21/04/2017
Elections, elections.
Avoir conscience des limites du rite électoral est une chose, se réfugier dans l’abstention en attendant que passe l’orage en est une autre. Comme l’histoire l’a montré, rien de décisif n’arrive par la grâce d’un scrutin. Mais une élection, qu’on le veuille ou non, contribue toujours à cristalliser un rapport de forces. Entre ceux qui se satisfont du système oligarchique et ceux qui veulent le bousculer, le décompte se fera au soir du 23 avril. L’alternative est simple. On peut choisir d’assister au spectacle écrit par les autres, ou contribuer à la rédaction du scénario. Je choisis la deuxième solution.
Parmi les candidats en lice, certains s’éliminent d’eux-mêmes par ce qu’ils représentent. Emmanuel Macron et François Fillon, c’est l’hydre bicéphale du parti du pognon. Le premier veut “ubériser” la société en faisant de la France une “start-up nation”. Ce morveux qui a fait ses classes chez Rothschild est le commis du capital transnational. Avec lui, la France deviendra une satrapie de l’Empire. Fillon, lui, veut pulvériser les acquis de l’Etat social, passer à la moulinette ce que nos aïeux ont conquis de haute lutte. Voter pour lui, c’est remettre les clés de la “Maison France” à une bourgeoisie rassie qui ne pense qu’à conforter ses privilèges.
Benoît Hamon est le “looser” de la bande. Tout le monde l’a trahi, son programme est insignifiant, et il a le charisme d’un paquet de nouilles. Tout ce qui lui reste, c’est sa capacité de nuisance, et il l’exercera en prenant des voix à Jean-Luc Mélenchon. François Asselineau est courageux, il a de bonnes idées sur l’Europe, mais il peine à rassembler les foules. Il veut un deuxième porte-avions, il préconise “l’union du capital et du travail” et se réclame du “ni droite ni gauche”. Au total, son programme laisse perplexe.
Marine Le Pen exprime une passion pour la souveraineté qui est indéniable, je ne crois pas qu’elle soit “fasciste”, et lancer des cailloux sur ses partisans est une imbécillité. Mais son discours sur l’immigration est monomaniaque, son programme social est un écran de fumée, et l’idée qu’elle se fait de la France divise les Français en fonction de leur origine. Il est hors de question d’accorder ses suffrages à un parti qui réclame la police contre les grévistes, qui préfère cogner sur les étrangers plutôt que sur les multinationales, et qui a soutenu le régime d’apartheid sud-africain.
Reste Jean-Luc Mélenchon. Son programme économique et social est le seul à défendre les intérêts de ceux qui vivent modestement de leur travail. C’est un programme keynésien, fortement redistributif, qui associe relance par la demande, investissement public et rétablissement des droits sociaux. Son financement implique une réforme fiscale audacieuse, à rebours des pratiques libérales, qui lui donne un contenu progressiste. C’est le seul programme de gauche, dans cette élection, qui mobilise de larges couches de la population.
Bien sûr, l’application de ce programme suppose la rupture avec les traités européens. Mais pour acter cette rupture, il faudra sortir de l’UE ! Soucieux de ne pas effrayer une partie de son électorat, le candidat maintient pourtant la fiction d’une réforme possible de l’UE. C’est une erreur. Il pense qu’il va nouer une alliance avec d’autres pays. C’est surestimer le poids de la France. Pendant qu’il négociera, les puissances financières saboteront ses tentatives de réforme avec la complicité de la Commission et de la Banque centrale européenne.
S’il est élu, Jean-Luc Mélenchon, par conséquent, devra prendre les devants. Il devra consommer la rupture avec une UE dont le caractère réactionnaire est inscrit dans le marbre des traités. Sinon, ce sera un fiasco. En 2005, 80% des ouvriers ont voté non au référendum sur le Traité constitutionnel européen. Beaucoup d’entre eux votent pour le FN. C’est cet électorat populaire qu’il faut convaincre, et non les bobos qui ont peur de perdre du pouvoir d’achat pendant leurs vacances à l’étranger si la France sort de la zone euro.
Ce n’est pas parce qu’on vote pour un candidat qu’on partage toutes ses idées. Je suis aussi en désaccord avec M. Mélenchon lorsqu’il qualifie M. Assad de “criminel”. Mais si je prends la peine de dénoncer ce genre d’errements, c’est parce que les propositions du candidat en politique étrangère vont dans le bon sens et que ces saillies opportunistes en contredisent l’esprit. Pour ceux qui l’auraient oublié, Jean-Luc Mélenchon propose la sortie de l’OTAN, tandis que MM. Fillon, Hamon et Macron s’accommodent de cette allégeance à Washington.
Il est clair que pour sortir la gauche de l’ornière de l’européisme, de l’atlantisme et du droit-de l’hommisme, il faudra encore mouiller sa chemise ! Voter pour Jean-Luc Mélenchon n’est pas lui faire un chèque en blanc. C’est accompagner d’une critique vigilante un mouvement dont de nombreux signes attestent l’ancrage populaire, l’écho auprès des jeunes, la capacité à redistribuer les cartes. En nous débarrassant du PS, en infligeant un camouflet à cette droite multiforme qui rêve de prendre sa revanche, un succès de la “France insoumise” rendrait un grand service à notre peuple.
20:02 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : élections, tout sauf macron, mélenchon, uber | Facebook