauvais œil les gilets-jaunes questionner leur modèle libéral semble en progression constante.  Si l’on en croit la réclame des Klarsfeld, cette Europe libérale apporte "protection", mais à mes yeux pas à tous, "paix", mais pour certains seulement, "croissance", pour moins de personnes encore, "avancées sociales", chacun s’en sera rendu compte, et "barrage à l’antisémitisme", il suffit de porter une kippa dans les territoires perdus de la République (dont les collectivités locales sont aux mains du Rassemblement national, comme il est facile de s’en persuader, bien sûr…), pour en être convaincu! Mais si l’on en croit le réel, les choses sont moins jolies que cela -les gilets-jaunes en apportent la démonstration flagrante depuis des semaines en faisant revenir sur le devant de la scène le réel congédié par les européistes.

   Faire silence est une façon médiatique des plus redoutable de traiter une information. Si j’en juge par la multiplication des affiches des gilets-jaunes sur Caen, les revendications ne sont pas ce que les médias du système rapportent sans cesse. Il existe en effet chez eux une mise en cause radicale de l’Europe maastrichtienne dont la presse évite soigneusement de  parler. On braque le projecteur sur d’autres sujets (RIC, ISF, 80 km/h…) afin éviter d’aborder ce sujet qui fâche.

   Naïvement, je m’étonnais que l’Europe maastrichtienne ne soit pas remise en cause par les gilets-jaunes: or, elle l’est. Mais les médias passent sous silence cette revendication centrale pour interdire les questions qui fâchent et les vrais débats qui pourraient dessiller les Français. Il faut sauver le soldat Macron qui combat en première ligne pour la cause de l’Etat libéral maastrichtien.

   Le président de la République parle tous les jours (quand travaille-t-il?) de choses majeures pour la République: isolation des greniers et permis de conduire, limitation de vitesse sur les routes et orientation dans les collèges, retraite des veuves et remboursement des prothèses auditives, parc de voitures électriques et harcèlement scolaire, dyslexie et autisme…

  Mais il évite absolument que LA question soit posée: celle qui veut qu’avec le traité de Maastricht aucune politique intérieure française ne soit plus possible en dehors des ukases de l’État maastrichtien. La France n’est plus un Etat souverain: elle ne peut donc plus faire autre chose que ce que l’Etat maastrichien veut pour elle à sa place. A quoi bon dès lors pinailler à propos de ce sur quoi la France n’a pas ou plus de pouvoir depuis 1992?

   Les gilets-jaunes souhaitent que le peuple français reprenne la parole parce qu’il a constaté que ses propres élus la lui confisquent -notamment depuis la négation de son vote de 2005 contre le traité constitutionnel européen. Ils aspirent à un référendum d’initiative citoyenne pour recouvrer leur souveraineté confisquée par leurs élus constitués en castes qui se réclament du peuple pour mieux gouverner sans lui, malgré lui ou contre lui. La revendication du RIC s’enracine dans ce coup d’Etat du Congrès qui décide en 2008 d’aller à rebours du peuple en votant contre son vote.

   Si la démocratie représentative représentait vraiment, alors les électeurs auraient confiance en elle. Mais comme elle ne les représente pas puisqu’elle agit régulièrement contre eux, ou sans prendre leur avis, alors la proposition de démocratie directe apparaît comme le meilleur remède à cette maladie de la démocratie qu’est l’oligarchie dans laquelle nous vivons. Si l’élu se moque depuis longtemps de l’électeur une fois investi, alors l’électeur se moque depuis peu d’un élu qui obéit plus à son parti qu’à son mandataire. D’où le surgissement d’un désir de démocratie directe et le souhait du référendum d’initiative citoyenne.

   C’est ici qu’Hitler reprend du service…

   On l’a vu lors du Brexit, et on le voit chaque fois que l’Europe libérale est refusée par les peuples lors de consultations électorales, les oligarques maastrichtiens mettent tout en œuvre pour négliger, passer outre, dédaigner, mépriser le vote populaire. Il s’agit d’un véritable populicide dont les exemples abondent -le dernier en date est le dernier épisode de l’empêchement du Brexit puisque, pour quitter l’Etat maastrichtien, il faut obtenir son autorisation! Si Louis XVI avait dû donner son autorisation pour abolir la monarchie, nul doute qu’on y serait encore.

   Parmi les éléments de langage des intellectuels tout au service de cette cause, l’idée que le peuple peut parfois mal voter! "Errer" dit même explicitement BHL. A l’époque du Brexit, outre BHL, Minc, Cohn-Bendit, Ferry, un grand nombre d’intellectuels organiques du pouvoir maastrichtien avaient pris pour élément de  langage que le peuple pouvait se tromper en votant, la preuve: Hitler avait été élu démocratiquement.

   Cette variation sur le thème du point Godwin [1] est régulièrement réactivée par les mêmes aujourd’hui quand ils veulent discréditer ou disqualifier le souhait qu’ont les gilets-jaunes d’instaurer un référendum d’initiative citoyen. Puisque Hitler aurait été élu démocratiquement par le peuple, le RIC du peuple serait l’occasion d’élire de nouveaux Hitler. Et pourquoi pas sa fille naturelle, Marine Le Pen? N’est-ce-pas?

   Or, si l’on veut penser, et non pas insulter, il faut faire un peu d’Histoire afin de montrer que, d’une part, le peuple n’a pas voté pour Hitler au suffrage universel direct, comme si la république de Weimar avait été relookée par le général de Gaulle, et que, d’autre part, l’accession de Hitler au pouvoir, et la politique qui s’en est suivie, ont été massivement préparés et nourris par la collaboration de professeurs, de scientifiques, de journalistes, d’écrivains, de juristes, de philosophes, mais aussi de banquiers, d’industriels, de militaires -autrement dit moins par le petit peuple que par… les élites !

   Précisons.

   Le peuple n’a pas voté pour Hitler au suffrage universel direct. Je m’appuie pour ma démonstration sur le remarquable travail de Ian Kershaw [2]. Electoralement, Hitler est toujours minoritaire: ce qui veut dire que le peuple ne le porte pas massivement au pouvoir. Entre 1924 et 1933, il y a sept élections législatives dans la république de Weimar: il ne passe jamais la barre des 50% d’électeurs. Il est majoritaire par un jeu qui ne relève pas du suffrage universel direct mais, par les combines électoralistes des partis -déjà…- grâce auxquelles il se trouve propulsé à la tête du pouvoir. En novembre 1932, c’est-à-dire quelques semaines avant son arrivée au pouvoir le 30 janvier 1933, la majorité échoit à une coalition de gauche et du centre, donc nullement aux nazis. Le président du Reich, le maréchal von Hindenburg, propose un gouvernement d’union nationale à ces deux partis gagnants. Or, les socio-démocrates refusent. C’est donc leur refus qui conduit Hindenburg à proposer le poste de chancelier à Hitler. Ça n’est donc pas le peuple qui a porté Hitler démocratiquement au pouvoir, mais la gauche après qu’elle eut refusé une alliance avec le centre… De la cuisine de politique politicienne: voilà la généalogie de l’arrivée de Hitler au pouvoir -et non un vote massif du peuple pour le dictateur. 

   Il faut également faire rendre gorge à une deuxième mythologie en vertu de laquelle le peuple, et lui seul encore, aurait rendu possible le nazisme. Pour ce faire, l’adhésion aveugle des foules aux discours des tribuns fanatiques est présentée comme une vérité de psychologie sociale expliquant tout. Il est en effet facile d’en appeler aux thèses de Gustave Le Bon sur la psychologie des foules pour accabler une fois de plus le peuple coupable par sa bêtise et sa naïveté, sa candeur et son imbécillité, son ignorance et son inculture, de succomber au pouvoir hypnotique de l’orateur hystérique.

   Mais c’est oublier la responsabilité des "élites", pour parler le langage du jour, dans la construction du national-socialisme, mais aussi dans sa propagation et dans son expansion. 

   Cette fois ci, je m’appuie sur les travaux d’un autre historien, Max Weinreich: "Hitler et les professeurs" (Les Belles Lettres) qui a été publié juste après la chute du III° Reich. A l’issue d’une enquête accablante pour les universitaires et les scientifiques, les écrivains et les journalistes, Weinreich écrit dans les dernières lignes de son livre: "Aucune des disciplines scientifiques pouvant être utile au régime ne se déroba. Les centaines (sic) de noms que nous avons rencontrés proviennent de tous les champs du savoir, de l’anthropologie physique et culturelle à la philosophie, l’histoire, le droit, l’économie, la géographie et la démographie, la théologie, la linguistique et la médecine. Seuls les noms des ingénieurs qui ont mis tant d’habileté à construire les chambres à gaz et les fours crématoires sont demeurés dans l’ombre, mais leurs réalisations plaisent en leur faveur, ils connaissaient leur métier" (337-338)… L’auteur conclut à la culpabilité des "élites intellectuelles" (340) dans la préparation, l’avènement, l’être, la force, la puissance et la durée de la barbarie hitlérienne.

   Dénoncer la seule culpabilité du peuple dans l’avènement d’Hitler au pouvoir est donc bien la thèse de ceux qui, justement, ont rendu possible cette créature et son oeuvre maléfique: la caste des politiciens professionnels, les acteurs du petit jeu électoraliste des partis, les intellectuels au service du pouvoir, mais aussi les banquiers qui ne prêtent qu’aux riches et les bourgeois qui défendent leurs privilèges, les propriétaires soucieux de protéger leurs biens du péril rouge et les militaires obsédés par l’ordre. Rien n’a vraiment changé, y compris dans l’art d’attribuer la responsabilité aux autres, en l’occurrence le peuple, à savoir ceux sur lesquels s’exerce le pouvoir, ce dont l’élite est elle-même responsable.

   Si la rue est aujourd’hui pleine de colères qui se disent enfin après une accumulation silencieuse et digne pendant de si longues années, la faute en incombe moins à ceux qui dénoncent la misère qu’à ceux qui en sont à l’origine et qui, de ce fait, en sont responsables -donc coupables. Hitler n’a pas été produit par le peuple mais par ceux qui n’ont que mépris pour lui.

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[1] Wikipédia: La loi de Godwin est une règle empirique provenant d'un énoncé fait en 1990 par Mike Godwin relatif au réseau Usenet, et popularisée depuis sur Internet: 'Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1."

[2] Parlant de l’arrivée de Hitler au pouvoir, Yann Kershaw écrit: "Les évènements de janvier 1933 forment un extraordinaire drame politique, mais un drame qui se joua largement loin des yeux du peuple allemand" (Hitler, Flammarion, 301) – c’est moi qui souligne. 

 

01:24 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : onfray, hitler |  Facebook

07/02/2019

L'arme du futur...

... du futur immédiat.

Le consumérisme en soi est un fléau.

Choisir en conscience ce que l'on consomme est la clef!

Collectivement cela peut vite devenir une arme, en particulier contre le système ultralibéral de consommation superflue à tout va.

Privilégier la qualité à la quantité.

Le local à l'import lointain.

Boycotter certains produits ou marques  dans un but moral ou politique.

Privilégier certains produits en fonction de sa conscience, c'est la meilleure façon de voter, en réalité, dans ce monde matérialiste et consumériste.

Avec Internet et la possibilité de s'informer, il est grand temps de s'y mettre, de manière plus consciente, plus énergique et déterminée (car on le fait déja naturellement dès que l'on essaie d'être cohérent ).

On ne change pas le monde sans se changer soi-même.Sans changer son comportement, ses habitudes.

 Pas d'obligation, juste une incitation par la prise de conscience et l'éveil.

06/02/2019

S'interroger

 

chevaucher-le-tigre.jpg

 

"Selon les chamans toltèques, il y a deux sortes d’hommes sur terre : ceux qui prennent le temps de s’interroger sur les gens et sur le sens de l’univers et de se demander qui ils sont et ce qu’ils font là, des hommes que les réponses toutes faites proposées par la société dans laquelle ils vivent ne satisfont pas et qui vont faire de ces deux questions le fondement d’une vie nouvelle, imprégnée d’un irrésistible parfum de liberté. Et puis il a les autres, ceux qui, riches ou pauvres, cultivés ou non se seront très tôt laissés hypnotiser par le brouhaha, les nécessités et les mirages de la vie quotidienne au point de ne jamais trouver le temps de se poser ce genre de questions, les trouvant inutiles ou même absurdes, une attitude et un choix que les chamans appellent « succomber à l’hypnose socialitaire ». Aventuriers de l’esprit, les premiers, s’ils persévèrent ont une chance de devenir les créateur de leur vie, portés par l’énergie du mystère de l’existence parce qu’ils l’auront regardé en face et accepté. Les seconds vivront le plus souvent dans le conformisme de leur époque, serviteurs du système en place, tournant le dos à l’inexpliqué et, par-là, à eux-mêmes. Le monde est en effet le miroir que chaque individu perçoit, une projection de soi, un processus circulaire que les chamans appellent « l’anneau de pouvoir ».
Comme le miroir, le monde ne nous renvoie que la représentation qu’en fabriquent nos perceptions personnelles, nos croyances et nos humeurs. Le vrai pouvoir de changer les choses se découvre et s’exerce à l’intérieur de soi, sur l’intérieur de soi.
Tous les psychothérapeutes dignes de ce nom et tous les chamans pratiquant la guérison spirituelle depuis de longues années sont amenés un jour ou l’autre à se demander pourquoi il est si difficile pour l’être humain de changer des croyances ou des comportements qui sont pourtant, à l’évidence, la cause de tant de souffrances, de mal-être et même de graves maladies. Mais il leur suffit de se rappeler combien de mémoires ancestrales, prénatales familiales, éducatives et socialitaires ont façonné leur personnalité pour avoir la réponse : l’homme est littéralement et jusqu’au plus profond de ses cellules infiltré de programmations d’ordre karmique, culturel et affectif qui sont autant d’obstacles à tout changement.
Travailler sur soi devient ainsi le seul espoir pour l’homme de se libérer et de devenir celui que, tout au fond de lui, son nagual lui murmure qu’il peut-être. Il est bien placé pour cela puisqu’en lui résident tous les changements et les potentiels créatifs de l’univers !


« L’homme ne naît pas libre mais il est libre de se libérer ».


C’est donc pour lui à la fois une chance extraordinaire d’en avoir un jour le désir et sa plus grande responsabilité.
Les sages taoïstes désignent le travail sur soi par l’expression « chevaucher le tigre ». Le tigre représente à leurs yeux cette force irrépressible qui fait mourir et renaître en permanence tous les êtres.En travaillant sur soi, on ose affronter au lieu de fuir, on bondit sur son dos, on l’enfourche et on se fond dans sa force pour mieux orienter celle-ci pendant que s’éveille peu à peu la conscience de notre identité avec lui."
  Paul Degryse

site

05/02/2019

Didier Super