Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/06/2012

Espèce d'anacoluthe ! (2ième édition)

Anacoluuuuuuuuuuuthe!!!

Ce n'est pas seulement une injure du Capitaine Haddock,

anacoluthe.jpg
 ni non plus une héroïne de série télévisée autrichienne,
une anacoluthe (étymologie, du grec anacoluthon:  "absence de suite") 
est une figure de style assez pointue.
 
Sous la plume d'un inconnu elle peut-être perçue comme une faute involontaire,
mais sous celle d'un écrivain, elle apparait comme
une transformation, au milieu de la phrase,
de la construction grammaticale que le début de la phrase laissait attendre.
Rupture ou discontinuité de sens, d'objet ou de sujet dans la construction de la phrase.
(Généralement les sujets des deux propositions diffèrent).
 

" Exilé sur le sol au milieu des huées /
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher "

(Baudelaire, « L'Albatros » dans Les Fleurs du Mal)

Son but est alors de renforcer l'énoncé et de le mettre en valeur en créant un effet de surprise.

Autres exemples:

" Vous voulez que ce Dieu vous comble de bienfaits
   Et ne l'aimer jamais ? "
(Racine, Athalie, I, 4.)


                                                          ***

 Mais le monde des ruptures syntaxiques s'avère beaucoup plus riche et précis que cela,

parmi les diverses anacoluthes existantes, on trouve en effet quelques figures de style au nom à coucher dehors...

 

  •  Le zeugma (rupture de la symétrie syntaxique):
    le verbe y régit à la fois un complément d'objet et une subordonnée:

" Ah ! savez-vous le crime et qui vous a trahie ? "
    (Racine, Iphigénie)

ou bien il régit une proposition infinitive et une conjonctive:

"Il lui a ordonné de se taire et qu'il lève haut les mains."

(C'est une construction stylistique qui, peu à peu, est passée dans le langage courant.)

 

  •  La tmèse (qui intercale un mot ou une expression, souvent des adverbes, entre deux autres habituellement liés. C'est une variante de l'hyperbate.)

1/disjonction syntaxique : 
" Les hommes parlent de manière, sur ce qui les regarde, qu'ils n'avouent d'eux-mêmes que de petits défauts. "
    (La Bruyère)

 "Telles,immenses, que chacune Ordinairement/ se para D'un lucide contour..."
    (Mallarmé)

2/disjonction sémantique :
" des pommes bien vieilles de terre "

 

  • Le solécisme
    L'exemple classique encore en usage de faute syntaxique dans la correspondance administrative
    (le sujet sous-entendu de la circonstancielle et le sujet de la principale sont différents)
    " Dans l'attente de votre réponse, veuillez agréer, Monsieur l'assurance de mes sentiments les meilleurs… "

" Il s’est vu décerner le premier prix. "
(Bien sur, le plus souvent, il ne s'est pas vu en train décerner ce prix, mais en train de le recevoir.
C'est le contexte qui permet de comprendre le sens réel.)

 

  • L’anastrophe
    ( renversement de l'ordre habituel des termes d'une expression ou d'une phrase )

" Le nez de Cléopâtre, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé. "
    (Blaise Pascal, Pensées)

(Ce procédé met l'esprit en attente...)

"D'amour vos beaux yeux, Marquis,mourir me font.
      (Molière)

" Toutes les dignités que tu m'as demandées,
Je te les ai sur l'heure et sans peine accordées. "

    ( Corneille, Cinna)

"Jamais cela ne surviendra"

avec notamment les inversions grammaticales "sujet-verbe" , "sujet-complément" ou "verbe-complément".


« Il viendra quand viendront les dernières ténèbres. »
    (Victor Hugo)

 

  • L'anantapodoton
    ( consistant à omettre l'un des termes d'une expression alternative dans une phrase.)
    " Pour les uns, c'est un grand homme, mais ça se discute. "
    ("pour les autres", attendu, ne vient pas)

"On trouve des erreurs dans ce document. D'autre part, certains mots sont illisibles. "
(id pour "D'une part")

 

  • L'hyperbate  (L'hyperbate consiste à ajouter un mot ou un ensemble de mots ainsi mis en évidence à une phrase qui paraît finie )

    "Quelle, et si fine, et si mortelle,
    Que soit ta pointe, blonde abeille
    (Paul Valéry, Charmes.)

          « Albe le veut, et Rome; il leur faut obéir »(Pierre Corneille, Horace, II, 6)

L'hyperbate est souvent une forme de mise en relief de mots, rejetés en fin de phrase.

               
          " Le ciel est, par-dessus le toit,
          Si bleu, si calme !"
               (Paul Verlaine, Sagesse.)

          « Quelques braves gens mourraient, dont c'était le métier »
               (Marguerite Yourcenar, L'œuvre au noir)

 

        *  faux zeugma   (source Wikipédia)

Il existe un genre populaire de construction parodique à simple prétention humoristique, où l’alliance est artificielle et le comique issu de l’irrésolution du zeugma qui tient du coq-à-l’âne.


        « Il parlait en anglais et en gesticulant »

        dans cette phrase, le verbe principal ne régit pas directement « en gesticulant » qui est un   gérondif indépendant. L’alliance est forcée autour de la préposition « en », par une simple symétrie syntaxique, aux fins d’humour.

« J’ai traversé la France et une crise de désespoir ».

        On ne peut trouver, même de loin, un lien logique entre un parcours terrestre et une crise morale. Ce qui crée la surprise drôlatique.

Dans la culture contemporaine, Pierre Desproges inventa des exemples de faux-zeugmas dans son Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des bien nantis. Entre autres, « Prenant son courage à deux mains et sa winchester dans l'autre, John Kennedy se tira une balle dans la bouche ». Il les fabriquait en série : « Après avoir sauté sa belle-sœur et le repas du midi, le Petit Prince reprit enfin ses esprits et une banane »

 

NB: Note déja postée en Mars 2009 à l'exception de l'hyperbate et  du faux-zeugma.