Guerres et économie
05/07/2022
Posté sur son blog le 4 Juillet 2022 par Jp Petit, un bon résumé des divers types de guerre, dont on voit aujourd'hui l'apothéose chaotique.
(source https://www.jp-petit.org/nouv_f/videos_liens/Liens_et_videos.htm)
Pour un état, il y a de multiples façons de mener ce qu'on peut qualifier d'actions de guerre. Les guerres ne sont jamais présentées comme des actions agressives. D'ailleurs le terme "ministre de la défense" a progressivement remplacé celui de "ministre de la guerre". Quant aux guerres, elles sont présentées comme menées, c'est bien connu, pour préserver les intérêts de nations, pas ceux de petits groupes d'hommes (...).
La première façon plus conventionnelle de mener une guerre est de faire se battre ses propres soldats dans une région frontalière, comme ce fut le cas lors de la première guerre mondiale. Opération hautement dommageable humainement et matériellement, pour la nation impliquée, quoique profitable pour les vendeurs d'armes.
La seconde est d'envoyer se battre et se faire tuer ses propres soldats sur des terres étrangères, comme ce fut le cas dans les différents conflits qui se situèrent en terre afghane.
La troisième formule consiste à envoyer se faire tuer les citoyens d'autres pays, comme c'est le cas actuellement en Ukraine.
La quatrième consiste à contraindre un ennemi potentiel à consentir des dépenses de plus en plus lourdes pour sa défense comme le firent les Américains vis à vis de l'URSS jusqu'à ce que cette charge entraîne l'effondrement de celle-ci. Durant les vingt années qui viennent de s'écouler l'Amérique les USA tentèrent de reconduire cette stratégie, qui leur avait si bien réussi, en dénonçant les accords SALT, où les deux grandes puissances s'interdisaient de se doter d'armes anti-missiles. Les dépenses liées au fait de se doter d'un tel "bouclier" auraient une fois encore été telles que la Russie, incapable de se payer à la fois "le beurre et les canons" se serait effondrée à son tour. Mais les Russes échappèrent à ce piège en développant et secret des armes nouvelles, hypersoniques, révolutionnaires, ainsi que des drones sous-marins opérant à très grandes profondeur et grande vitesse, capables de percer toutes ces défenses. La "parité stratégique" fut donc rétablie avec un budget de dépenses militaires dix fois inférieur à celui de Etats-Unis. La Chine pourra évoluer dans ce sens si s'instaurent entre elle et la Russie des accords stratégiques et de transferts de technologies adéquats.
La cinquième façon de mener une guerre est de mettre en oeuvre des sanctions d'ordre économique contre une autre nation, appuyées par des actions similaires menées par des alliés. L'efficacité est alors discutable, car elles ne frappent que les populations civiles, comme ce fut le cas vis à vis de l'Iran.
La sixième façon de mener une guerre se situe sur le plan de l'idéologie et se mène dans la sphère médiatique. Hitler, se déplaçant en avion et utilisant la radio, usa très efficacement d'une telle "arme", avec le succès que l'ont sait. Le complément consiste évidemment, soit à supprimer physiquement toute possibilité d'opposition (assassinats, camps d'internement), soit de discréditer celle-ci, en diffusant entre autre de fausses informations. Cette guerre médiatique est essentielle pour "fabriquer l'ennemi" et dresser sa population contre celui-ci. Pour pouvoir user d'une telle "arme" toute oligarchie, dans tous pays, devra au préalable s'assurer un contrôle médiatique sans faille (ce qui est pratiquement le cas en France).
La septième façon, est de soutenir chez l'ennemi tout mouvement d'indépendance, de nature ethnique (ou/et) religieuse, afin d'affaiblir celui-ci, quitte à ce que ce soutien puisse à terme se traduire par l'émergence de mouvements similaires, contre ses propres citoyens, ou ressortissants, ou corps expéditionnaire, voire sur son propre sol.
La huitième façon se situe sur le terrain monétaire. La monnaie est un instrument de conquête, d'hégémonie. On peut dominer, dans un conflit, en faisant s'effondrer la monnaie d'un adversaire. On peut mener des conquêtes en contraignant d'autres pays a accepter sa monnaie comme "monnaie de référence". Le prêt est aussi une arme terrible. En soudoyant des chefs d'états et des responsables politiques on peut alors amener des pays à s'endetter. Quand le constat de la faillite s'impose il est alors aisé de monnayer un "soutien", une "aide", contre des avantages concernant les matières premières produites dans le pays "cible", son industrie, les taxes, les flux commerciaux et la main d'oeuvre locale. On peut ainsi mener des actions neo-coloniales et s'approprier de larges fraction des forces vives d'un pays avec ... du papier.
En quoi le fait de posséder "la monnaie de référence" donne-t-il un avantage majeur ? Tout accroissement de la masse monétaire par le pays qui la détient (et fait marcher la planche à billets) est automatiqement générateur d'inflation (voir l'Economicon) . Si l'usage excusif la dite monnaie imposée, le phénomène se trouve "dilué" à une échelle panétaire. Le pays dominant fait alors payer par l'ensemble de ses économies le prix de cette opération de "fausse monnaie" que représente toute impression de nouveaux billets. Si d'autres monnaies concurrencent cette monnaie dominante, cette dernière peut se voir refusée par des partenaires économiques. L'effet de "dilution" ne pourra alors plus s'opérer : si le dollar cesse d'être une monnaie de référence, qui ne pourra dès lors plus circuler qu'à l'intérieur des USA, toute création de nouveaux "billets verts" entraînera immédiatement l'inflation à l'intérieur du pays .
La neuvième se situe sur le terrain de la production industrielle est des activités commerciales. L'arme repose alors sur modicité du poids salarial, la capacité d'organisation et de gestion du transport de produits manufacturés. Sur ce terrain le "dominant" absolu est la Chine. Il est moins coûteux (et plus rapide!) en France de commander quelque chose en Chine qu'aux fournisseurs de son propre pays. L'impact est évidemment le déséquilibre des balances commerciales et l'effondrement de l'industrialisation locale (en France, la démonstration n'est plus à faire).
La dixième relève d'actions prédatrices menées, non par un pays, mais relevant de l'union des oligarchies de plusieurs pays. C'est ce que mènent "les dirigeants de l'Union Européenne", non élus. L'adoption d'une monnaie commune supprime toute possibilité de spéculation monétaire entre ressortissants des différents pays membres, comme ce fut le cas dans le passé, ce qui est un point positif. La généralisation de l'interdiction pour les pays de "faire marcher la planche à billets" en imposant (traité de Maaschrift du 1° janvier 1994) que toute création de monnaie se traduise par un emprunt "sur les marchés internationaux", auprès des systèmes bancaires, s'oppose à tout accroissement incontrôlé de la masse monétaire, générateur d'inflation (voir l'Economicon). L'avantage présenté est la maîtrise de la masse monétaire qui est censée croître en même temps que l'activité économique (dans l'idée d'une "croissance théorique idéale" de 3%). En échange de "prêts à taux variables, allant jusqu'au taux zéro", "d'aides", on peut alors contraindre les dirigeants d'un pays à "accroître sa rentabilité" en réduisant ses dépenses sociales et en autorisant "la libre circulation des personnes et des biens", ceci permettant aux investisseurs d'implanter des activités industrielles et commerciales dans des zones à plus faibles coûts salariaux. présentée commes une politique visant à l'intérêt collectif, elles profitent en fait aux oligarchies des pays membres, "où les riches de viennent de plus en plus riches et les pauvres de plus de plus pauvres". La France est un exemple d'une telle retombée. Le but ultime est évidemment la Mondialisation, présentée comme stabilisatrice, globalement bénéfique, et inévitable.
Le conflit ukrainien marque une date historique, celle de la brutale et complète faillite de ce mouvement de mondialisation. Les sanctions économiques, si elles profitent au USA, vont se retourner dramatiquement contre les pays européens qui les auront appliquées. Sur le plan monétaire, au lieu de s'effondrer, comme ce qui était visé, le rouble se maintient. La situation entraîne une réorientation drastique des flux énergétiques, en particulier la cessation d'exportation d'hydrocarbures depuis la Russie vers l'Europe, (et ... le Japon!) et leur redirection (rapide, moins de 2 ans) vers la Chine et l'Inde. La situation économique et monétaire mondiale se radicalise. Encore dépendante de ses exportations en direction des pays européens, la Chine modère ses propos, avançant ses pions à pas feutrés. Une de ses démarches a consisté à monter son stock d'or à 24.000 tonnes, le plus important du monde, au fins d'appuyer sa propre monnaie, le Wuan, sur celui-ci. La Russie mène de son côté le même mouvement de discrète thésaurisation, dans le même but ultime : entraîner la chute du dollar en tant que monnaie de référence. Car là est est point faible des Etats-Unis. Dans le passé deux actions militaires, terriblement dommageables, humainement, socialement et économiquement, ont sanctionné des velléités de rebellion (Saddam Hussein voulait se faire payer son pétrole en euros, Khadafi voulait créer une monnaie africaine). Les USA réalisent que leur principal ennemi n'est pas la Russie, mais la Chine, dont ils dénoncent ... l'impérialisme économique !
Si l'existence des arsenaux nucléaires des uns et des autres ne rendait pas les choses si compliquées et dommageables, une III° guerre mondiale aurait déjà éclaté, ou serait sur le point de naître.
J'ai été très lié d'amitié avec feu François Meyer, professeur de philosophie de la faculté des lettres d'Aix en Provence, où je fus également enseignant, à l'époque où il existait encore ... d'authentiques philosophes. En 1974 celui-ci publia cet ouvrage :
Meyer avait récolté toutes les données concernant les différentes croissances possibles (nombres d'êtres humains au mètres carré, consuméristes, environnementales, pollution, etc) à une époque où l'intérêt pour ces questions était à peine naissant. On était deux ans après la publication du rapport du club de Rome, en 1972, signalant "que la croissance aurait nécessairement une limite". Meyer voyait dans toutes ces croissances une évolution exponentielle avec des constantes de temps très voisines. La conclusion de cette étude était l'émergence d'une situation ingérable que Meyer situait en ... 2024. En 1974 c'était loin ...
Il semble que notre planète entre, sur tous les plans (y compris celui des connaissances scientifiques) dans une phase critique majeure de son évolution. Et si cela se confirmait ce que je pense, cela signifierait qu'il existerait une possibilité de prédire des évènements des décennies à l'avance, en analysant simplement des chiffres, ce que Meyer avait fait.
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